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Faites-moi rire, je pars dans quatre minutes – Avoine (B. Diffusion, 1980)

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Ce qui saute aux yeux à la lecture de cet ouvrage, c’est qu’Avoine n’a pas peur de la page blanche. Bien au contraire, il en a fait son espace de prédilection. Vu de loin, on ne voit rien. Quand on s’approche, on voit le trait. Puis en avançant encore un peu, on voit les figures. Et à un moment donné, on comprend le sens. Pas forcément le sien, mais on y trouve le nôtre. A coup sûr.

On sent derrière ces dessins qu’il a dû très souvent ressentir l’angoisse de la page blanche. Car dans le fond, son univers n’est pas très rassurant. C’est à se demander si ce n’est pas pour signifier cette angoisse qu’il laisse autant de blanc dans ses compositions. Une certaine manière de raconter la vacuité de nos existences. Impression d’autant plus renforcée que ces personnages se retrouvent à chaque fois dans des situations inconfortables (à l’instar de la couverture, il pleut beaucoup dans ses dessins). Sujets à une grande solitude, certains tentent de mettre fin à leurs jours quand d’autres prennent des risques incontrôlés.

Son trait est d’une précision chirurgicale. Il maitrise les règles de la perspective comme personne, trouvant à chaque dessin des angles d’approches inédits. Il réinvente les lois de la physique, la pesanteur ne semblant pas exister. Sans aucun repère visuel (aucuns décors, très peu d’accessoires), il rend une impression de trois dimensions hallucinante. Avec lui, la page blanche possède une profondeur infinie. Egalement musicien, on sent l’obsession du rythme, du juste tempo des postures qui flirtent avec les chorégraphies du Slapstick.

L’humour d’Avoine est subtil, insaisissable. Tout en étant très censé, évident. Absurde, surréaliste, symbolique, décalé… il est difficile de désigner son univers, de trouver les termes justes pour le décrire. Il fait partie de ses précieux indéfinissables, qu’il faut savoir savourer avec toutes les incompréhensions qu’ils suscitent. Avoine est un magicien.

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2023, fin du Rêve…

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Le rêve de l’escalier va fermer ses portes définitivement ce 31 janvier. Triste nouvelle. Cette librairie d’occasion était connue bien au-delà de la cité rouennaise. Son rayonnement dépassait les frontières, de nombreux touristes (européens, nord-américains…) connaissaient l’adresse. Le Rêve est même jumelé avec une librairie japonaise.

Mais c’est bien à nous, fidèles clients réguliers, qu’elle va manquer notre librairie préférée. J’y ai déniché une tonne (au moins, le papier pèse lourd !) de superbes ouvrages. Surtout des bandes dessinées et des romans graphiques. Des livres de poche aux livres d’Art, des vinyles, CD et autres DVD. Des goodies en tout genre, de superbes affiches…

J’y ai fait des découvertes inimaginables, des rencontres d’artistes incroyables (dessinateurs, écrivains, musiciens…). Avec cette magie quasi constante d’y trouver à chaque fois la perle, l’ouvrage introuvable, inconnu, celui qui tombe pile au bon moment. Je ne vais pas dresser l’inventaire de ce que j’ai trouvé chez Michael. Ça correspond, à la louche, à un bon tiers de ma bibliothèque.

Enormément de bons souvenirs sont rattachés à cette adresse. De nombreuses rencontres, des concerts improbables, des échanges passionnants et passionnés, associées à de nombreux verres également. La belle vie quoi !

Une page se tourne. Mais ne soyons pas tristes. Ce fut une belle tranche de vie de 16 ans que nous avons vécu grâce à Michael. Et il y en aura d’autres. Sous une autre forme, mais j’en suis sûr !

Bonne route camarade et merci pour tout ! A très bientôt.

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Brèves de chroniques #10

J’aime pas la musique – David Snug (Les Enfants Rouges, 2011)

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Davis snug est un authentique punk qui ne s’ignore pas. Plutôt monomaniaque dans son genre, il reste fidèle à ses premiers émois musicaux qui sont les bérus, les bérus et les bérus. Comme tous collégiens, il n’aime pas la musique. Car on le sait tous, les profs de musique sont des sadiques. Jouer de la flute devant toute la classe reste un traumatisme pour plusieurs générations. David Snug lui, ce qui lui plait, c’est le dessin. A tel point qu’il décide d’en vivre. Ou du moins, d’aller en Arts Appliqués, ce qui lui permet  de quitter sa cambrousse (Bayeux) pour s’installer dans une grande ville (Caen). Mais il déchante rapidement. Ses profs et ses camarades de lycée sont aussi nuls que ceux du collège. Il rencontre tout de même un bon pote qui partage son goût pour la musique bizarre (Stooges, Velvet, Suicide…). Il décide même de lancer un groupe de punk, avec guitare sèche et carton pour la batterie…M’enfin, c’est le geste qui compte.

