Archives pour la catégorie Chroniques BD

Alien triste – Pedro Mancini (Insula, 2015)

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Découvert dans les pages du Gorgonzola de Maël Rannou, dont il est un régulier depuis le numéro 19, Pedro Mancini est un illustrateur et dessinateur argentin, féru de science-fiction, qui œuvre dans un registre autobiographique. Un grand écart qu’il maitrise parfaitement. Il a sorti trois albums depuis 2016, mais c’est cet Alien Triste qui m’a fait découvrir son univers particulier, perturbé jusqu’à l’absurde.

Pedro, alias Luis dans ses strips, s’incarne sous les traits d’un extraterrestre au visage longiligne recouvert d’yeux globuleux, dont l’expression figée vacille sous le coup de l’émotion. Comme pour retranscrire ce constant sentiment d’être étranger à lui-même et aux autres. Solitaire sentimental, loser alcoolique, fan des Grizzly Bear et de Moebius, en thérapie, ça fait beaucoup…

Maitrisant parfaitement les règles du récit en strips (constitués d’une à quatre cases), Mancini use de nombreuses ellipses et itérations qui apportent un rythme soutenu à l’ensemble. Il enchaine les séquences sans chercher la chute à chaque fois. Car il est en chute libre depuis des lustres le coco. Déboires sentimentaux, beuveries mettant à mal son pancréas, angoisse de la page blanche, carrière professionnelle quasi-inexistante, batteur raté… L’alien triste a toute les raisons de l’être. Pourtant, au-delà de cette succession de malaises et de frustrations quasi quotidiennes, il se dégage quelque chose à la lecture de ces strips. Le coté déprimant laisse place à une réelle compassion. On développe une sincère sympathie envers cet auteur qui retranscrit sans filtres son rapport décalé aux mondes (du travail, des relations sociales, des femmes…) qui l’entourent.

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Brèves de chroniques #10

J’aime pas la musique – David Snug (Les Enfants Rouges, 2011)

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Davis snug est un authentique punk qui ne s’ignore pas. Plutôt monomaniaque dans son genre, il reste fidèle à ses premiers émois musicaux qui sont les bérus, les bérus et les bérus. Comme tous collégiens, il n’aime pas la musique. Car on le sait tous, les profs de musique sont des sadiques. Jouer de la flute devant toute la classe reste un traumatisme pour plusieurs générations. David Snug lui, ce qui lui plait, c’est le dessin. A tel point qu’il décide d’en vivre. Ou du moins, d’aller en Arts Appliqués, ce qui lui permet  de quitter sa cambrousse (Bayeux) pour s’installer dans une grande ville (Caen). Mais il déchante rapidement. Ses profs et ses camarades de lycée sont aussi nuls que ceux du collège. Il rencontre tout de même un bon pote qui partage son goût pour la musique bizarre (Stooges, Velvet, Suicide…). Il décide même de lancer un groupe de punk, avec guitare sèche et carton pour la batterie…M’enfin, c’est le geste qui compte.

Le graphisme de Snug est comme la musique qu’il écoute (et joue surement) : hyper saturé, limite dégueulasse, fortement contrasté mais terriblement efficace. Une ode à l’indépendance.

L’âge dur – Max de Radiguès (L’employé du Moi, 2010)

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L’âge dur nous raconte l’histoire d’un groupe de collégiens dont le quotidien n’est fait que de doutes, de désirs, de frustrations. Encore un énième récit sur l’adolescence. Mais à l’instar d’un Charles Forsman (édité dans la même collection chez l’employé du moi) Max de Rodriguès reste à distance de ses sujets. Il ne cherche pas à expliquer ou s’étaler sur les états d’âme de ses personnages. Il n’y a pas besoin, car nous savons intuitivement ce qui se joue chez ces ados qui vivent leurs premiers émois, leurs premières expériences, leurs premiers râteaux. Le minimalisme du trait (aucuns décors, les personnages évoluent dans des cases vides) et la mise en page sommaire conviennent parfaitement pour décrire ce sentiment de flottement et cette absence de cadre (pas un adulte à l’horizon), typiques de cet âge ingrat.

