Comme quoi, la 3ème version de Lapin voyait juste en misant sur cette nouvelle génération d’auteurs plus que prometteurs, les Benjamin Adam, Simon Hureau, Geneviève Castrée, Benjamin Zafra et beaucoup d’autres. Sans oublier El Don Guillermo, qui avec son jumeau Estocafish ont crée la structure Misma et sa chouette revue Dopututto Max.
Ce Dame un beso (pas besoin de traduire) regroupe les huit chapitres parus dès 2009 dans Lapin (du n° 37 au 44). [Une première histoire intitulée Dame un Beso (avec les mêmes protagonistes) fut éditée en 2006 dans le Ferraille 27. Quatre planches avec de chouettes couleurs qui feraient presque regretter cette belle édition en brun-sépia et blanc.] Toutefois, El Don Guillermo ne fait pas que compiler les épisodes. Il prolonge son histoire sur plus d’une centaine de pages, aboutissant ainsi à un récit complet, bien plus dense que ne le laissaient penser les premières lectures. Il remercie d’ailleurs JC Menu : «…dont l’engouement pour ce projet m’a réellement motivé à avancer ».
Deux jeunes hommes retournent sur leur lieu de vacances d’enfance en Catalogne. L’odeur catalane, le bord de mer ensoleillé et le goût de la San Miguel leur évoquent de vieux souvenirs, certains liés à leur premier flirt commun avec Cristina, une jeune autochtone. Après une première nuit sur la plage, ils sont surpris de trouver la belle espagnole blottie dans leur bras. S’en suit alors la vie de bohème du trio (qui vit au jour le jour, squattant dans une maison de vacance abandonnée), accompagné d’un personnage qui a toute son importance : le chien.
On suit tout ce petit monde dans un périple en temps réel, découvrant au fil du récit les liens qui les unissent. C’est parfois long, flottant, mais on se laisse prendre par le rythme contemplatif de la narration, la sensualité des dessins et cette histoire d’amour qui s’avère plus allégorique que réaliste. Cristina existe-t-elle vraiment ou n’est -t-elle qu’un fantasme partagé, un souvenir qui s’émissent dans leur présent ? Au fond, ça ne change pas grand chose dans ce qui se joue entre les deux garçons. Ce qui devait être un temps d’insouciance (des vacances entre amis) devient une sorte de rite de passage, une étape marquante faite de petits deuils et de grands espoirs.
Il faut du temps pour apprécier son graphisme stylisé, qui s’avère bien plus subtil qu’il n’y parait avec ces lignes absentes, ces nez en accent circonflexe et cette richesse de motifs qui flirtent parfois vers l’abstraction. Ses traits évoquent les formes plus qu’ils ne les expliquent. En parfaite adéquation avec la teneur symbolique du récit.
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