Le graphisme de Snug est comme la musique qu’il écoute (et joue surement) : hyper saturé, limite dégueulasse, fortement contrasté mais terriblement efficace. Une ode à l’indépendance.

L’âge dur – Max de Radiguès (L’employé du Moi, 2010)

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L’âge dur nous raconte l’histoire d’un groupe de collégiens dont le quotidien n’est fait que de doutes, de désirs, de frustrations. Encore un énième récit sur l’adolescence. Mais à l’instar d’un Charles Forsman (édité dans la même collection chez l’employé du moi) Max de Rodriguès reste à distance de ses sujets. Il ne cherche pas à expliquer ou s’étaler sur les états d’âme de ses personnages. Il n’y a pas besoin, car nous savons intuitivement ce qui se joue chez ces ados qui vivent leurs premiers émois, leurs premières expériences, leurs premiers râteaux. Le minimalisme du trait (aucuns décors, les personnages évoluent dans des cases vides) et la mise en page sommaire conviennent parfaitement pour décrire ce sentiment de flottement et cette absence de cadre (pas un adulte à l’horizon), typiques de cet âge ingrat.

Schnock n°42 (La Tengo Editions, 2022)

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Schnock commence à se faire vieux mais est toujours présent dans les kiosques, et c’est tant mieux. La revue des vieux de 27 à 87 arrive à nous surprendre à chaque numéro en dénichant des dossiers et des interviews toujours aussi passionnants. Le dernier en date est sorti il y a peu (n°45 avec Defunès en couverture), mais je m’arrête sur ce numéro 42 et son superbe dossier sur Patrick Dewaere. Comme à chaque fois, on croit tout connaitre sur ces personnages publics (Coluche, Desproges, Marielle…) et on en découvre beaucoup. Grâce à cette capacité (que dis-je, cet Art !) de dénicher des témoignages auprès d’interlocuteurs qui les ont bien connus, mais à qui on ne fait jamais tribune.

On y retrouve des interviews (la chouette Brigitte Fontaine) et ces dossiers qui font notre joie, comme ce top 15 des publicités en bandes dessinées qui nous renvoie à nos jeunes années et fait émerger cette honteuse idée du « c’était mieux avant » ! Mais non, ce n’était pas mieux avant. Car avant, on n’avait pas Schnock.

sTOP ou encORe ?

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Encore Topor, évidemment. Il manquerait plus que ça. On le retrouve au sommaire de deux excellentes revues, actuellement en kiosque. Et c’est bien.

Les Arts Dessinés #16. Est-il besoin de revenir sur les qualités tant esthétiques qu’éditoriales de ce trimestriel qui fait la part belle au graphisme sous toutes ses formes. Actualité oblige -car Roland sera toujours d’actualité- Stéphane Corréard se fend d’un beau quatre pages à l’occasion de deux expositions parisiennes qui ont eu lieu en octobre… Il rappelle en introduction que Topor veut dire Hache en polonais. Un patronyme qui annonce la couleur (ou plutôt les hachures). J’adhère pleinement à son idée d’une « Pléiade Topor », même si la tâche parait impossible, tant l’œuvre de Roland est dispersée dans de multiples domaines.

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Les pieds dans la mayonnaise n’est pas une revue, et ne se trouve pas en kiosque. C’est une sorte de livre-hors-série à commander en librairie (sauf si c’est une bonne, qui l’aurait en office) fomenté par l’équipe de Rockyrama. Je n’ai pas encore eu l’occasion d’encenser cette chouette revue ciné qui arrive à survivre malgré une confidentialité autant incompréhensible que salutaire (c’est le prix de l’indépendance d’esprit !). Un aspect fanzine, tant par son approche passionnée du 7ème art que par sa maquette, à l’esprit sans concessions pleinement assumé. Proche cousin de la revue Schnock, Les pieds dans la mayonnaise joue la carte de la nostalgie joyeuse, puisant dans le background culturel des presque quinquagénaires que nous sommes. Vielles pubs, catalogue de vieux jouets, films, émissions de télé… c’est tout l’esprit des années fin soixante-dix début quatre-vingt qui ressurgit dans ces pages, « cette culture de la naïveté et de la légèreté ». Alexandre Vuillaume-Tylski décortique les contributions audiovisuelles et cinématographiques de Roland dans un article richement documenté. Il a entièrement raison lorsqu’il répond à la question Qui est Roland Topor ? : « N’aurait-il pas inventé son propre « courant » : lui-même ? ».

