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Ent’revues

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L’aurions nous enfin ce magazine de critique de bande dessinée tant attendu, qui rend pleinement compte de la richesse et la créativité du neuvième art, de sa production et de ceux qui la font ? Il semblerait en effet. Ka Boom est une revue trimestrielle qui prend le temps d’analyser, de rencontrer, de comprendre, sans céder aux sirènes de l’actualité immédiate (voire l’interview de Joe Matt qui n’a rien produit depuis plus de dix ans). Et sans pour autant se déconnecter du milieu, comme en attestent les dossiers concernant le festival d’Angoulême ou les dernières nouveautés éditoriales (en avant-première pour certaines). Du « mainstream » (Schtroumpfs, Asterix, Spirou), aux « indépendants » (Daniel Clowes, Blutch, Sfar & Trondheim, Ruppert & Mulot…), des anciens (Gus Bofa, Herriman, Don Rosa, René Follet) aux incontournables (Tardi, Corben, Jaime Hernandez, Willem, Floc’h, Gipi…), sans oublier les petits nouveaux (Nadja, Joff Winterhart), la rédaction évite tout clivage et guéguerres de chapelles.

Le choix des artistes et des œuvres présentées me convient tout à fait. Proposer des dossiers qui ont l’intelligence d’éviter les traditionnels écueils de l’hagiographie (bio-biblio), en abordant l’Œuvre d’un auteur sous un angle original (l’influence de Moebius sur les auteurs japonais, l’influence de Gus Bofa sur les dessinateurs contemporains…). Susciter des rencontres entre artistes (interviews de Dan Clowes par Pirus et Mezzo, Peter Belgvad par JC Menu, Joff Winterhart par Nine Antico, Willem par Morvandiau…), établir des liens inattendus (les schtroumpfs et le dadaïsme), créer des ponts entre les continents et les époques, telles sont les ambitions réussies de Ka Boom.

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Troisième numéro pour le bimensuel Aaarg, qui garde le cap et semble avoir trouvé son rythme de croisière (et ses lecteurs). C’est une bonne chose, car cette revue possède de grandes qualités, tant formelles que de contenus. Son format d’abord, très grand, épais et coloré, associé à une qualité d’impression impeccable, m’évoque le regretté Ferraille Illustré. Une revue hors norme qui « ne rentrera jamais dans ma petite bibliothèque toute moite » (comme indiqué au dos du Ferraille n°27). Son contenu est riche et généreux (188 pages plus des posters), à l’image des collaborateurs du rédac’chef Pierrick Starsky. Petit name-dropping qui en dit long : Anthony Pastor,Tanxxx, Fabcaro, Terreur Graphique, Pixel Vengeur, Salch, Pochep, Bouzard, Sourdrille, B-gnet, Rifo, Caritte, Reuzé, Jürg…

La comparaison avec Ferraille ne s’arrête pas là. L’humour varié (potache, satirique, second degré, con, etc.) et la diversité graphique sont au rendez-vous. Son contenu alterne entre courtes planches de gag en strips (avec entre autres le Grotext d’Olivier texier, Paf et Hencule de Goupil Acnéique…) et longs récits d’une vingtaine de pages (Pastor dans le n°1, Caritte, Rifo et Starsky dans le n°3). Le tout entrecoupé de dossiers complets et bien ficelés qui parfois, en particulier « les chroniques de la bouche bée », flirtent avec l’esprit « Echo des Savanes », photos racoleuses en moins. Sans oublier des zooms sur des artistes-illustrateurs : Laurent Durieux, Il Gatto, Riff Reb’s ou Julien Loïs. Bien qu’étant une revue de dessins et d’illustrations, Aaarg n’a pas peur des mots. On peut trouver des pages entières de nouvelles inédites sans une seule illustration. Ce qui contribue à la diversité de l’ensemble. Une revue à suivre…

