Les chefs-d’oeuvre de la bande dessinée est une anthologie de près de 500 pages, la première du genre en France, créée à l’initiative de Jacques Bergier. Les textes et documents ont été assemblés et présentés par Jacques Sternberg, Michel Caen et Jacques Lob, sous la direction artistique de Pierre Chapelot. Richement illustrée, comprenant de nombreux livrets en couleurs, les textes de présentation sont par contre relativement sommaires. Et si on fait un tour rapide (en se rappelant que l’ouvrage date de 1967 !), il manque quand même quelques séries incontournables, telles que Andy Capp de Reg Smythe, Mafalda de Quino ou le Donald de Carl Barks…
L’intérêt de cette anthologie réside dans la diffusion de planches d’auteurs rares et pour la plupart maintenant introuvables. Des anciens, précurseur du genre (Doré, Wilhelm Busch, Rabier, Christophe, McCay, Caran d’Ache, Herriman…) à la nouvelle garde de l’époque (Forest, Druillet, Pellaert ,Giraud, sans oublier Astérix qui débutait sa carrière internationale), en passant par les classiques de l’age d’or US (Alex Raymond, Lee Falk, Flash Gordon, Mad Magazine, les EC Comics, DC Comics et autres Marvel…) et franco-belge (Forton, Hergé, St Ogan, Franquin, Morris…). Bref, Les chefs-d’oeuvre de la bande dessinée est un ouvrage qui cernent toutes les époques, tous les genres, mais se focalise sur l’Europe et les Etats Unis uniquement (le Manga était quasiment inconnu à l’époque).
Préfacée par René Goscinny (qui commence par :« Moi, j’ai toujours pensé qu’il était mauvais de commencer un texte par : « Moi, je », et qu’il ne fallait jamais accepter d’écrire des préfaces. »), cette anthologie est structurée en cinq parties, distinguant les types de personnages plutôt que les genres ou les styles de la bande dessinée : Les farceurs (du sapeur Camember aux Schtroumpfs), les surhommes (de Popeye à Spiderman), les héros (de Zig et Puce à Astérix), les animaux (de Felix le chat au Marsupilami) et les insolites (de Little Nemo à Jodelle).
Gotlib raconte dans « Ma vie en vrac » une anecdote à propos de la collaboration de Goscinny à cet ouvrage : « En 1967, les éditions Planète ont publié un gros bouquin intitulé Les Chefs d’oeuvre de la bande dessinée pour lequel une préface avait été demandée à Goscinny. A cette époque, il n’y avait que quatre grandes réunions des collaborateurs de Pilote, rue du Louvre, généralement pour préparer les numéros spéciaux pour les vacances, la Noël, etc. Lors de l’un de ces brainstormings, Lob débarque fièrement avec le livre de Planète, auquel il avait collaboré avec Jacques Sternberg et Michel Caen. Goscinny lit d’abord la préface, il est ravi, ensuite il regarde ce que les auteurs racontent à propos d’Astérix et là, je le vois devenir blême… »
Pour un amateur du médium comme moué, ce type d’ancien ouvrage me permet de découvrir des auteurs qui ont été totalement oublié, alors qu’ils avaient un succès certains à l’époque. Rappelons qu’en 1967, c’est encore la presse bd et ses nombreux titres qui assurent la reconnaissance de grands nombres auteurs et séries. Les auteurs connaissaient le succès grâce à la revue qui les diffuse plutôt que sur leur nom propre. Qui se rappelle, par exemple, des histoires de Hachel ou de Jean Alessandrini (les planches de ce dernier sont hallucinantes de modernité. On croirai du Chris Ware !)…
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