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L’ACTEUR – Sirou (Jusqu’à l’os, 2008)

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Sirou est un dessinateur indépendant dont j’aime de plus en plus le style et l’humour (qui évoluent de mieux en mieux). Découvert il y a quelques années dans les pages du Psikopat, ses récits autobio pourraient être sans grand intérêt (il nous raconte ses déboires de dessinateur de bd qui galère pour survivre, avec quelques penchants pour l’alcool entre potes) s’ils n’étaient servis par un coup de crayon humoristique, vif et rond. Un humour absurde et légèrement surréaliste qui l’amène chaque fois à exagérer, et donc dédramatiser ce qu’il vit (il a créé le concept de « chômologie »! Tout un programme).

C’est dans la revue Bazart (mag’ et agenda culturel normand) que j’ai été surpris d’apprendre que Sirou est un gars de chez moué, un seino-marin du Havre, qui vient de sortir un album autoproduit : L’Acteur aux éditions jusqu’à l’os, dans la collection Fracture.

Toujours dans l’optique de soutenir la création auto-produite, j’ai acheté cet L’acteur car en plus d’apprécier l’auteur, ce petit livre (format 21x15cm, 54 pages) est de très bonne facture, à un prix abordable de 7 euros. Le personnage (Sirou lui-même ?) est en plein dialogue philosophique (un monologue en fait) avec le rocher contre lequel il est appuyé. L’acteur nous parle des affres de l’existence. Par un effet de mise en abime (le narrateur est aussi spectateur de ce qu’il nous raconte), Sirou aborde le thème du processus de création, le questionnement d’un auteur en particulier, d’un artiste en général. Ainsi que toutes les angoisses qui peuvent en découler… Intéressant et divertissant, et plus que ça encore… Du grand 9ème art… 

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http://www.siroublog.com/

Le retour de Dieu – Collectif (Histoires graphiques, éditions Autrement, 1994)

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Mathieu.

Une bande dessinée qui aborde le thème du retour de Dieu peut paraître, au premier abord, un coup marketing de la part de certains cultes religieux. Pour un athée comme moi, voir son médium préféré utilisé à des fins prosélytes a de quoi agacer au plus haut point. Mais quand je lis le nom des auteurs qui ont planché sur le sujet, me voilà rassuré. Je saute dessus les yeux fermés (pas trop quand même car pour lire, c’est un peu embêtant).

Superman est mort. Et si Dieu revenait ? Du God’s club de Gotlib à Sacré Jesus de Tronchet, la bande dessinée n’a pas toujours montré beaucoup de révérence pour le divin. D’aucuns n’auraient sans doute pas hésité à intituler ce livre de manière plus hollywoodienne : Dieu, le retour. (Thierry Groenstreen en préface)

David B nous raconte l’histoire du Messie discret. Le messie juif plus précisément qui, rencontré dans une bijouterie, lui répare sa montre. S’en suit une discussion dans laquelle on en apprend un peu sur la religion juive, ses mythes fondateurs… Athée, David B nous raconte aussi quelques anecdotes qu’il a pu vivre avec des personnes de confession juive.

François Ayroles, dont c’est une de ses premières publications, aborde avec un humour absurde le thème des sectes et de la télé-évangélisation. Une bande que n’aurai pas renier un Goossens, ni dans sa forme, ni dans son contenu. On y reconnaît déjà le style particulier (mais pas encore abouti) de l’auteur d’Incertain Silence.

JC Menu nous entraîne lui dans le monastère perdu du Mont-Vérité et pose la question fondamentale (qui est le fil rouge de cet album) : si Dieu revenait parmi nous, le reconnaîtrions-nous ? Si jeune Mabuse, c’est la première excursion de Menu au Mont-Vérité. Il y retournera souvent (encore l’année dernière pour une Patte de Mouche).

