L’absurde de Roland Topor se situe aux abords du surréalisme à la belge, de la pataphysique et du non-sens à l’anglo-saxonne. Avec une bonne dose d’humour froid des pays de l’Est. Ses points cardinaux sont René Magritte, Alfred Jarry, Gogol et Lewis Caroll. Pas surprenant dans ce cas de le voir revisiter l’œuvre phare du romancier britannique. L’héroïne passe cette fois ci « de l’autre côté de la page » (titre initial de cette fable éditée en 1968)…
Dans cet Alice au pays des lettres, ces dernières ont le premier rôle. Alice ne tombe pas ici dans un terrier, mais littéralement dans les pages du livre sur lequel elle s’est endormie. Les lettres prennent vie et se rendent toutes à la bibliothèque. Elles cherchent à être engagées dans une pièce de théâtre. Alice les suit, rencontre un J et un E se tenant le bras tel un jeune couple en lune de miel, discute avec un Z qui est triste de ne pas avoir été retenu au casting, puis assiste au spectacle. En sortant, elle croise un M qui va être jugé pour une faute d’orthographe par les deux tyrans que sont la Grammaire et la Syntaxe. Une émeute s’en suivra en soutien à ce pauvre M… Après avoir renversé les tyrans, les lettres font une grande fête, se mélangent sans aucunes règles pour former des mots incompréhensibles qui « ne manquaient pas de fantaisie, mais risquaient de donner la migraine ». C’est en criant « assez !» qu’Alice se réveille… et va chercher des escargots dans le jardin.
Si pour Roland, l’écriture est « un aire de jeux hors des lois du monde », elle ne peut se faire que sous contraintes. La liberté que procure l’écriture ne s’acquière qu’en respectant des règles strictes. C’est la morale de cette fable illustrée, conseillée aux enfants de tous âges…
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