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Archives pour octobre 2015

Mon ami Dahmer/Punk Rock & Mobile Homes/Trashed – Derf Backderf (Ça & Là, 2013/14/15)

trashed

Merci aux éditions Ça & Là de nous faire connaître Derf Backderf. Son premier ouvrage en français sorti en 2013 a marqué les mémoires, en racontant ses souvenirs de lycéen, lorsqu’il avait comme camarade de classe le serial killer Jeffrey Dahmer.

Sans racolage ni sensationnalisme, il revient avec prudence et moult questions sur ces étranges années durant lesquels il a côtoyé ce futur tueur. Revenir pour comprendre, certes. Mais de son propre aveux, il serai vain d’essayer de dresser le profil psychologique et chercher les causes, saisir pourquoi Jeffrey aurait basculé. En tant que journaliste de formation, il se contente de retranscrire les faits dans leur chronologie, ce qui est déjà beaucoup. On retrouve cette approche opératoire dans ses autres ouvrages. Cette narration linéaire, sans ellipses temporelles et autres flash-back. Il semble plus préoccupé par la logique de son récit que par l’approche psychologique de ses personnages. Ce qu’ils font en disent plus que ce qu’ils racontent.

On retrouve dans ces trois ouvrages une autre constante, ce mélange de fiction et d’autobiographie. Ce qu’il nous raconte s’appuie sur ce qu’il a en partie vécu, mais il ne tombe jamais dans l’écueil du récit autobio. S’il se met en scène dans ces ouvrages, il n’utilise jamais la première personne (une démarche qui m’évoque Pekar ou Crumb). Dans ses deux premiers, il n’est qu’un personnage secondaire, les héros étant Dahmer et Le Baron.

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Dans Trashed, il n’y a pas vraiment de personnage principal, si ce n’est lui. Mais il ne vole pas la vedette et n’a pas plus d’importance que les autres. S’il s’appuie sur sa propre expérience d’éboueur, celle-ci avait lieu au début des années 80 alors qu’il inscrit son récit à notre époque. Un bonne manière de se démarquer du récit de souvenirs. De plus, le thème central de ce trash est malheureusement encore d’actualité. Si les enjeux de la pollution et les dérives de nos sociétés de consommation sont évoqués, ils ne sont que la toile de fond d’une histoire qui s’attache surtout à décrire les conditions de travail déplorables des éboueurs et autres travailleurs municipaux. C’est également le récit d’une émancipation. Aussi peu glorieux soit-il, ce premier travail lui permet d’être enfin autonome et ne plus dépendre de ses parents.

Une autre caractéristique des ouvrages de Backderf est cette richesse documentaire, qu’il n’hésite pas à partager à chaque fin d’ouvrage. Journaliste un jour… on ne se refait pas. A ce titre, Punk Rock & Mobile Homes est le véritable témoignage d’un lieu, d’un milieu et d’une époque où les gens pensaient encore que le rock pourrait changer le monde, tout du moins leur vie. La fin du punk rock au début des années 80 annonce la fin des utopies héritées de la contre culture des sixties. On suit les pérégrinations du Baron, un loser magnifique qui travail comme serveur, videur, DJ ou chanteur au The Bank, le club le plus prisé d’Akron. Il croisera les plus grands : The Ramones, The Clash, Lester Bangs, Ian Dury, Klaus Nomi… Un docu-fiction riche en rebondissements, entre baises, beuveries et concerts punks. Authentique.

punkrock

Backderf n’est pas un virtuose du dessin. Cependant, il semble connaître ses limites et s’emploie à contourner les difficultés avec une remarquable efficacité. Si certains de ses personnages se ressemblent, il sait leur apporter une caractéristique physique (un chapeau, des lunettes, une forme de nez, une moustache, des cheveux longs…) qui nous permet de les distinguer. Dans ses nombreux plans d’ensembles, il dessine à une échelle plus réduite (donc ne réduit pas un grand dessin avant l’impression), signifiant ses personnages par quelques lignes et ces fameux signes distinctifs. Son trait est tout en rondeur, avec de nombreux jeux d’ombres pour cerner les volumes. Dans Punk Rock… son graphisme est plus contrasté (sans quadrichromie), plus proche des dessinateurs underground américains (entre Shelton ou Peter Bagge). Ses visages (il use de nombreux plans américains et quelques gros-plans) sont expressifs et souvent laids (autant que ceux d’une Julie Doucet). Mais il ne faut pas s’arrêter à la première impression car, comme chantait l’autre, la beauté cachée des laids… C’est un peu la morale des histoires de Derf Backderf.

