Les éditions Petit à Petit n’existent plus. Dommage, le catalogue de cette maison indépendante normande était d’une richesse et d’une variété incroyables, tout en faisant preuve d’une rare cohérence. Des livres de très belle facture, bandes dessinées, romans ou livres jeunesses, aux formes diverses, alternants adaptations et créations, planches traditionnelles, récits illustrés ou expérimentations narratives et esthétiques…
Ils ont su développer des collections qui sont rapidement devenues des références, maintes fois copiées. La plus emblématique a ouvert la voie aux adaptations littéraires en bande dessinée. Poèmes, contes et légendes, mais surtout chansons d’un auteur choisi (la liste est longue). Autre spécialité de la maison Darnétalaise : les ouvrages collectifs, qui sentent bon la collaboration fructueuse. A l’image de leur dernière collection, qui s’attarde sur le parcours d’un musicien ou d’un groupe emblématique de la culture rock (Nirvana, The Clash, Jimi Hendrix, The Rolling Stones…). Une diversité de style (un dessinateur par chapitre) comme autant de points de vue complémentaires sur le sujet. Chaque collectif fait preuve d’une belle cohésion formelle et met en valeur (parfois en perspective) l’œuvre ou l’auteur abordés.
Petit à Petit aura tracé son petit bonhomme de chemin, tranquillement, en étoffant son catalogue de manière pertinente, en déclinant les thématiques sans se répéter, ni miser sur des albums à gros tirages d’auteurs « bankables » (on retrouve tout de même du beau monde avec Alfred, Olivier Ka, Patrick Jusseaume, Efix…). Seule maigre consolation, on trouve maintenant les albums Petit à Petit dans les bacs à soldes et autres magasins à 2 euros… Ca fait un peu rapace, mais d’un autre côté, je préfère voir un catalogue vendu au rabais plutôt qu’il parte au pilon.
Aussi, je ne vais pas bouder le plaisir de m’être procuré ce merveilleux conte d’Olivier Ka, illustré par Jean-Denis Pendanx. Ti-Grô et le Mamoumouth nous narre les aventures d’un jeune néandertalien qui devra lutter pour imposer sa passion aux siens : de dessin. Car plutôt que de l’aller chasser avec son père et son frère, il préfère apprendre le dessin auprès de leurs voisins les cro-magnons. Seulement voilà, il buttera sur Pa-Grô qui trouve inutile de dessiner et pour qui seule compte la chasse pour la survie de l’espèce. Heureusement pour lui, le Mamoumouh va changer la donne.
Les grandes compositions aux couleurs chaudes et contrastées de Pendanx (gouache appliquée sur papier noir) sont d’une belle intensité, allant à l’essentiel sans s’éparpiller dans une surenchère de détails. Son trait humoristique et expressif donne à ses personnages des trognes sympathiques. S’il s’appuie sur des vérités surement historiques (ce sont les cro-magnons qui ont crée l’art rupestre), Olivier Ka s’accorde toute les libertés narratives (ils peignent sur des peaux de bêtes qu’ils accrochent comme des tableaux) pour véhiculer la morale de son histoire : sans l’art l’homme ne serait qu’un animal.
La maîtrise du dessin est une invention tout aussi fondamentale pour l’humanité que la roue. Une nouvelle manière d’appréhender le réel, de maitriser son environnement et surtout, développer son imaginaire, sa créativité. D’où l’aspect magique du dessin, sa puissance d’évocation peut être aussi forte que la réalité. Ce que symbolise le Mamoumouth. Une chouette parabole sur cette éternelle question de l’utilité de l’Art…
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