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True Stories – Derf Backderf (Ça & Là, 2019)

true stories

Derf backderf n’est pas un perdreau de l’année. On le connait depuis 2013 avec son ami Dahmer, alors qu’il a produit dès 1990 un nombre incroyable de mini-comics, tous autoédités « à l’aide de photocopieuses et en les distribuant par la poste ». Cet album édité par les fidèles Ca & Là regroupe ce qu’il a fait de mieux, et on peut le croire. Ces histoires vraies vont à l’essentiel. En une à trois pages maximum, quatre images par page, Derf passe au crible de son regard acéré les petites avanies des petites gens. Si quelques-unes lui ont été rapportées par des amis, la grande majorité d’entre-elles ont été directement observées. « Quand elles se déroulaient devant moi, je souriais, levais les yeux au ciel et remerciais le dieu des comics. »

Ce principe du recueil de premiers travaux permet de suivre l’évolution graphique de l’auteur, les pistes qu’il a tentées, abandonnées, les choses qu’il a gardées… Dans ses premiers strips aux noirs et blancs tranchants, il use d’aplats qui écrasent l’espace, mettant tous les plans au même niveau. Puis on le voit s’orienter vers son style actuel, avec ces volumes ronds, et ces ombres marquées. Le passage à la couleur amène de la douceur mais n’enlève rien à la monstruosité de ses figures. Au jeu des références, ces gueules improbables évoquent une Julie Doucet ou un Mattt Konture, plutôt que les piliers de l’underground US, Crumb ou Spiegelman.

Derf est attiré par les marginaux, les hors normes, les malades mentaux. Tous ceux qui n’entrent pas dans les cases et bousculent l’ordre bien établi des choses. Ces histoires vraies ne prêtent pas toujours à rire et dénoncent la stupidité de nos contemporains (on en prend tous pour notre grade). Toutefois, chacune est un concentré d’absurdité et de dérision. A croire qu’il en a inventé la plupart. Mais connaissant le loustic, on peut lui faire confiance. Pourquoi se casser la tête à inventer des scènes aussi improbables. La réalité est toujours plus folle.

derf

Rencontre avec Derf en 2018…

Redites-moi des choses tendres – Soluto (éditions Du Rocher, 2017)

redites

Dans son recueil de nouvelles Glaces sans tain, Soluto nous présentait des personnages qui avaient dépassé les limites autorisées de la maladie mentale. Cette fois ci, il nous parle de névroses ordinaires de gens ordinaires.

Redites-moi des choses tendres est un titre évocateur, pour une histoire qui prend le contre-pied de cette belle déclaration. Vu de l’extérieur, une famille « cadre sup’ » bien sous tous rapports. Réussite sociale, pavillon de banlieue, deux enfants… A l’intérieur, tout se désagrège. Un père entrepreneur, dépassé par ses affaires en tous genres (pas que professionnelles), une mère prof de lycée qui se raccroche à l’idée qu’elle se fait de la famille modèle. Un fils livré à lui-même et une fille cleptomane, tout autant désabusée. Désillusions, non-dits, passages à l’acte, il suffit de pas grand-chose pour foutre en l’air cet équilibre fragile.

L’amour est le grand absent (jusque dans le titre). Pourtant, tout tourne autour. Entre ceux qui le perdent ou l’ont perdu depuis longtemps, ceux qui le cherchent sans s’en rendre compte et ceux qui n’en attendent plus rien… Qu’il soit filial, platonique ou passionnel, l’amour est toujours destructeur. C’est l’amer constat que dresse Soluto. On aimerait lui donner tort…

Malgré les apparences, Soluto a de l’affection pour ses personnages. Comme il le précise dans l’incise, s’il parait cruel avec eux et ne les épargne pas, il le sera toujours moins que l’ingrate réalité de leur existence. Sont-ils les uniques responsables de ce qui leur arrive ? Ou est-ce le hasard, la prédestination..? On ne sait pas, et le démiurge Soluto n’est pas plus avancé pour répondre à cette question.