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Je profite de cet article, une fois n’est pas coutume, pour faire une petite auto-promo, histoire de contribuer à l’actualité toporienne. Je me suis fendu d’un petit essai sur Roland, Ma Non Topor, que j’ai posté sur ce blog. J’en ai « fanziné » une vingtaine d’exemplaires papiers que j’offre à mes amis. Si cela vous tente, laissez-moi un message. Je suis curieux de voir si j’ai quelques lecteurs inconnus qui seraient intéressés par mes petites bafouilles…

Topor et le cinéma – Daniel Laforest (Nouvelles éditions Place, 2020)

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Les Nouvelles Editions Place ont lancé une remarquable « Collection des poètes », qui propose des éclairages sur les rapports qu’entretiennent des artistes iconoclastes (Duchamp, Breton, Picabia, Prévert, Pérec, Queneau…) avec le cinéma. Heureuse initiative que d’avoir mis Roland Topor au casting de cette collection. Daniel Laforest nous présente un ouvrage passionnant, dressant ainsi un panorama complet de toutes les contributions de Roland au 7ème Art.

Prenant la forme d’une monographie, cet opus décortique les rapports ambigus et pourtant passionnés qu’entretenait Roland avec le monde du cinéma. Des relations placées sous le signe de l’attraction-rejet. Car Roland, maitre incontesté de l’image fixe, creusant sans relâche les potentialités infinies du dessin, se méfiait grandement des images en mouvement. Ce n’est pas anodin d’ailleurs de constater que ses premières contributions cinématographiques sont des apparitions de ses dessins (donc des images fixes) dans la séquence de la lanterne magique du Casanova de Fellini ou aux génériques de Qui Etes-vous Poly Maggoo de William Klein et Viva la Muerte d’Arrabal. Survolant ses compositions, seule la caméra est en mouvement.

Ses collaborations avec René Lalloux démontrent une défiance pour l’animation classique, au profit d’un travail sur le mouvement plus « primitif », générant une impression de « dessins qui bougent ». Ce qui sera la marque de fabrique des films d’animation de Roland.

Sa contribution au cinéma l’est aussi par l’écriture. De l’adaptation de son premier roman par Polanski à la participation à la co-scénarisation des films de Lalloux. Sans oublier ses collaborations télévisuelles avec ses amis Ribes, Gébé et Gourio pour Merci Bernard et Palace.

Daniel Laforest aborde également le rapport particulier qu’entretenait Roland avec la pantomime et les marionnettes (de Téléchat à Marquis), qui lui permettent de bousculer une fois encore cette représentation du mouvement cinématographique classique. Même lorsqu’il fait l’acteur (pour le Nosferatu d’Herzog par exemple), ses personnages sont excessivement expressif, outrancier, exagérant les mouvements et attitudes jusqu’à l’absurde.

Présentation de l’éditeur : « Roland Topor a été dessinateur, écrivain, plasticien, illustrateur, peintre, chroniqueur satiriste, décorateur scénique, marionnettiste, scénariste télévisuel. Or, lui qui se moquait des clivages artistiques a entretenu une méfiance singulière vis-à-vis du cinéma. Mais comme le génie du dilettantisme tient dans la contradiction, la méfiance ne l’a pas empêché de déployer une vaste activité en lien avec le monde cinématographique. D’abord à travers des commandes publicitaires, puis des projets d’animation, enfin l’adaptation par Roman Polanski de son premier roman. En parallèle sont apparues des co-scénarisations, quelques seconds rôles et une pléthore de figurations. Activités auxquelles la coréalisation en 1989 d’un film remarqué,  quoique encore mal compris, a apporté le point d’orgue. La rencontre de Topor et de l’art cinématographique évoque celle de l’enfance et du jouet. Celui-ci instille en effet dans le cinéma un poison qui le secoue, un certain ébahissement de l’enfance qui a autant partie liée avec le rire aux éclats qu’avec les terreurs nocturnes. »

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