Schnock n°42 (La Tengo Editions, 2022)

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Schnock commence à se faire vieux mais est toujours présent dans les kiosques, et c’est tant mieux. La revue des vieux de 27 à 87 arrive à nous surprendre à chaque numéro en dénichant des dossiers et des interviews toujours aussi passionnants. Le dernier en date est sorti il y a peu (n°45 avec Defunès en couverture), mais je m’arrête sur ce numéro 42 et son superbe dossier sur Patrick Dewaere. Comme à chaque fois, on croit tout connaitre sur ces personnages publics (Coluche, Desproges, Marielle…) et on en découvre beaucoup. Grâce à cette capacité (que dis-je, cet Art !) de dénicher des témoignages auprès d’interlocuteurs qui les ont bien connus, mais à qui on ne fait jamais tribune.

On y retrouve des interviews (la chouette Brigitte Fontaine) et ces dossiers qui font notre joie, comme ce top 15 des publicités en bandes dessinées qui nous renvoie à nos jeunes années et fait émerger cette honteuse idée du « c’était mieux avant » ! Mais non, ce n’était pas mieux avant. Car avant, on n’avait pas Schnock.

La Grimace – Vincent Vanoli (l’Association, 2021)

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La grimace de Vincent Vanoli porte bien son nom. Tous ses personnages font la gueule. Et on comprend pourquoi, tant cette région de la Meurthe-et-Moselle est sinistrée depuis des lustres. La poussière de charbon des aciéries est partout présente, alors que l’activité industrielle n’est plus qu’un douloureux souvenir. Les rues, les murs, les gens, tout est gris. Même ces scènes d’extérieur sentent le renfermé, les espaces verts sont glauques. Ce noir et blanc charbonneux avec ces gris sales apportent une dimension mélancolique à son univers pictural, qui m’évoque surtout le Merveilleux des contes de fée, avec ces intérieurs labyrinthiques et ces extérieurs expressionnistes. On ne sait ce qu’on va découvrir la page d’après.

Vanoli explique très bien en postface pourquoi il se représente en adulte alors qu’il nous raconte sa jeunesse. C’est simplement pour ne pas tricher. Se mettre en scène sous les traits de l’enfant qu’il était n’est qu’un ressort narratif bidon. Car son enfance, il nous la raconte de son point de vue de quinquagénaire bien entamé (rien de péjoratif dans mon propos, on y passe tous !). Son regard sur ce qu’il a vécu et ressentit n’est plus le même qu’à l’époque.  Une enfance à part, repliée sur elle-même, réfugiée dans l’imaginaire, rythmée par les saisons, les colos de vacances et les compétitions de handball. Vanoli tente de conserver la vision magique de l’enfant, même si l’on sent dernière la désillusion et une certaine forme de nostalgie.

Vanoli ne triche pas non plus avec les divagations de la mémoire. Son récit est structuré de manière vaguement chronologique, reposant sur un rythme décousu, enchainant les scènes et les souvenirs comme on passe du coq à l’âne. A tels points que lire ces planches dans le désordre serait sans conséquence sur la compréhension du récit. Les titres à chaque page nous aident à faire sens. Son graphisme est à l’avenant : rien n’est linéaire, aucunes lignes droites, tout est alambiqué. Les meubles et les architectures sont toutes de guingois. Les personnages aussi. Une collection de gueules dignes de la cour des miracles.

Une histoire en morceaux, comme Vanoli lui-même à la fin de l’album, qui tente de recomposer comme il peut les diverses parties de son corps. Ce morcellement illustre son état d’esprit quand il revient de ses errances mentales et découvre une ville qu’il ne reconnait plus. Il croise son moi d’enfant qu’il essaye tant bien que mal de suivre. Mais comme chantait l’autre : « Enfin le temps perdu qu’on ne rattrape plus« …

La-Grimace-©-Vincent-Vanoli-LAssociation.

Rouen par cent chemins différents – Emmanuel Lemaire (Warum, 2018)

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Celles et ceux qui connaissent Rouen savent que l’on peut la traverser en long, en large et en travers sans jamais prendre deux fois le même chemin. La cité aux cent clochers est aussi la ville aux mille rues, faite de chemins de traverses et de faux culs de sacs.

