La collection carrément porte bien son nom. Un format solide. Il faut bien ça pour recueillir du Willem. Ce petit pavé édité en 2003 regroupe tous ses dessins parus dans Libération et Charlie Hebdo entre 2002 et 2003. Un condensé de brut, d’essence de térébenthine, regroupant ses impressions et réflexions lapidaires.
Heureusement que l’ami Willem est toujours là pour nous renvoyer en pleine face toute l’absurdité de notre condition de pauvres cons, la débilité des puissants qui n’ont aucune conscience de la condition humaine. Il rend surtout compte de l’absurdité de l’Histoire qui, de part l’amnésie des Hommes, ne fait que se répéter. Car aussi trash soit-il, Willem n’invente rien. Il retranscrit avec son regard acéré, son indépendance d’esprit, sa sensibilité sans concessions toutes les absurdités du monde des vivants. Il énonce et dénonce les comportements déviants et pour toujours inacceptables des barbares, des obscures, des fondamentalistes…
Dans ce Destruction Massive, il focalise sur la deuxième Guerre du Golfe, ses acteurs, ses enjeux, ses conséquences… Pas de quoi rire. Et c’est justement pour ça que Willem est indispensable. Pour qu’on puisse rire de ces horreurs quotidiennes, de ces images obscènes véhiculés par les médias audiovisuels avides de sensations fortes . Un rire acide, noir, parfois désespéré, mais salvateur. Même ses dessins les plus obscènes sont loin de pouvoir retranscrire les horreurs de nos contemporains.
Alors que le World Trade Center fume encore, que les noms d’al-Qaida et Ben Laden sont sur toutes les lèvres, Bush junior lui, veut attaquer l’Irak de Saddam Hussein, au nom de la liberté et de la lutte contre le terrorisme. Mais surtout par intérêts économiques. Personne n’est dupe et on peut compter sur Willem pour nous démontrer le caractère Ubuesque de la situation. Car quoi de plus Ubuesque que de déclarer la guerre au nom de la paix.
Cet album est le compte rendu d’une remarquable performance d’auteur. Dessiner tous les jours, en réponse à l’actualité, n’est pas un exercice facile, et relève d’une réelle démarche journalistique : transcrire les événements dans leur contexte, tout en les mettant en perspective (historique, politique…). D’un autre coté, cet album peut se lire en dehors du contexte dans lequel il a pris naissance. C’est le témoignage directe d’une période contemporaine qui, avec le temps, devient trace historique. Relire ces dessins plus de dix ans après leur publication nous permet d’avoir une vision d’ensemble, de faire des liens, des corrélations entre les tenants et aboutissants (géopolitiques, économiques…) de cette deuxième guerre du golfe (le prétexte idéologique, les fameuses armes de destruction massive, l’inévitable soutien de l’Angleterre, les intérêts pétroliers…).
Illustrateur reconnu, Willem est avant tout un dessinateur de bande dessinée (qui a sorti pas moins d’une quarantaine d’albums). Même dans ses illustrations, on trouve des séquences, des phylactères et des dialogues. Si son trait expressionniste (cette ligne claire pervertie de l’intérieur) et ses figures monstrueuses (à base de porno-gore-scato façon Panique) racontent déjà beaucoup, Willem n’est pas avare de mots (même avec des fautes d’orthographe comme à ses débuts !). Ses répliques sont cinglantes et apportent un parfait contre-point humoristique aux motifs souvent ignobles de ses dessins.
Willem est l’un des derniers de son espèce. Ce qui le rend d’autant plus précieux !
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