Archives pour la catégorie Plein les mirettes



Les rats dans les murs – H.P. Lovecraft, illustré par Armel Gaulme (Bragelonne, 2020)

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Je suis loin d’avoir lu tout Lovecraft, mais ces rats dans les murs est ce que je préfère jusqu’à maintenant. Ayant paumé le livre depuis des lustres, je remercie l’ami Nantua de m’avoir offert cette belle réédition, généreusement illustrée par Armel Gaulme (j’aimais bien la traduction de Liliane Sztajn aux éditions Mille et une nuits, mais la présente version de Arnaud Demaegd est bien aussi). Je reste fasciné par cette histoire de châtelain américain revenant sur les vieilles terres anglaises, découvrant un domaine ancestral ainsi qu’une terrible malédiction qui frappe sa famille depuis des temps immémoriaux. Filiation, malédiction, superstitions, rites païens, anciennes civilisations… Tous les ingrédients des contes fantastiques à la Edgard Allan Poe sont contenus dans cette nouvelle.

Dès son installation sur son domaine familial d’Exham, le dernier des De la Poer (clin d’œil à Poe justement) est le seul, avec ses chats, à entendre toutes les nuits des rats grouillant derrière les murs. C’est en recherchant leur provenance dans le domaine qu’il découvre l’entrée d’une crypte oubliée. Il décide de constituer une équipe d’archéologues afin d’aller explorer les sous-sols qui semblent infinis. Plus ils avancent dans les tréfonds de la structure, plus ils remontent le temps. Plus De la Poer s’engage dans cet abîme, plus il découvrira l’impitoyable vérité sur sa généalogie.

Si les illustrations au crayon à papier d’Armel Gaulme sont superbes (et démontre une grande maitrise), elles m’ont paru au premier abord plutôt fades et peu contrastées. Ça manque de relief pour illustrer du Lovecraft, surtout quand on a en tête les travaux de Breccia ou Corben. Mais au fil des pages, je me dis que ce choix de crayonnés « sous-exposés » est judicieux et convient parfaitement pour rendre compte de l’indicible, pour mettre un peu de lumière sur les ombres lovecraftiennes. Il faut prendre le temps de scruter ses compositions pour saisir tous ces détails qui nous échappent au premier coup d’œil. Tout comme nous échappent les horreurs tapies dans chaque recoin du prieuré d’Exham.

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Alice au pays des lettres – Roland Topor (éditions du Seuil, 1991)

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L’absurde de Roland Topor se situe aux abords du surréalisme à la belge, de la pataphysique et du non-sens à l’anglo-saxonne. Avec une bonne dose d’humour froid des pays de l’Est. Ses points cardinaux sont René Magritte, Alfred Jarry, Gogol et Lewis Caroll. Pas surprenant dans ce cas de le voir revisiter l’œuvre phare du romancier britannique. L’héroïne passe cette fois ci « de l’autre côté de la page » (titre initial de cette fable éditée en 1968)…

Dans cet Alice au pays des lettres, ces dernières ont le premier rôle. Alice ne tombe pas ici dans un terrier, mais littéralement dans les pages du livre sur lequel elle s’est endormie. Les lettres prennent vie et se rendent toutes à la bibliothèque. Elles cherchent à être engagées dans une pièce de théâtre. Alice les suit, rencontre un J et un E se tenant le bras tel un jeune couple en lune de miel, discute avec un Z qui est triste de ne pas avoir été retenu au casting, puis assiste au spectacle. En sortant, elle croise un M qui va être jugé pour une faute d’orthographe par les deux tyrans que sont la Grammaire et la Syntaxe. Une émeute s’en suivra en soutien à ce pauvre M… Après avoir renversé les tyrans, les lettres font une grande fête, se mélangent sans aucunes règles pour former des mots incompréhensibles qui « ne manquaient pas de fantaisie, mais risquaient de donner la migraine ». C’est en criant « assez !» qu’Alice se réveille… et va chercher des escargots dans le jardin.

Si pour Roland, l’écriture est « un aire de jeux hors des lois du monde », elle ne peut se faire que sous contraintes. La liberté que procure l’écriture ne s’acquière qu’en respectant des règles strictes. C’est la morale de cette fable illustrée, conseillée aux enfants de tous âges…

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Redites-moi des choses tendres – Soluto (éditions Du Rocher, 2017)

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Dans son recueil de nouvelles Glaces sans tain, Soluto nous présentait des personnages qui avaient dépassé les limites autorisées de la maladie mentale. Cette fois ci, il nous parle de névroses ordinaires de gens ordinaires.

Redites-moi des choses tendres est un titre évocateur, pour une histoire qui prend le contre-pied de cette belle déclaration. Vu de l’extérieur, une famille « cadre sup’ » bien sous tous rapports. Réussite sociale, pavillon de banlieue, deux enfants… A l’intérieur, tout se désagrège. Un père entrepreneur, dépassé par ses affaires en tous genres (pas que professionnelles), une mère prof de lycée qui se raccroche à l’idée qu’elle se fait de la famille modèle. Un fils livré à lui-même et une fille cleptomane, tout autant désabusée. Désillusions, non-dits, passages à l’acte, il suffit de pas grand-chose pour foutre en l’air cet équilibre fragile.

