Ne vous fiez pas au titre. Si cet album est bien une histoire d’amour, c’est surtout un pur récit de science-fiction. Turunen pousse à l’extrême le décalage entre son propos (la dure vie de couple avec ces attentes et ses doutes) et cet univers fantastique qui mélange les genres, entre expériences scientifiques, post-nuke, gros monstres et voyages interstellaires. Un Space-opéra aux rebondissements et personnages impossibles, qui commence même avec des cow-boys.
Ce récit farfelu, irracontable mais parfaitement structuré, ne sert qu’à brouiller les pistes d’une simple romance. Comme si, pour dénoncer l’intemporelle absurdité des choses de l’amour, Turunen racontait une histoire vécue en la camouflant derrière un décorum totalement déjanté.
Les deux protagonistes aux noms évocateurs vivent un dilemme. Ils n’évoluent pas au même rythme. Apparaissant tel un fœtus renaissant, Intrus vieillit au fil du temps alors que R-raparegar rajeunie. Une situation dramatique. Pour lui, leur vie commune commence à peine alors que pour elle, leur histoire s’achève…
Ses choix de mises en page (deux cases par page) et cette bichromie alternant entre doubles pages rouges et bleues renforcent les dualités du récit (masculin/féminin, jeunesse/vieillesse, passé/futur…). Rarement la forme d’un album se confond à ce point avec son contenu narratif. J’aime chez Turunen ce traitement tout à la fois réaliste (précision anatomique des mouvements) et expressionniste (cadrages serrés et angles de vue décalés, trait vif et contrastes forts) et ce depuis ces planches découvertes dans l’excellente revue L’horreur est humaine. (Il est aussi un régulier du succulent Gorgonzola). J’ai de suite adhéré à son univers décalé, rempli de personnages extraordinaires, confrontés à des préoccupations bien ordinaires.
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