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Alimentation générale, de la jeune maison d’édition indépendante nantaise Vide Cocagne, est née de l’initiative de l’excellent Terreur Graphique (ce qui s’annonce bon !). Une sorte de fanzine de luxe sorti de manière plutôt confidentielle en juin 2011, qui en est actuellement à cinq numéros. Une revue placée sous le joug de l’ « umour et bandessinée ». Pas étonnant dans ce cas de retrouver cette constellation d’auteurs qui gravitent autour des planètes Fluide, Psikopat, Jade, Aaarg ou feu-Ferraille, coutumiers de ce genre de production (Guerse, James & Boris Mirror, Fabrice Erre, Gilles Rochier, Pixel Vengeur ou Pochep). Merci à l’ami Nantua de m’avoir offert ce premier numéro, exclusivement composé d’histoires courtes dessinées, certaines reliées autour du thème de la bouffe (d’où le titre), sans aucun rédactionnel. Ça se lit vite mais c’est bien foutu. J’ai hâte de me procurer les autres numéros…

La belette – Comès (Casterman, 1983)

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Depuis son coup de maître Silence, Comès ancre ses histoires dans sa Wallonie natale. La belette ne déroge pas à la règle. Comès y confronte les mœurs et traditions séculaires à la modernité urbaine. Un couple de citadins (et leur enfant autiste) s’installent dans la campagne profonde et se confronte rapidement aux villageois qui, pour la plupart, se comportent bien étrangement. Malgré un sentiment de persécution et de nombreuses morts inexpliquées, l’héroïne trouvera sa place grâce à la belette, une jeune femme mystérieuse qui, avec son père, vouent un culte à la Déesse Déméter. S’écartant de plus en plus d’un mari égoïste et carriériste, elle décide de rester dans le village d’Amercoeur pour ainsi prendre la relève de la belette…

Le récit repose sur les oppositions : rîtes païens à la Déesse Mère contre religion catholique vouant son culte au Dieu unique (et craint). Opposition entre pulsions de vie incarnées par la mère enceinte et pulsions de mort représentées par le curé sanguinaire. Les mentalités étriqués et la précarité culturelle des uns (qui cèdent à la jalousie et la convoitise) font face au idées progressistes des autres, en particulier l’émancipation des femmes (les deux seules présentes sont des femmes fortes et indépendantes !). Le lourd héritage de la guerre est aussi présent, incarné par le Boche qui, tout comme la famille de citadins, suscite la peur chez les autochtones. Peur de l’étranger, peur de ce qui est différent (autisme, rites païens…)

Le graphisme de Comès joue de ce contraste fort du noir et blanc strict. Influencé par Pratt, Tardi ou Munoz, il possède toutefois une forte personnalité. Aucunes droites, toutes les lignes sont courbes, flottantes. Cette impression de fait à la main levée confère un charme particulier à l’esthétique de Comès. La stylisation de ses figures également (les citadins ressemblent à des elfes). Ces trognes de villageois (le voisin, le curé…), à la limite de la caricature, sont impeccables.

Ode à la nature, aux  richesses insoupçonnées de la terre face aux comportements inconscients et destructeurs de l’être humain, La belette est un récit à part, envoûtant, parfois dérangeant, mais jusqu’au bout fascinant.

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Le voyage à Nantes (juillet 2013)

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Petit périple (de par sa durée) mais intense (de par son contenu), orchestré par l’ami Nantua (excusez du peu !), ce voyage nantais m’aura permis d’en prendre plein les mirettes et de reconnaître (définitivement) que la capitale du Duché de Bretagne (oui, je fais de la provoc’!) est une terre de bon goût, où il fait assurément bon vivre. La culture ici n’a pas cette prétention intellectuelle élitiste qui entretient les clivages. Elle est perçu comme vecteur d’émotions fortes, universelles et transmissibles à chacun, sans forcement en posséder les codes pour la comprendre… Car l’Art chamboule nos sens, avant notre intellect. C’est ce que m’a rappelé cette belle ballade…

Pour nous guider, non pas un plan, mais le numéro 7 de la revue éphémère Le voyage à Nantes. Un recueil de superbes clichés nocturnes d’Ambroise Tézenas, qui nous offre ses points de vue magiques et cinématographiques sur la belle ville.

