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Ciboire de criss ! – Julie Doucet (L’Association, 1996)

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Julie Doucet se met en scène pour nous raconter des histoires perturbées, et pour le moins perturbantes. Des anecdotes vécues, des souvenirs, des rêves débiles, expressions de ses angoisses, de ses phantasmes. Sans honte ni tabous, Doucet se met à nu et dévoile des éléments très personnels, ce qui peut parfois nous mettre mal à l’aise. Cette forme d’autobiographie intime, proche de la ‘confidence psy’ est assez rare dans le monde de la BD. Et à ce titre, ses alter-égos seraient Mattt Konture et Joe Matt.

Trash et sans concessions, Ciboire de Criss (que l’on peut traduire par « put… de bor… de mer… ») ne nous épargne pas et nous balance en pleine face toute la virtuosité graphique de Doucet. Son trait d’une efficacité redoutable n’appartient à aucun genre précis. Un graphisme possédant ses propres codes, qu’aucun autre auteur ne peut utiliser. C’est ce que j’aime chez les dessinateurs dit alternatifs : ils n’appartiennent à aucune école et développent leur propre vocabulaire pictural. Doucet est une référence incontournable en la matière.

Une esthétique punk ‘humoristico-expressionniste’ qui relève d’une grande maitrise (du noir et blanc hachuré en particulier). Des miniatures dans lesquels foisonnent une multitude de détails. Il nous faut scruter chaque case dans les moindres recoins pour en saisir toute la richesse graphique, mais aussi narrative, tant chaque dessin raconte à lui seul beaucoup de chose.

« Les thématiques liées à certaines de ses histoires autobiographiques sont bien loin du socialement correct. Elles nous changent de l’éternel garçon obsédé sexuel type Robert Crumb, par ailleurs sa principale influence graphique. Julie Doucet rêve régulièrement de voir pousser un pénis entre ses jambes, ou bien que ses règles deviennent si abondantes qu’elles engloutissent la ville toute entière sous un gigantesque flot de sang noir. Les rêves sont annotés, datés, et représentés le plus fidèlement possible, comme une sorte d’auto-analyse. Même en littérature, on avait rarement vu ça. » (Vincent barrière in Qu’est-ce que la BD aujourd’hui ? Hors-série Beaux Art Magazine, 2003)

Véritable cour des miracles, Doucet représente comme personne la monstruosité de ses contemporains, dressant des portraits tous plus hideux les uns les autres. Ce qui en dit long sur sa considération envers ses semblables, et elle-même… Heureusement, même si elle nous raconte crûment des choses vraies, elle y incère une fine couche d’humour noir salutaire, qui permet de nous distancier. Ciboire de Criss n’est pas qu’une « bonne bédé », c’est une expérience de lecture unique en son genre…

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Polina – Bastien Vivès (Casterman, 2011)

Polina - Bastien Vivès (Casterman, 2011) dans Chroniques BD polinacouvm

Polina nous raconte le parcours d’une jeune danseuse en quête de sens, qui fuit parfois mais n’oublie pas d’où elle vient et reste fidèle à ceux qui l’ont accompagnée durant tout son apprentissage, en particulier son premier professeur, Mr Bojinski. Entre la Russie, Berlin et Paris, Polina se cherche. Elle est douée, besogneuse, mais ne semble pas ‘habité’ par la passion de la danse. Entre désillusions professionnelles et déboires sentimentaux, Polina trouvera la plénitude et la reconnaissance de la profession bien après le conservatoire, lorsqu’elle quittera le ballet de Laptar pour se lancer dans la création d’une pièce mélangeant théâtre et danse. Devenue célèbre, Polina décide de reprendre le travail commencé 10 ans plus tôt avec son prof Bojinski. Comme pour boucler la boucle et rendre son tribu à celui qui l’a formé.

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Digne héritier de Blutch, avec cette impression de fait à la va vite (qui ne l’est pas, bien évidemment), Vivès dessine ses formes d’un trait vif d’une efficacité redoutable, usant de pleins et de déliés qui confèrent à son graphisme les formes d’une calligraphie particulière. Il fait preuve d’une économie de moyen lui permettant d’être au plus juste dans le rendu des postures et des mouvements de ses protagonistes. Ses planches sont d’une grande sobriété, avec ce gris neutre qui atténue le contraste noir et blanc. Ses décors vont  à l’essentiel. Ils sont même inexistants lors des scènes de danse, comme pour ne pas parasiter la grâce et la sensualité dégagées par les danseurs.