Mattotti nous propose une histoire intitulée Stigmates, qui nous raconte les déboires d’un clochard alcoolique qui se retrouve un beau jour avec deux des cinq stigmates christiques sur les mains. Cette nouvelle peut être vue comme une ébauche de l’album éponyme qu’il sortira en 1998 avec la complicité de l’écrivain Claudio Piersanti.

Marc-Antoine Mathieu (le seul que je ne connaissais pas) nous présente L’ascension, une histoire inspirée d’une nouvelle de Jorge Luis Borges L’Approche d’Almothasim. Un homme (qui n’a pas de nom) travaillant à l’enfer – le lieu où sont brûlés les livres apocryphes, erronés ou blasphématoires - cherche à atteindre le niveau le plus élevé de la cathédrale, afin de se rapprocher de Dieu. Une allégorie sur la quête spirituelle.

Toutes ces histoires sont en noir et blanc, du plus épuré (Ayroles) au plus contrasté (Mathieu, Menu, David B) en passant par le trait expressif de Mattotti. Un beau recueil. 

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David B.

L’ART MODERNE – Joost Swarte (Les Humanoïdes Associés, 1980)

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Joost Swarte, le hollandais sous influences, est un artiste complet. Auteur et dessinateur, il possède une exigence éditoriale sans pareil. Il conçoit lui-même toutes les phases de la création d’un album : dessins et scénarii bien sur, mais aussi la typographie, les mises en page, les couleurs (ses tons pastels sont magnifiques).

Un théoricien, créateur des concepts de la Ligne claire, qui applique les principes de l’école de Bruxelles (Hergé et Jacob) et du Style atome, se référant à l’école de Marcinelle (Jijé et Franquin).

Un esthète, comme le qualifie très bien Florence Cestac. Il serait aussi exigeant qu’ Etienne Robial. Pas étonnant alors que Swarte ait essentiellement édité chez Futuropolis ou Les Humanoïdes Associés (pas ceux de maintenant bien sur).

Ce retour à la Ligne Claire au début des années 80 – dans les pages de Métal Hurlant avec entres autres les « modernes » Yves Chaland, Ted Benoit ou Serge Clerc – paraissait devoir vieillir trop vite (comparé à Druillet ou Moebius), mais a su se bonifier. Le temps l’a rendu intemporel et il parait maintenant beaucoup moins daté que la Ligne crasse, l’autre courant graphique du journal (cela dit, un dessinateur comme Charlie Schlingo revient en force).

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L’Art Moderne est un ouvrage dont le titre parait un peu prétentieux, mais qui dans le fond ne pouvait s’appeler autrement. L’influence des Avant-gardes artistiques (entre le Cubisme, le Bauhaus ou le Pop Art) se fait bien ressentir. Joost Swarte a su renouveler un style un peu vieillot, qui évoque surtout l’age d’or des périodiques pour la jeunesse. Il utilise tous les préceptes de la Ligne claire : un trait noir régulier soulignant les formes, des couleurs pastels en aplat (sans effet de matière), pas d’ombres…

Un style plus symbolique que réaliste. Archétypal. Un style enfantin qui contraste avec des histoires d’adultes, nous racontant les déboires de zonards urbains (des camés, des malades mentaux, des suicidaires, des artistes fous…

D’une manière générale (et chacun à leur manière), les hollandais, ces flamands irrévérencieux, font dans l’humour absurde et trash, toujours provoquant, parfois dérangeant : Willem en tête (qui a scénarisé et traduit certaines histoires de cet album), Kamagurka et Herr Seele avec leur Cowboy Jean (qu’on retrouve parfois dans les pages du Psiko) ou le scatologique Léon la Terreur de Van Den Boogaard…

Joost Swarte n’échappe pas à la règle. Voir ces scènes gores sous les traits d’un Hergé ou d’un St Ogan crée un décalage plutôt hallucinant et franchement génial !

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(4 de couv’ de l’édition Futuropolis)

Joost Swarte revient au premier plan avec l’ouverture du Musée Hergé (dont il est le concepteur graphique) ainsi que  l’exposition  « A la recherche du Style Atome », à Bruxelles. Denoel Graphic prévoit de rééditer ses albums (dont cet Art Moderne) pour 2010.

