Publié 26 janvier 2016
dans Chroniques BD
Ne vous fiez pas au titre. Si cet album est bien une histoire d’amour, c’est surtout un pur récit de science-fiction. Turunen pousse à l’extrême le décalage entre son propos (la dure vie de couple avec ces attentes et ses doutes) et cet univers fantastique qui mélange les genres, entre expériences scientifiques, post-nuke, gros monstres et voyages interstellaires. Un Space-opéra aux rebondissements et personnages impossibles, qui commence même avec des cow-boys.
Ce récit farfelu, irracontable mais parfaitement structuré, ne sert qu’à brouiller les pistes d’une simple romance. Comme si, pour dénoncer l’intemporelle absurdité des choses de l’amour, Turunen racontait une histoire vécue en la camouflant derrière un décorum totalement déjanté.
Les deux protagonistes aux noms évocateurs vivent un dilemme. Ils n’évoluent pas au même rythme. Apparaissant tel un fœtus renaissant, Intrus vieillit au fil du temps alors que R-raparegar rajeunie. Une situation dramatique. Pour lui, leur vie commune commence à peine alors que pour elle, leur histoire s’achève…
Ses choix de mises en page (deux cases par page) et cette bichromie alternant entre doubles pages rouges et bleues renforcent les dualités du récit (masculin/féminin, jeunesse/vieillesse, passé/futur…). Rarement la forme d’un album se confond à ce point avec son contenu narratif. J’aime chez Turunen ce traitement tout à la fois réaliste (précision anatomique des mouvements) et expressionniste (cadrages serrés et angles de vue décalés, trait vif et contrastes forts) et ce depuis ces planches découvertes dans l’excellente revue L’horreur est humaine. (Il est aussi un régulier du succulent Gorgonzola). J’ai de suite adhéré à son univers décalé, rempli de personnages extraordinaires, confrontés à des préoccupations bien ordinaires.
Chez Fremok
Publié 14 janvier 2016
dans Chroniques K.BD
« Si ces derniers temps l’équipe de k.bd a un peu réduit la voilure – mais reconnaissez que les fins d’années sont toujours bien chargées !! – elle en a profité pour prendre un peu de recul et pour constater que peu de place était accordée à l’actualité. Nous avons essayé en quelques semaines de rattraper un peu de notre retard grâce à Kersten ou Zaï Zaï Zaï Zaï, albums qui ont à notre humble avis marqué l’année écoulée. 3ème étape aujourd’hui avec Ici, ovni / olni / obdni qui ne vous aura sans doute pas échappé si vos sens sont en éveil dès que vous entrez dans votre librairie préférée. » Extrait de la synthèse de Champi.
Indéniablement l’un des grands albums de tous les temps…
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Publié 12 janvier 2016
dans Plein les mirettes
On ne les arrêtent plus ! Les excellents Cahiers Dessinés creusent un peu plus encore dans les méandres de l’œuvre de Roland et mettent en lumière l’un de ses aspects peu connu et jamais compilé jusqu’alors. Après le dessinateur de presse, place au Topor illustrateur. Voyageur du livre. Le titre est parfait. Car s’il est un aventurier du dessin, défrichant des territoires inconnus et impensables, Topor peut se faire simple voyageur, se laissant guider par les balises d’autrui. Que ce soit de commande ou de son propre chef (esclave de ses passions, il n’illustre que ce qu’il aime), des auteurs mythiques ou des contemporains inconnus, Topor s’immisce sans dénaturer, respecte ou transgresse, interprète les obsessions de l’autre en y insufflant les siennes. « Lorsqu’il dessine dans la presse, Topor fait prévaloir son imaginaire sur l’actualité immédiate. En tant qu’illustrateur, il accepte une position plus complexe, plus à l’écoute de l’autre et à la recherche d’une résonance commune. » (Philippe Garnier en préface).
Belle complémentarité avec les éditions Wombat, qui rééditent Le Chinois du XIVème de Melvin Van Peebles, illustré par Topor en 1964 dans les pages d’Hara-Kiri. Alors que le premier volume [1960-1980] du Topor Voyageur de Livre compile ses illustrations « hors textes », ce Chinois du XIVème nous permet de les resituer dans leur contexte. On se rend compte qu’en quelques traits (ses dessins pour l’occasion sont vifs et contrastés), il cerne parfaitement les tensions dramatiques de ce conte philosophique de comptoir, le climax de chaque nouvelle. Il sait aussi s’arrêter sur des détails qui en disent long. L’anecdote et l’universel, une fois encore…
Wombat continue son remarquable travail de réédition des écrits de Roland et annonce la sortie de Joko fête son anniversaire pour le 19 février… Miam !
Publié 5 janvier 2016
dans Chroniques BD
Sûr que cet album n’a rien pour plaire aux détracteurs de la « bd’intello ». Un ouvrage qui se dit bande dessinée alors qu’il n’y a ni personnages principaux, ni phylactères, ni pitch facilement racontable. De plus, réalisé par un illustrateur du New Yorker, dont la couverture évoque un tableau d’Edward Hopper, édité chez Gallimard et, de surcroît, classé parmi les 20 meilleurs livres de l’année par le magazine Lire. Ça a de quoi agacer les amateurs de « vraie » bayday.
Pourtant, à bien y regarder, y a pas à dire, c’est bien un album de bande dessinée. Soit une histoire racontée par cet agencement particulier d’images et de mots. Et tout réside dans ce « particulier » justement. Mc Guire a mûrement réfléchi ce projet, et ça saute aux yeux. D’abord sous la forme de six planches en noir et blanc réalisé en 1989 (réédité récemment dans le Kaboom 08), Ici (et pas que maintenant!) est une formidable évocation du temps qui passe, dont seul le médium pouvait rendre la pleine mesure (mise en abyme temporelle, réflexions sur le cadre, enchaînement de séquences). Six pages qui ont durablement marqués un Chris Ware : « Anniversaires, décès et dinosaures : soit l’univers résumé en 36 cases ».
Unité de lieu et multitude de temps, Here (en anglais, ça sonne mieux!) est un récit tout à la fois réaliste et métaphysique. Avec cet album aux couleurs pastelles lumineuses et contrastées, Mc Guire développe son concept sur 300 pages sans jamais l’épuiser, et encore moins nous lasser. Car dès que l’on a rapidement capté ce procédé de « fenêtres temporelles », on ne décroche plus de ce voyage méditatif, que les ringards qualifierons de poétique… Jouer avec le système espace-temps sans faire dans la science-fiction, chapeau bas M’sieur Mc Guire !
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