On a beaucoup écrit sur cet album, sur le talent de Vivès, sa virtuosité graphique, sa maitrise de la narration qui, comme son personnage principal, est tout en impressions, en non-dits, développant une complicité particulière avec le lecteur. On entre dans l’intimité d’une danseuse, intimité artistique plutôt que sentimentale. Polina vieillie au fil de l’histoire et pourtant, son expression ne change pas. Elle reste cette jeune fille ingénue qui ne semble pas avoir conscience de son talent, mais qui arrive tout de même à prendre son destin en main.

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La Fièvre d’Urbicande (les Cités Obscures) – Schuiten & Peeters (Casterman, 1985)

La Fièvre d'Urbicande (les Cités Obscures) - Schuiten & Peeters (Casterman, 1985) dans Chroniques BD citesobscures02

Cette histoire nous démontre que Pouvoir politique et Architecture ont toujours été intimement liés. Tous les gouvernements, en particulier les plus totalitaires, prouvent leur grandeur par des monuments et des projets urbanistes hors-normes, démesurés, se voulant éternels…

Montrer sa puissance, mais aussi organiser la vie de la cité. Les enjeux politiques sont toujours plus forts que les considérations esthétiques. L’urbatecte Eugen Robick fera les frais de cette conception. Il ne convainc pas le Rapporteur et ses Commissaires de construire un troisième pont qui, s’il harmoniserait la ville et permettrait une symétrie parfaite, créerait surtout la jonction entre deux rives, deux franges de la population que les autorités ne veulent pas voir se mélanger. Contrôler les quartiers, c’est contrôler les populations et ainsi protéger les intérêts des plus riches, des plus puissants.

Un mystérieux cube de matière inconnue, se développant rapidement en réseau,  permettra à Eugen de voir son projet se réaliser. Non pas de la manière qu’il l’aurait souhaité (la structure évolue de façon anarchique et ne correspond pas à ses choix esthétiques), le résultat allant au-delà de ce qu’il n’imaginait même pas. Cette situation exceptionnelle chamboule l’organisation sociale de la ville, ébranle les autorités impuissantes face à ce phénomène et bouscule les conceptions de Robick, qui semble remettre en question son « classicisme symétrique ». Ce nouvel attrait pour les arabesques est-il dû à sa rencontre avec Sophie ?

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Ce réseau de cube, mi-organique, mi-minéral, se développe de manière exponentielle. Mais dès qu’il a recouvert toute la ville, sa croissance s’est stoppée. Durant une période de neuf mois, ‘le réseau de Robick’ est utilisé par tous, comme s’il avait toujours été là. Non seulement les populations des deux rives communiquent et échangent, malgré les interdictions, mais tous ont investis la structure, aménageant des transports en commun, des ascenseurs, construisant des logements… Devenu indispensable, imposant un nouvel équilibre social, à tel point que les autorités décident de reconstruire une nouvelle structure après que le réseau ait repris sa croissance jusqu’à disparaître dans l’espace.

Le réseau de Robick peut être vu comme une métaphore anticipée du réseau internet. La matérialisation d’un espace virtuel, permettant à des individus qui n’ont a priori aucun lien entre eux (géographique, social…) de communiquer et d’échanger. Un réseau modifiant les comportements sociaux de manière irrémédiable…

François Schuiten dessine admirablement les villes, les édifices, les monuments… Il semble d’ailleurs plus à l’aise avec la pierre qu’avec la chair. Ses personnages sont aussi massifs et rigides que ses monuments architecturaux. Un graphisme magistral, d’un noir et blanc maitrisé, à la hauteur du scénario de Benoît Peeters. La fièvre d’Urbicande, deuxième volet de la série Les Cités Obscures, est une œuvre majeure, au-delà même du 9ème art. Un conte philosophique qui aborde les thèmes universels du pouvoir, du beau, de l’organisation sociale, d’humanisme. A (re)lire absolument.

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Une lecture k.bd

Folies Ordinaires – Bukowski / Schultheiss (Glénat, 1985)

Folies Ordinaires - Bukowski / Schultheiss (Glénat, 1985) dans Chroniques BD foliesordinaires

L’adaptation d’une œuvre littéraire en bande dessinée est un exercice souvent casse-gueule, qui ne donne que peu de résultats convaincants. Mais à ce jeu, ce Folies Ordinaires est une réussite. Bien qu’il use de plans et de cadrages cinématographiques, Schultheiss ne tombe pas dans les écueils du ‘storybording’ et utilise les spécificités propres au médium bande dessinée : lorsqu’il fait évoluer son personnage en diverses séquences dans un même décor. Lorsqu’il joue avec l’implication du lecteur, le mettant dans la peau du personnage…

Il n’y a quasiment aucune redondance entre les images et le texte original. Schultheiss explore les possibilités infinies de la mise en page, découpant ses planches de manière à apporter un dynamisme particulier aux histoires de Bukowski. Son graphisme noir et blanc, à base de hachures et quadrillages de traits, est en parfaite adéquation avec l’univers réaliste et sale de Buk. Pour sa première bande dessinée publiée, Schultheiss s’attaque avec talent à l’œuvre phare de Bukowski, en faisant preuve d’une maitrise narrative et d’une virtuosité graphique remarquables.