A l’image de ses dessins, Soluto développe une écriture franche, ancrée dans le réel, sans fioritures ni effets de manche. Inscrits dans une réalité géographique (la Seine Maritime), ses personnages existent. On croirait même qu’ils sont vrais, que Soluto nous conte la biographie d’une famille française moyenne, tant on a la forte impression de les avoir déjà rencontré, de les connaitre « pour de vrai » (à moins que ce soit nous ?!). Il est des livres qu’on garde, tant ils résonnent avec ce que l’on vit au moment où on les découvre… Merci Laurent.

http://soluto.free.fr/blog/

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Psikopat n°314 (Editions du Zébu, 2019)

psiko314

Je souffle sur les braises de ce blog pour évoquer une bien triste nouvelle. Aujourd’hui, j’ai acheté mon Psikopat mensuel pour la dernière fois ! Depuis plus de 15 ans, je ne loupe aucun numéro (à une ou deux exceptions prêt). C’était un rituel rassurant et réconfortant. Rassurant de constater à chaque sortie qu’une presse libre et sans concessions (et sans pub, ne vivant que grâce à ses lecteurs) peut encore exister en ce 21ème siècle bien entamé. Réconfortant de lire des propos proches de ce que je pense (pas toujours et fort heureusement), bien éloignés du discours dominant et de la bien-pensance généralisée.

J’ai déjà eu l’occasion de dire tout le bien que je pense de ce magazine libre et indépendant (ici). Je n’ai rien à ajouter. Si ce n’est qu’au fil du temps, le rédactionnel s’est étoffé avec l’arrivée de belles signatures (Dédé-la-science, Caza, Etienne Liebig, Clivillé, Millié…) alors qu’historiquement, le Psiko était surtout un beau tremplin pour les dessinateurs (ce qu’il a été jusqu’au bout).

Ce qui est réconfortant, c’est que le Psiko ne s’arrête pas pour de sales raisons (faillite ou censure). Comme le précise Carali dans son dernier édito, ça fait 35 ans qu’il porte une responsabilité de chef qu’il n’a jamais supporté. Fabriquer un journal lui apporte toujours autant de plaisir. C’est gérer une SARL de presse qui le crève. Carali, Melaka et Olivier K évoquent la possibilité de continuer l’aventure, sous une autre forme… Wait and see…

J’avais eu le plaisir de croiser Olivier K lors du festival Normandiebulle de 2017. Nous avions échangé autour du Psiko bien sûr, et il m’expliquait toute la passion et l’énergie que cela nécessite pour organiser ce grand barnum qu’est le Psikopat.

Comme pour beaucoup d’autres, le Psiko m’a donné le goût du fanzinat. Si j’ai osé me lancer dans la microédition (de manière confidentielle), c’est en parti aussi grâce au mensuel de Carali, qui illustre parfaitement l’idée que faire du beau n’a pas de sens en soi, c’est faire sens qui est beau. Et toutes les personnalités du Psiko, scribouilleurs ou écrivaillons, en ont apporté, du beau contenu !

On peut être triste, mais comme le dit si bien JL Coudray dans ce numéro 314 : « Seul celui qui connaît tous les numéros par cœur peut se plaindre de la disparition du Psikopat ». Vu ce que j’ai en stock, il est clair que je continuerai de lire mon Psiko mensuel pendant encore au moins 15 ans… Le Psikopat est mort. Vive le Psikopat !!!

dédiK

Tu sais ce qu’on raconte… – Gilles Rochier & Daniel Casanave (Warum, 2017)

