Charles Forsman nous démontre qu’il n’est pas nécessaire d’inventer un scénario original et « jamais vu » pour rendre un album passionnant. L’histoire de Celebrated Summer n’a à priori rien de stimulant et repose sur un postulat mainte fois exploité : alors qu’il glande dans sa vie et durant ses vacances, un jeune homme obèse et légèrement associable du nom de Wolf, qui vit seul avec sa grand mère, part pour le bord de mer avec son pote Mike. Un road movie à base de trips d’acide et d’arrêts pipi, qui ne les mènera nulle part, si ce n’est à leur point de départ. La journée insignifiante de personnes insignifiantes en somme.
Qu’est-ce qui rend ce récit passionnant alors ? Et bien, c’est l’ambiance générale qui s’en dégage. Cet entre-deux permanent propre à cette ingrate période de l’adolescence, fait d’envies de fuites et de besoins de repères, où tout est possible mais rien n’est faisable, tant les casseroles à porter et cet impitoyable principe de réalité bloquent tout. Ces deux compères (des « potes de galères » pourrait-on dire) ne fuient pas autre chose que leur propre existence.
Une mise en page subtile qui accentue cette impression de flottement, de temps suspendu dans lequel évoluent les protagonistes, autant à cause de leur statut d’adolescent que des stupéfiants qu’ils ingurgitent. Forsman décrit sans chercher à expliquer ni justifier les motivations de ses personnages. Il se contente de nous raconter sur un mode descriptif (et parfois de manière explicite les effets hallucinogènes des drogues) la dérive, tant comportementale que psychologique, de ces deux jeunes garçons mal dans leur peau.
Son graphisme épuré va à l’essentiel et ne s’encombre pas de détails qui pourrait parasiter la fluidité du récit. Wolf, sorte de Charlie Brown punk et obèse, est un être sensible (trop sûrement), nostalgique d’une enfance déjà révolue, incapable d’avancer dans sa vie. « Je donnerais tout pour ne plus avoir peur », dit-il en dernière case. Un état qui n’est étranger à personne.
Un bel album des éditions Cambourakis qui nous offrent en supplément un fac-similé de la première (non-)aventure de Wolf. Un petit fascicule dans lequel on découvre certains éléments à l’origine de son mal être. Ce qui le rend d’autant plus attachant.
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