En planque afin d’échapper à la cour martiale pour désertion, Paul n’en peut plus de rester enfermé à ne rien faire (donc picoler). Sa femme Louise lui soumet alors l’idée de se travestir, pour enfin sortir, travailler et profiter de la vie. D’un amusant subterfuge, Paul s’enferme insidieusement dans cette nouvelle identité, qui l’emmènera vers des mœurs de plus en plus dépravées. Traumatisé par les horreurs de la guerre, déserteur menacé de peloton d’exécution, Paul ne trouvera d’échappatoire que sous les traits de Suzanne, au risque d’y perdre la raison, et sa femme.
J’apprécie le ton juste du récit, qui jamais ne tombe dans l’étude de cas clinique. L’approche de Chloé Cruchaudet est sensible, impressionniste. Un graphisme vif, précis dans les intentions et les mouvements. Les visages sont expressifs, très vivant, à la manière des acteurs de slapstick de la même époque. Les teintes gris-sépia ajoute au décorum « années folles » et ne laissent transparaître qu’une seule couleur, le rouge (symbolisant la passion et sang, l’éros et le thanatos). Inspirée de faits réels, l’auteure décrit les événements de manière opératoire et chronologique (la rencontre, la guerre, le retour, la transformation…) et s’attache surtout à transcrire les sentiments de ses personnages, leurs émotions parfois destructrices. Les scènes de procès qui entrecoupent le récit (et l’inscrivent au temps présent) annoncent une fin tragique à cette histoire d’amour.
Je suis toujours un peu méfiant quand un album fait l’unanimité, emballe la critique, le public et reçoit de nombreux prix (dont un à Angoulême 2014). Cependant, Mauvais genre n’usurpe pas son succès, tant Chloé Cruchaudet mélange subtilement les genres (historique, romance, humour, chronique sociale…) et aborde, sans pathos ni moraline, les thèmes sensibles du transgenre et du trouble de la personnalité, rarement explorés en bande dessinée.
ML m’avait offert ce one shot à sa sortie, sans savoir par contre tous les avis positifs qui l’entourait. Le sujet et le graphisme lui avait plu et pensait que ça me plairait également. En main, comme toi, j’y suis allé avec méfiance vu que j’en avais pour ma part entendu que du bien et de partout, même d’une presse qui ne parle habituellement jamais de BD. Au final, je partage exactement le même avis que toi. Cette BD est en effet aussi bonne que ta critique. Je t’embrasse fort !