Tu_sais_ce_qu_on_raconte

Gilles Rochier continue son travail d’anthropologue, décrivant dans ses récits une réalité sociale et émotionnelle qui nous est proche. Cette fois ci, il assure le scénario et collabore avec Daniel Casanave, dont le graphisme vif et direct colle parfaitement à l’urgence du récit. Pour avoir vu les planches originales lors d’une rencontre avec les auteurs (expo à la Maison Pour Tous de Sotteville-les-Rouen, organisé par Fred Au Grand Nulle Part), le noir et blanc de Casanave est d’une classe folle (trait précis, finesse dans les contrastes) et aurai mérité d’être édité tel quel. Rochier raconta que cette histoire – tout comme les précédentes – s’appuie sur ce qu’il a vécu. Ce qu’on a tous vécu : revenir dans son ancien quartier et se faire envahir par les ragots concernant un ancien voisin ou un membre de sa famille oublié. Ces rumeurs (rarement positives) qui circulent et nous arrivent à l’oreille à notre insu…

Tu sais ce qu’on raconte… nous renvoit à ce que nous sommes tous à un moment donné. A savoir des commères du village ou du quartier, prenant pour argent comptant et véhiculant une rumeur dont personne ne cherche à vérifier l’authenticité (d’ailleurs, une rumeur peut elle être authentique?). Dans un village quelconque, quelqu’un croit avoir vu une persona-non-grata, et c’est l’effet boule de neige immédiat, chacun crachant son venin et réglant ses comptes par procuration. Bien sur, comme face à toute rumeur, certains s’en moquent et ne portent pas de jugement. Mais c’est une minorité et dans l’ensemble, les cons se lâchent… Et qu’elle soit vraie ou fausse n’a dans le fond, aucune importance. Par contre, les conséquences dramatiques sont elles, biens réelles. C’est ce qui est pernicieux dans la rumeur (ou la délation), elle révèle la part de cruauté de tout un chacun.

Ce choix d’une narration « chorale » est tout à fait judicieux pour illustrer le phénomène « téléphone arabe ». Déformation, réinterprétation, ingérence, tout y est. Les personnages (panel représentatif de toutes les Catégories Sociales et Professionnelles de la population française, du pilier de bar au médecin) se répondent, se contredisent, mais ne se rencontrent pas. C’est nous, lecteurs, qui suivons cet enchaînement de propos et devons mettre en lien tous ces éléments. On découvre alors les tenants et aboutissants d’un fait divers des plus banal et anecdotique, qui semble concerner tout le monde alors qu’il n’implique que peu de personnes.

Il ne faut pas chercher de morale à cette histoire, même si la conclusion pourrait nous laisser penser une évidence : la connerie, c’est mortel.

rochiercasanave

Poésie – Frédéric Poincelet (La Cinquième Couche, 2008)

Poesie (1)

Poésie est un recueil de dessins illustrés de Frédéric Poincelet, agencés en 6 chapitres. Un titre qui peut paraître prétentieux. Toutefois, si elle n’est pas affirmée et encore moins revendiquée, la poésie est ici bien présente, de manière subtile et indicible.

L’univers graphique de Poincelet se situe dans un entre-deux, tout à la fois figuratif et abstrait, entre dessins d’observation (nus, paysages…) et schémas mentaux. Espaces indéfinissables, temps suspendu, Poincelet brouille les repères et nous propose une ballade dans un univers étrangement familier, où des paysages périurbains côtoient des motifs abstraits, des portraits et des dessins de femmes désirantes et désirables, à la juvénilité dérangeante. Textes et images s’accordent de manière singulière et décalée, laissant toute latitudes d’interprétations au lecteur.

Poésie est un récit autobiographique intimiste et sentimental, dans lequel rien n’est explicité. Plutôt qu’une approche réaliste, Poincelet privilégie le trait sensible (hésitant et charbonneux), dont la préoccupation n’est pas de faire « vrai », mais de transmettre « sa vérité ». Son travail sur les lignes (horizontales et verticales) est remarquable. Sa palette de gris joue sur les contrastes sans jamais tomber dans les extrêmes.

Face à cette succession de dessins, on ne peut s’empêcher de faire les liens, de mettre en corrélations des formes, des figures, des traits. D’autant plus quand il y a des répétitions de motifs… Toujours cette nécessité d’établir des séquences là où il n’y en a pas forcement.

Poincelet nous démontre que les rapports entre textes et images sont potentiellement infinis et demeurent un formidable terrain d’expérimentation.

poincelet

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