LE MONDE EST FLOU – Clarke (Dupuis, 2009)

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Cinquième volume de la série Histoires à Lunettes, apparue dans les pages de Spirou Magazine, Le Monde est Flou est une succession de gags en une page, plus loufoques et absurdes les uns que les autres, avec une bonne dose d’humour noir. Comme le nom l’indique, la particularité de cette série est de nous présenter des personnages qui portent tous des lunettes. Et avoir des lunettes ne garantie pas d’y voir net, de bien cerner les choses, au contraire ! Tous ces personnages (des explorateurs, des chirurgiens, des retraités, des naufragés, des amnésiques…) sont en décalage constant par rapport aux situations qu’ils vivent.

D’une série commencée avec son comparse Midam au scénario, Clarke signe seul ce numéro 5. Dessinateur fluidien (Château Montrachet, Cosa Nostra…), spécialiste de l’humour nonsensique, on retrouve ici son style original, son trait dynamique, très anglo-saxon (il me fait penser à Wallace Wood de Mad Magazine).

De par son format et son contenu, Le monde est flou est un petit album bien sympathique, qui se termine par une parodie de magazine people avec fausses interviews des auteurs et photomontages… C’est con comme j’aime !

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Wauxhall, les contes inachevés de david watts – Christopher (Tête Rock Underground, 1995)

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Christopher est un dessinateur anglais installé chez nous depuis le début des années 90. Son premier ouvrage, auto-édité en 1994, s’intitule L’illustré et ouvre sa série des Contes inachevés de David Watts (qui compte maintenant 9 volumes). Série également publiée dans le fanzine Beurk.

Edité par Tête Rock Underground (la maison des Freak Brothers), Wauxhall est une compilation de L’illustré et de son deuxième album, Promenades. Depuis, Christopher est un auteur reconnu et assez prolifique.

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Les contes inachevés de David Watts nous racontent les aventures d’un rêveur qui découvre Paris, la ville des Lumières et des Arts. Ce jeune anglais doit se familiariser avec toutes les subtilités de la culture française (il est vrai que traduire au premier degré une chanson comme «une souris verte» a de quoi laisser perplexe…) On découvre avec lui un Paris magique où les arbres ont la forme de sucettes. Un Paris dans lequel on croise Heumpty Deumpty dans le métro ou Michel-Ange à la gare st Lazare… Au fil de ses pérégrinations, Watts joue aux cartes avec Alphonse Daudet et Molière, taille la bavette avec le Zouave du pont le l’Alma ou mange des blinis avec Tolstoï…

Bien évidemment, Christopher est David Watts. Il y a une part d’autobiographie dans ces récits tentés d’humour absurde. Ces tribulations surréalistes illustrent les vagabondages de l’esprit de Christopher, qui mine de rien, donne un point de vue très personnel sur les politiciens, la guerre, l’amour…

Son graphisme tout en rondeur (entre Chris Ware et Matt Groening) s’accorde parfaitement avec un noir et blanc doux, peu contrasté. Le blanc domine. C’est sensible, fin, léger, poétique…

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Les contes inachevés [ont] été réalisés d’après la méthode d’un grand magicien italien, d’un chaman esquimau, d’un fakir barbu ou alors d’un vieil alchimiste moyenâgeux. Une méthode qui hypnotise les gens et leur fait croire que tout est possible le plus naturellement du monde. Enfin, un truc d’envoûteur, de sorcier auprès duquel Christopher a dû suivre un stage intensif, tout en potassant les Monty Python. Gardez toute votre attention car le charme distillé dans ces contes continu à agir. Christopher est marabouté. Promu à une reconnaissance méritée. (Philippe Marcel en préface)

Contrairement à ce que pourraient laisser supposer le caractère « inachevé » des contes de David Watts, Christopher n’est pas un paresseux. (Jean-Paul Jennequin en préface)

Christopher

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