Hervé Bourhis se fait une spécialité des « petit livres ». Après le Rock, les Beatles et la Cinquième République, il s’attelle cette fois ci à son propre domaine artistique : la bande dessinée. Un auteur de bandes dessinées qui nous parle de la bande dessinée, on a comme une impression de déjà vu. Sauf que la démarche de Bourhis n’a rien à voir avec celle de Scott McCloud. Quand ce dernier use du vocabulaire BD pour nous en démontrer les spécificités, Bourhis a pour ambition de dresser un panorama aussi large que complet du médium (de toute les époques et sur tous les continents).
Cette fois ci, Hervé Bourhis n’est plus seul. Il a trouvé le partenaire idéal en la personne de Terreur Graphique, dessinateur hyperactif et grand passionné de bayday devant l’éternel. Cette collaboration est remarquable, tant il est difficile au premier abord de distinguer leur contribution. Tous deux sont crédités aux dessins et scénarios. Alors bien sur, en scrutant un peu, on distingue le trait de Bourhis, plus fin et anguleux que le coup de pinceau souple et épais de Terreur. Mais l’ensemble dégage une parfaite homogénéité.
Pas simple de raconter une année de production en trois pages maximum (voire un siècle, pour ce qui est du 19ème). Mais c’est la grande réussite de cet ouvrage. Les deux compères ont effectué un remarquable travail de synthèse, aussi bien dans le choix des artistes et œuvres retenus (pas trop de mainstream et c’est tant mieux !) que dans le traitement graphique et rédactionnel. Des textes qui vont à l’essentiel et ne sont pas dénués d’humour (jeux de mots et calembours sont légion).
Structurée en planche de type gaufrier 9 cases (qui varie entre 6 et 12 selon les pages), chaque année est ponctuée par un album phare. C’est ici que réside une autre bonne idée des auteurs : faire appel à leurs camarades pour illustrer l’album de l’année. Et les collaborateurs sont nombreux. Pas moins de 70 ont répondu présents. Ce travail de réinterprétation des couvertures d’albums cultes est d’une richesse incroyable. Quand certains se contentent de reproduire fidèlement l’originale, d’autres s’amusent à la détourner, la pasticher, l’épurer… Tous sont fans, et ça se voit ! Ces illustrations en couleurs contrastent à merveille avec ces planches au noirs, gris et blancs tranchants.
Alors bien entendu, les auteurs ne sont pas dupes, il y a d’inévitables oublis. Mais pour ma part, je n’ai pas observé de manques flagrants. Dans l’ensemble, toutes les grandes périodes, auteurs et œuvres incontournables sont évoqués. (Allez, pour faire la fine bouche, je dirais qu’ils ont oublié de citer Jordy Bernet et son Torpedo, Thomas Ott, et trois Alex : Baladi, Barbier et Varenne)
Quand on observe que sur les 73 albums de l’année (j’en possède 56), on trouve pas moins de 9 Tintin, on pourrait en conclure que les auteurs sont des tintinophiles invétérées. Peut-être. Mais cela s’explique par le simple fait que durant une longue période (surtout avant guerre), seuls Hergé et Casterman misaient sur la sortie d’albums, à une époque où toutes les séries étaient diffusées exclusivement dans les journaux et périodiques pour la jeunesse. C’est aussi pour cette raison qu’Hergé et son double sont devenus si incontournables dans l’histoire du Neuvième Art (et dans la mémoire des lecteurs).
Un album à picorer ou à dévorer, c’est selon l’humeur. Un album vers lequel tout amateur du Neuvième (néophyte ou érudit) reviendra régulièrement, tant il est toujours bon de remettre les événements marquants de la neuvième chose dans leur perspective chronologique…
L’album 1960, Tintin au Tibet par Lewis Trondheim
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