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On commence par le Lieu Unique, incontournable, où se tient l’exposition Sans tambour ni trompette, dont le maître étalon n’est autre que Roland Topor. «Dans le sillage d ’encre de Roland Topor, singulier et trop onirique pour opérer réalistement, sept artistes continuent d’explorer les espaces entre les lignes, pour en faire émerger comme de rien, décidément sans tambour ni trompette, des univers intimes observés par réfraction». (Patrick Gyger, en préface du programme de l’exposition)

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Quelle jubilation d’admirer ces originaux (qui sont plus grands que les versions imprimées), saisir toute les subtilités de son geste, sentir sa présence. Topor est un maître incontesté du modelé hachuré, qui n’a pas peur des ombres. Parfait passe muraille, il se balade sans retenues entre les deux cotés du miroir… déformant, il va de soi. Pour autant, ce dernier ne fait pas d’ombre aux autres…

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Loin de l’idée d’école ou de courant, chaque artiste présent possède sa propre folie, un univers personnel et indépendant. Toutefois, ce rapport au corps humain initié par Topor (disloqué, morcelé, surréaliste, excitant et choquant, panique…) est le dénominateur commun de toutes ces œuvres. Les figures déformés de son ami Erik Dietman rappellent l’esthétique d’un Ensor, en plus épuré. Benjamin Monti effectue un formidable travail de découpage, récupérant des formes issues de vielles gravures ou de catalogues type Manufrance, pour les recomposer sur du papier millimétré. Daniel Nadaud nous propose des images mentales (proches du cadavre exquis) pour le moins dérangeantes… Le Beau n’est pas toujours là où on le crois. Il était bien là !

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Isaac Cordal, artiste espagnol en résidence à Nantes, nous propose une série d’installations disséminées dans la ville (Château des Ducs de Bretagne, la place Bouffay ou le quartier de la Madeleine) et nous donne à voir une certaine vision de l’humanité ‘post-cataclysme’. Si les personnages à taille réelle flottant dans les douves du Château sont des survivants d’un naufrage, l’installation de la place Bouffay nous décrit l’instant d’après une catastrophe nucléaire. Un arrêt sur image plutôt négatif de ce qu’il resterait de notre civilisation : des homme d’affaires bedonnants en costard cravate et attaché case (certains cagoulés façon SM !?), encadrés par quelques militaires masqués.

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Dans ce panorama en miniature, ces survivants hagards errent tels des zombis dans une cité ensevelit, où ne restent que quelques building détruits, souches d’arbres et vieux lampadaires. Certains tentent d’instaurer un semblant d’ordre ou de spiritualité, d’autres se laissent aller à leurs instincts les plus primaires (cannibalisme, mutilations…). Aucunes femmes à l’horizon, c’est dire si l’on est perdu !

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Sa troisième installation nous présente ces mêmes personnages en train de travailler dans des cages à lapins (clin d’œil à Brazil !). A côté, des tapettes à souris posées à même le sol tentent de prendre au piège ces petits bons hommes, en les appâtant avec des attaché case. Dans une autre salle, une maquette de forteresse constituée de valises…

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Isaac Cordal aime à incérer ses personnages dans l’espace urbain. Il joue avec les focales (vues d’ensembles et gros plans), les échelles (tailles normales ou miniatures), les niveaux (corps debout, assis, couchés, à moitié ou entièrement ensevelis…). Les symboles forts de l’attaché case et de l’homme d’affaire bedonnant et « calvitié » donnent corps et sens à un discours « écolo anti-capitaliste » clairement affiché. L’air de rien, sous un premier abord divertissant (son univers n’est pas dénué d’humour), Cordal dénonce et dérange, nous renvoyant à nos travers d’homo sapiens conditionnés.