Je redécouvre grâce à cet album les Contes de la folie ordinaire, qui n’ont rien perdu de leur caractère subversif, en particulier la nouvelle ‘Henry Beckett’ dans laquelle le personnage principal, se réveillant un matin avec des taches vertes partout sur le corps, sort son fusil et fait un carnage sur la population. Désabusé, fainéant, alcoolique, obsédé, Buk se met en scène dans des histoires autobiographiques qui, à mon sens, sont à peine romancées et retranscrivent parfaitement les désillusions de cette génération paumée de l’Amérique d’après guerre.

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Tônoharu – Lars Martinson (Le Lézard Noir, 2011)

 

Tônoharu - Lars Martinson (Le Lézard Noir, 2011) dans Chroniques BD arton1787

Tônoharu, c’est le nom du village où Dan, étudiant américain, est parti travailler durant une année comme professeur assistant d’anglais dans un collège. Par souci d’authenticité, Lars Martinson s’est appuyé sur sa propre expérience pour nous raconter cette histoire. Cependant, Tônoharu n’est pas, selon son auteur, un récit autobiographique, mais une fiction dans laquelle apparaissent quelques anecdotes issues de sa propre expérience.

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L’année nippone de Dan n’aura été que décalage. Décalage entre l’idée qu’il se faisait de ce travail et sa réalité quotidienne. Décalage culturel dans un japon rural où la barrière de la langue ne favorise pas l’intégration d’un jeune occidental. Décalage sentimental entre Dan et les femmes qu’il rencontre… Mais d’une manière générale, Dan semble en décalage avec sa vie, n’exprimant que peu d’affects, se laissant balader par les événements. Comme il le dit lui-même, cette vie au japon ne change, dans le fond, pas grand-chose pour lui. Au contraire, son étrangeté est ici considérée comme normale.

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Bien que cette histoire se passe au Japon, Lars Martinson ne fait aucune référence à l’esthétique nippone. Son trait précis et méticuleux est aux antipodes même de celui plutôt vif du Manga. Ces dessins sont de véritables miniatures stylisées qui illustrent parfaitement le spleen ressentit par les personnages. Lars Martinson use de la répétition des cases et des planches, une sorte d’itération iconique dont seulement quelques détails changent. Répétition des situations également, entre celles que vit Dan tout au long du récit et son remplaçant dans le prologue. Cette logique de répétition est au coeur même du récit et crée un rythme particulier, lent, rendant pleinement cette impression d’immobilité spatiale et temporelle dans laquelle évoluent les protagonistes, qui semblent comme figés dans des décors très détaillés.

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Martinson présente en postface ses choix esthétiques : « Le principe qui a guidé l’apparence générale de Tônoharu répond à cette question : à quoi aurait ressemblé un « roman graphique » au XIXe siècle ? Je commence le dessin par des croquis très simples au format timbre-poste. Je cartographie toute la scène à l’avance, cela me permet de penser la composition des cases les unes par rapport aux autres. J’utilise beaucoup de références photographiques [...] Dans les premières versions, j’utilisais beaucoup le blanc (i.e. la couleur du papier). C’était agréable à l’œil, mais l’effet d’accumulation ne rendait pas la lecture facile. Pour corriger cela, j’ai restreint le blanc aux bulles et aux personnages. Afin d’éviter les fonds monochromes et monotones, j’ai copié de manière éhontée le dessinateur canadien Seth dans sa gestion du duotone, en utilisant le noir et une couleur pantone, le gris. L’ajout du gris dans les parties les plus sombres du dessin crée un contraste fin sans compromettre la lisibilité. »

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Martinson n’est pas un virtuose du dessin. Cependant, son graphisme est maitrisé, en particulier ce contraste entre les formes rondes de ses personnages et les méticuleuses lignes de ses décors. Au final, ce roman graphique (qui rassemble les deux premiers volumes d’une série de quatre) est à l’image même du Japon, à la fois traditionnel et moderne. Edité par Le Lézard Noir, maison spécialisée dans l’ « avant-garde et japonisme décadent » ! Tout un programme…

Lars Martinson : Cartoonist

le Lézard Noir

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