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Brèves de chroniques #6

Wimbledon Green – Seth (Seuil, 2006)

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Mais qui est ce mystérieux Wimbledon Green ? Le plus grand collectionneur de comics ou un simple usurpateur ? Un vrai passionné ou un spéculateur ? C’est l’intrigue principale de cet album qui fleure bon l’enquête policière à l’ancienne (façon Agatha Christie) avec ces fausses pistes et faux semblants. Le récit repose sur de nombreux témoignages (de personnes l’ayant connu ou colportant les rumeurs le concernant) et des souvenirs de l’intéressé qui nous apportent, au fil de la lecture, des éléments de réponse.

Seth est un perfectionniste et on ne peut qu’apprécier les qualités formelles de ce petit ouvrage : couverture cartonnée toilée avec lettrage doré, belle couleur verte et coins arrondis. Un auteur qui maîtrise toute les composantes de son médium (structure en gaufrier qui apporte un rythme soutenu, formes stylisées parfaitement lisibles, couleurs sépia aux effets rétro, importance du détail…). Il ne faut pas se fier à cette apparente simplicité, Wimbledon Green est un album dense, une subtile mise en abîme sur le monde des collectionneurs de comics.

La Régression – François Olislaeger & William Henne (La Cinquième Couche, 2005)

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Un gérant de magasin de sport qui vit chez sa mère veuve, un groupe de jeunes délinquants, des policiers et un juge dans l’exercice de leurs fonctions, La Régression nous raconte l’histoire de plusieurs destins qui se croisent, sans jamais se rencontrer. Alors qu’il vient porter plainte pour le vol d’une paire de baskets qu’il avait lui même tenté de voler (un comble!), un jeune de banlieue se retrouve en garde à vue qui amènera, suite à l’enquète, à l’arrestation de certains de ses complices pour recèle de téléphones portables.

Une tranche de vie de quartier comme on en lit souvent dans les journaux. Sauf qu’ici, c’est plus l’incommunicabilité entre les êtres que ce simple fait divers qui intéresse William Henne. Entre narration séquentielle et texte illustré, les auteurs ont trouvé la forme idéale pour ce récit choral, dans lequel les personnages secondaires ont toute leur importance. Olislaeger nous démontre ici qu’il a plusieurs cordes à son arc, abandonnant son graphisme stylisé pour un trait brut plus réaliste, qui convient parfaitement à cette chronique urbaine.

Grotesk, retour à l’anormal – Olivier Texier (Même Pas Mal, 2013)

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Olivier Texier est un cas à part. Découvert dans les pages du Psikopat, je n’ai pas de suite adhéré à son univers déviant qui semble relever du cas clinique. Sondeur de nos angoisses les plus profondes et nos obsessions les plus inavouables, lire du Texier n’est pas sans conséquences. Toutefois, c’est en cela que les artistes de cette trempe sont indispensables : il nous mettent dans nos retranchements, nous obligent à sortir de notre zone de confort. Et c’est tout ce qu’on mérite.

Son humour noir et sans tabous ne flirte pas avec le mauvais goût, il y plonge carrément, jusqu’à l’absurde. Avec son réalisme tremblotant et son noir et blanc tranchant, Texier dresse un improbable bestiaire qui évolue dans des décors minimalistes. Un monde étrange qui dans le fond, n’est pas si éloigné du nôtre… En un gag de quatre cases par page, Grotesk, sous titré « retour à l’anormal », est un concentré de son art déjanté. A consommer avec modération.


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