Malgré son titre, Emmanuel Lemaire ne nous parle pas que de sa ville. On apprend rapidement que cette histoire devait être autobiographique et concernait sa vie de couple. Mais suite au départ de sa compagne, elle s’est fatalement transformée en un récit sur l’errance et la reconstruction. Emmanuel Lemaire raconte de manière subtile, tout en impressions, les conséquences de sa rupture et les moyens (parfois obsessionnels) qu’il invente pour supporter cette situation difficile, retrouver le goût des autres et des petites choses, la légèreté et le rire. En particulier ce drôle de rituel consistant à ne jamais emprunter quotidiennement le même trajet de chez lui à son travail.

J’ai eu l’occasion de découvrir le travail d’Emmanuel Lemaire lors de l’exposition « Architectures dessinées » à la Maison de l’Architecture de Normandie en 2017. J’aime bien son trait fin et dynamique, son travail sur les verticales et horizontales qui structurent ses compositions sans les saturer. Son style sied à merveille pour dessiner la Ville (Rotterdam, Rouen, Paris…), multipliant les focales, allant des plans d’ensemble aux détails d’un monument. Il sait aussi croquer des portraits attachants de ses contemporains, dressant un panorama assez juste des personnages que l’on croise régulièrement dans les rues de Rouen : un ancien collègue « l’homme au teckel », son ami Olivier le libraire (au Grand Nulle Part, pour ceux qui connaissent), un groupe de marins laotiens en escale, un punk à chien sans chien…)

Qu’elles soient graphiques ou psychologiques, Lemaire cherche les lignes de fuite. Il est en quête et trouve dans ces déambulations et ses rencontres les petits remèdes à sa morosité grimpante, une nouvelle direction à son récit et, par extension, à son existence. Rouen peut-être une ville triste. Mais elle peut, si l’on trouve les bons angles d’approches, être d’un grand réconfort.

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Brèves de chroniques #9

Chroniques de la rue du Repos – Le Tampographe (Flammarion, 2020)

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Le Tampographe nous remet une tournée. Nouvelle maison d’édition, nouveau format mais rien de nouveau par rapport à son premier opus. Et on ne s’en plaint pas. Car même s’il est moins dans « l’avant-garde » (la Tampographie est une discipline maintenant reconnue), on ne peut pas dire qu’il soit devenu commercial (quoique, ça ressemble quand même à un catalogue son truc). Mais tant mieux pour lui s’il arrive à vivre de ses bricoles, et tant pis pour nous. Sardon n’aime pas assez les gens pour leur faire plaisir avec de gentils tampons ou de belles images. On se fait encore bien insulter de plein de manière (en bruxellois ou en langue des signes) et on en redemande, maso que nous sommes. Si comme moi vous n’avez pas les moyens de vous rendre rue du Repos (à côté du Père Lachaise), achetez ses livres…

Le gars d’Hebdo – Tofépi (L’Association, 2020)

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Je ne connaissais pas le gars Tofépi avant de découvrir ce Le Gars d’Hebdo. J’avoue être surpris par le graphisme sommaire et le propos plutôt léger de l’album. Puis, au fil des pages, un truc se passe. On se laisse guider par cette accumulation d’anecdotes à l’humour tendre et bienveillant. J’apprécie surtout ces petites touches de non-dits sur sa vie privée, cette pudeur qui nous incite à deviner les choses. On en découvre peu sur le métier de pigiste d’un journal de province, peu également sur son histoire familiale, et c’est bien comme ça. On en sait assez pour éprouver une réelle sympathie à l’égard de ce garçon.

Le Loup – Rochette (Casterman, 2019)

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Celles et ceux qui suivent Jean-Marc Rochette sur fb savent qu’il a produit cet album en quelques mois seulement, dans un élan créatif remarquable. De l’idée au livre publié, cela lui a pris à peine un an. Un geste, une urgence, en réaction aux attaques trop régulièrement perpétrées contre les loups. Le Loup est un récit puissant, abordant les éternelles confrontations entre Nature et Culture. Baptiste Morizot précise en postface que cette fable aborde deux thématiques essentielles : l’opposition entre l’homme et la Bête sauvage, et la nécessaire (et vitale) réinvention de leurs relations, sur un autre rapport que la rivalité. Jean-Marc Rochette a donné ses traits à Gaspard et assume ainsi la lourde tâche d’incarner la stupidité destructrice de l’Homme. Heureusement pour nous, le Loup veille… Merci à lui.

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