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Plus ludique, mais non moins pertinente, « Suites d’éclats » de Felice Vaniri se tenait Quai des Antilles, dans un bel espace éphémère, au bord de la Loire, le long des anneaux de Buren. S’approprier l’espace pour percevoir les formes géométrique simples (aux couleurs primaires vives), trouver la bonne focale qui permet de saisir ces dimensions parallèles, en prendre plein les mirettes avec ces nouveaux espaces qui donnent le vertige… c’est une part de ce que nous offre cette exposition qui parait simple, tellement s’en est évident…

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Merci mon ami pour ce magnifique séjour. Je n’oublierai pas l’hallucinant panorama du haut de la tour Bretagne, ces parties de baby foot endiablées (faudra t’entraîner mon choux !), cette soirée musicale bien arrosée, des dialogues riches et intenses… Bref, cette belle tranche de vie qui forge les bons souvenirs et scelle l’amitié.

Toutes les photos, excepté la première et la quatrième, sont de l’ami Nantua.

Walking Dead – Robert Kirkman

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Inconditionnel de Romero, la plupart des films de zombie sont incohérents par rapport à l’univers matriciel de maitre Georges, à l’exception notable des formidables Dellamorte Dellamore, Shaun of the dead, les 28 jours/semaines ou Zombiland), On connaît la bourde de Romero qui, à l’époque, n’avait pas protégé ses droits d’auteur, laissant sa nuit des mort-vivants tomber dans le domaine public et ainsi récupéré par de trop nombreux tacherons.

Romero n’a pas inventé la (dé)figure du Zombie, qui remonte au très fond de la culture Vaudou. Il a cependant posé les jalons du mort-vivant moderne. Les morts reprennent vie sans raison clairement définie (phénomène scientifique, nucléaire, naturel, climatique, viral, évolutif, biblique.. ?) et errent sur la surface de la terre dans un seul but, manger ce qui est vivant. Surtout bipède (certains peuvent dévorer des animaux, s’ils arrivent à les attraper…).

Chez Romero, les zombies sont la métaphore d’une nouvelle évolution, dans laquelle l’homme n’est plus en haut de la chaine alimentaire… Une parabole sur la bestialité de l’humanité, obligeant les survivants à « se nourrir sur le cadavre du vieux monde » (dixit Papagallo dans Mad Max 2). Une situation qui met en exergue les comportements les plus primaires…

Bien que le postulat soit purement fantastique, les attitudes et réactions des personnages sont tout à fait réalistes. C’est la force du cinéma de Romero.

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L’engouement pour les zombies dans le milieu de la bédé m’a jusqu’alors laissé indifférent. Le nombre de séries qui pullulent depuis quelques années me laissent perplexe quant à leur pertinence. Phénomène de mode auprès d’un public jeune, le zombie a plus de gueule que le vampire ou le loup-garou. Cependant, à force de tirer sur les grosses ficelles, les Zombies perdent de leurs forces d’évocation.

Aussi, lorsque le comics Walking Dead est sorti en 2007 chez Delcourt, je reconnais avoir fait preuve de préjugés, me disant que cette série devait être, comme beaucoup d’autres, bien décevante. Puis, l’adaptation en série TV, faisant l’unanimité pour ses qualités, m’a incité à lire le comics. Je voulais découvrir l’œuvre originale avant de voir l’adaptation. Et je dois reconnaître qu’il aurait été dommage de passer à coté d’une série de cette qualité.