L’amour est le grand absent (jusque dans le titre). Pourtant, tout tourne autour. Entre ceux qui le perdent ou l’ont perdu depuis longtemps, ceux qui le cherchent sans s’en rendre compte et ceux qui n’en attendent plus rien… Qu’il soit filial, platonique ou passionnel, l’amour est toujours destructeur. C’est l’amer constat que dresse Soluto. On aimerait lui donner tort…

Malgré les apparences, Soluto a de l’affection pour ses personnages. Comme il le précise dans l’incise, s’il parait cruel avec eux et ne les épargne pas, il le sera toujours moins que l’ingrate réalité de leur existence. Sont-ils les uniques responsables de ce qui leur arrive ? Ou est-ce le hasard, la prédestination..? On ne sait pas, et le démiurge Soluto n’est pas plus avancé pour répondre à cette question.

A l’image de ses dessins, Soluto développe une écriture franche, ancrée dans le réel, sans fioritures ni effets de manche. Inscrits dans une réalité géographique (la Seine Maritime), ses personnages existent. On croirait même qu’ils sont vrais, que Soluto nous conte la biographie d’une famille française moyenne, tant on a la forte impression de les avoir déjà rencontré, de les connaitre « pour de vrai » (à moins que ce soit nous ?!). Il est des livres qu’on garde, tant ils résonnent avec ce que l’on vit au moment où on les découvre… Merci Laurent.

http://soluto.free.fr/blog/

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Poésie – Frédéric Poincelet (La Cinquième Couche, 2008)

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Poésie est un recueil de dessins illustrés de Frédéric Poincelet, agencés en 6 chapitres. Un titre qui peut paraître prétentieux. Toutefois, si elle n’est pas affirmée et encore moins revendiquée, la poésie est ici bien présente, de manière subtile et indicible.

L’univers graphique de Poincelet se situe dans un entre-deux, tout à la fois figuratif et abstrait, entre dessins d’observation (nus, paysages…) et schémas mentaux. Espaces indéfinissables, temps suspendu, Poincelet brouille les repères et nous propose une ballade dans un univers étrangement familier, où des paysages périurbains côtoient des motifs abstraits, des portraits et des dessins de femmes désirantes et désirables, à la juvénilité dérangeante. Textes et images s’accordent de manière singulière et décalée, laissant toute latitudes d’interprétations au lecteur.

Poésie est un récit autobiographique intimiste et sentimental, dans lequel rien n’est explicité. Plutôt qu’une approche réaliste, Poincelet privilégie le trait sensible (hésitant et charbonneux), dont la préoccupation n’est pas de faire « vrai », mais de transmettre « sa vérité ». Son travail sur les lignes (horizontales et verticales) est remarquable. Sa palette de gris joue sur les contrastes sans jamais tomber dans les extrêmes.

Face à cette succession de dessins, on ne peut s’empêcher de faire les liens, de mettre en corrélations des formes, des figures, des traits. D’autant plus quand il y a des répétitions de motifs… Toujours cette nécessité d’établir des séquences là où il n’y en a pas forcement.

Poincelet nous démontre que les rapports entre textes et images sont potentiellement infinis et demeurent un formidable terrain d’expérimentation.

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Delirium – Philippe Druillet & David Alliot (Les Arènes, 2014)

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Druillet fait son Cavanna. Dans le bon sens du terme, tant il arrive à raconter de manière concise et directe une multitude de détails et d’anecdotes, des choses légères et des choses graves qui, resituées dans leur chronologie, forment ce qu’on appelle une existence. Car Druillet existe, dans le sens sartrien du terme (« l’existentialisme considère l’homme comme un être unique et libre qui est responsable de ses actes et de son destin, mais également – pour le meilleur comme pour le pire – des valeurs qu’il décide d’adopter »).

C’est peu dire que Druillet a toujours agit comme un artiste libre de créer et rencontrer comme bon lui semble. Fan d’illustrés depuis l’enfance, Druillet a toujours été fidèle à la bande dessinée (ses maîtres sont Jacobs et Hergé), même s’il en a explosé les codes. Sa puissance de création et sa forte personnalité l’amènent à s’aventurer dans d’autres domaines tels que l’illustration, la création de mobilier, la céramique, la conception de décors, la réalisation, etc (sans oublier le chinage, passion qu’il partage avec sa copine Florence Cestac). Et peu importe le médium, Druillet reste Druillet. Refusant tout corporatisme, et tout prédéterminisme, il papillonne entre les milieux et les disciplines sans jamais se perdre en route. Il est ce fils de la concierge qui peut dîner avec le président de la république.

«  Je suis un mal-né, c’est le drame de ma vie. Je voulais être prince ou mécène. Je suis né fils de concierge. Je n’ai pas eu neuf vies, j’en ai eu quatre-vingt-dix-neuf. Je fais tout en même temps. Je dessine, je conduis et je brocante. J’ai un goût inné pour la beauté. J’ai besoin de vivre entouré de belles choses ».

Druillet ne renie rien de son passé. Même s’il lui aura fallu attendre ses soixante dix ans pour enfin mettre des mots sur son histoire familiale et cet honteux héritage. Avoir des parents collabos zélés, faisant allégeance au maréchal Pétain (d’où son prénom) ça laisse des traces et forge une personnalité. Viscéralement humaniste et indépendant, il ressort de la lecture de ces mémoires le portrait d’un artiste bien plus terrien que son œuvre hors norme, monstrueuse et mystique ne donnait à penser.

 

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