Tout d’abord, que ce soit pour la série, le comics ou même le livre (L’ascension du Gouverneur), les codes « romériens » sont plus que respectés. Ce qui crée une complicité avec le lecteur-spectateur-amateur du genre. Kirkman explique (dans le volume  2) : « Pour moi, les meilleurs films de zombies ne sont pas les plus gores et les plus violents, ou ceux joués par des personnages abrutis et caricaturaux. Les bons films de zombies nous révèlent à quel point nous pouvons être déséquilibrés… ainsi que la situation de détresse dans laquelle se trouve notre société aujourd’hui. Bien sûr, ils amènent également leur dose de gore, de violence et pas mal d’autres choses fun… Mais il y a toujours en arrière-plan cette critique sociale. C’est pourquoi je préfère, et de loin, Zombie (Dawn of the Dead de Romero) au Retour des morts-vivant (Return of the Living Dead de Dan O’Bannon). »

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Une comparaison s’impose alors entre le comics et l’adaptation télé. Cependant, chacun doit s’apprécier à sa juste valeur, en fonction de ses qualités intrinsèques. La série doit se voir comme une version alternative, une autre manière de raconter la même histoire.

Les tenants et aboutissants sont globalement les mêmes, mais mélangés, croisés… Telle situation ne se déroule pas de la même manière, ni avec les mêmes personnages. Les protagonistes diffèrent : il en manque certains (Allen, Ben et Billy) et de nouveaux apparaissent (Daryl, T-Dog). Certains conservent leur importance (Rick et sa famille), d’autres deviennent plus anecdotique (Andrea), quand d’autres sont plus présents dans la série (Shane). Des situations du comics sont oubliées dans la série (le passage du Wiltshire Estates dans le volume 2) alors que d’autres n’y apparaissent pas (l’épisode du labo en fin de première saison).

Pour le comics, la narration est plus linéaire, usant d’ellipses nous laissant toute latitude pour combler les manques. Alors que la série joue de flash-back nous racontant l’avant, expliquant des choses qui sont laissées en suspend dans le comics (tel que la contamination ou le phénomène des hordes). La série tv explique là ou le comics suggère…

Au niveau graphisme, Tony Moore ouvre la série avec un style maitrisé, un peu trop humoristique à mon goût. Je préfère le noir et blanc expressionniste et crade de Charlie Adlard qui, à mon sens, sied bien mieux à l’univers nihiliste de Kirkman.

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La psychologie des personnages est plus aboutie dans la série. C’est le point faible du comics, les personnages ne sont pas assez incarnés, pas assez vivants, trop figés. On les découvre au fil des événements qui s’accumulent et montent crescendo. La série s’arrête sur la personnalité (souvent complexe) des personnages, dressant les portraits dès  l’introduction de chaque épisode.

Cependant, dans l’une ou l’autre version, les protagonistes sont constamment confrontés à des choix difficiles pour leur survie, et de ce fait, perdent de plus en plus de leur humanité. Car dans ce monde de chaos, où les vivants sont plus dangereux que les zombies, il est impossible de se rattacher à ses anciennes valeurs, de s’attacher à l’autre sans peur de le perdre.

Bien que ne lésinant pas sur les passages gores (zombies obligent), la série est plus politiquement correcte, moins nihiliste. Il y a plus d’espoir… Le rôle de Carl est à ce titre significatif. Il aurait été impossible, même dans une série pour adultes, de représenter tel quel ce qu’il vit et fait dans le comics…

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Le Gouverneur

Au final, un comics réussi donne naissance à une série réussie ! Les scénaristes (Kirkman est crédité au générique) ont sût renouveler cette histoire, en garder les grandes lignes dramaturgiques, tout en créant quelque chose de neuf, qui ne donne pas l’impression de déjà-vu !

Et la série télé risque de durer, puisqu’à la fin de la saison 2, l’histoire n’en est arrivée qu’au début du volume 3 du comics, qui en compte 15 pour l’instant… Kirkman le précise : « L’idée directrice de Walkind Dead est de rester proche des personnages et en particulier de Rick Grimes, aussi longtemps que cela sera humainement possible. Je vois Walking Dead comme la chronique de l’existence de Rick. On ne se demandera JAMAIS ce qu’il est arrivé ensuite à Rick, on y assistera. Walking Dead sera un film de zombie qui ne connaîtra pas de fin. Enfin… Pas avant un bon moment du moins. »

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Walking Dead sur bedetheque

http://walking.dead.free.fr/

La mare aux pirates – Francis Masse (Casterman, 1987)

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Francis Masse est un franc-tireur de la bande dessinée rare et singulier, dont l’univers pictural et l’humour absurde ne sont pas simples d’accès.

Après avoir enseigné le graphisme, Francis Masse, déjà peintre et sculpteur, débute au début des années 70 par des courts-métrages en animation. Ses premières planches de bande dessinée paraissent dans la presse underground de l’époque puis, fin des années 70, dans la presse de bande dessinée : Pilote, Fluide Glacial, Charlie Mensuel, Hara-Kiri, L’Echo des Savanes, etc. C’est à cette époque qu’il affuble ces personnages de cet imper et ce chapeau melon si caractéristiques.

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Histoires à carreaux, in « L’écho des savanes présente F. Masse », éditions du fromage, 1976

« Masse est dès l’origine un cas, le seul dessinateur peut-être auquel il serait vain de chercher des influences. Son graphisme tout en hachure fait de lui un virtuose du noir et blanc, mais il prouve qu’il est tout aussi à l’aise avec la couleur. Masse propose un univers évident, entendons par là, un univers qui se suffit, qui véhicule sa propre logique, qui repose sur sa propre physique et s’impose à partir du simple enchaînement ainsi réglé des images et des dialogues. Il n’est même pas besoin d’évoquer le fameux nonsense. Certes masse n’y est pas insensible, mais rien n’est pourtant plus sensé que l’univers qu’il nous présente. Car le plus surprenant est là, l’univers de Masse est un univers familier. Il en est d’autant plus inquiétant.  » (L’encyclopédie des bandes dessinées. Albin Michel, 1986)

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Les deux du balcon

Sorti après Les deux du balcon, archétype de l’univers loufdingue de Masse, la mare aux pirates joue de ce même décalage entre ce que vivent les personnages, souvent dans des espaces insolites (un balcon ou ici un bateau pirate) et la teneur de leurs propos. A l’image des deux du balcon qui, dans Quanticos contre Classicos, vendent des tomates pourries depuis leur balcon, tout en dissertant sur le concept de non-séparabilité de la physique quantique. Ou quand les pirates de la mare prennent un cours d’économie, dispensé par le perroquet du navire…

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La mare aux pirates

Cette succession de situations surréalistes l’inscrivent dans une filiation avec Fred. En particulier cet amour partagé pour bousculer le langage BD, questionner en permanence les dimensions spatiales et temporelles de la planche et du dessin et ainsi mettre la 2D dans ses retranchements. Son humour repose très souvent sur ces incessants décalages entre un espace très théâtral (unité de lieu et de temps, impressions de décors en cartons pâtes, personnages déguisés…), les situations vécues par les protagonistes et les dialogues dingues.

Car Masse n’a pas peur du verbe, bien au contraire. Certaines de ses cases sont envahies par des phylactères bourrés de textes. Cependant, ces bavardages lui permettent d’installer des moments de silence, qui cassent le rythme de la narration.

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La mare aux pirates

Son graphisme minéral et brut génère des formes sculpturales. « J’étais le roi du modelé : hachures d’ombres qui faisaient tournoyer les volumes dans la lumière… ». Comme il nous l’explique dans l’interview réalisée pour l’exposition Quintet, il était arrivé aux limites de la représentation en deux dimensions et ne supportait plus cette vision du monde coincée dans un rectangle. De cette planche de bd qui n’est qu’une succession de rectangles dans un grand rectangle. Pas étonnant alors qu’il se soit investi dans la sculpture. Il lui fallait de la matière, de la sensualité, de la masse…

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Intrigues de basse cour, Nicole et Francis Masse, 1996

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