Archives pour mars 2014

Chronique K.BD – Alack Sinner

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Difficile d’aborder la bande dessinée argentine sans évoquer messieurs Muñoz et Sampayo, les plus européens des auteurs argentins, mondialement reconnus comme ambassadeurs essentiels du Neuvième Art. Dès leurs débuts, Muñoz et Sampayo ont contribué à faire grandir la bande dessinée, l’emmenant vers des thématiques plus adultes (politique, rapports sociaux, amours et sexualité…), redonnant ses lettres de noblesse au noir et blanc pur. A ce titre, Alack Sinner est leur œuvre la plus emblématique.

Une synthèse faite « por yo mismo »

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I Am Not Afraid Of You And I Will Beat Your Ass – Yo La Tengo (Matador, 2006)

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Archétype même du groupe indépendant (espèce en voie de disparition), Yo La Tengo trace son sillon à part des modes musicales depuis 30 ans maintenant. A l’instar de leurs amis les Sonic Youth, Yo La Tengo est avant tout le projet d’un couple, Ira Kaplan (guitare et chant) et Georgia Hubley (batterie et chant), auquel se joint le bassiste et chanteur James McNew, ainsi qu’une kyrielle d’instrumentistes.

Prolifique et variée, la discographie du trio ne cesse de s’étoffer, nous proposant un nouvel album tous les deux-trois ans en moyenne. Loin de connaitre toutes leurs œuvres, je peux tout de même affirmer que leur production ne souffre d’aucune impression de redite. Ils génèrent une variété incroyable de rythmes et d’ambiances sans jamais perdre en cohérence. A l’image de ce superbe I Am Not Afraid Of You And I Will Beat Your Ass (quel titre !), sorti en 2006. Une merveille.

Tout y est, la puissance du rock noïsy (Pass the hatchet, I think I’m goodking), la légèreté de la pop harmonique (Sometimes I don’t get you, The weakest part), la transe des rythmes tribaux (The room got heavy), la subtilité des arrangements de cuivres et de cordes (Beanbag chair), la plénitude de l’easy-listing (Song for Mahila, I feel like going home) flirtant parfois vers l’ambiant (Daphnia)… Sans oublier de pures perles typiquement « Yo-la-tengocienne » (The race is on again).

Une variété de matières sonores, allant du séminal « guitare-basse-batterie au chant punk » (I should have know better), aux tessitures pop paisibles (Black Flowers). Le tout rehaussé de superbes harmoniques de voix, sachant que les trois compères chantent, parfois même en voie de tête. Une richesse musicale aux influences maitrisées (entre Beatles, Doors, Jefferson Airplane, New Order ou Sonic Youth), partant des sixties (le rock’n’rollien Watch out for me Ronnie, le très Soul Mr Tough…) pour atterrir au 21ème siècle. Car cet album est bien de notre temps…

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Chronique K.BD – Spaghetti Brothers

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L’Argentine est à l’honneur ce mois ci sur K.BD. Cinq dimanches pour rendre compte de la richesse et la diversité de sa bande dessinée. Des grands anciens à la nouvelle génération, des humoristiques aux réalistes, des séries de premier plan ou de second ordre, la production argentine ne faillit pas et réussit à perpétuer son savoir faire unique. A l’image de Trillo et Mandrafina qui, avec leur saga Spaghetti Brothers, s’inscrivent dans la tradition, tout en apportant un nouveau souffle à la bédé « made in Argentina ».

Une synthèse de Brother Champi.

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Alack Sinner / Nicaragua – Muñoz & Sampayo (Casterman, 1988)

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Les trois albums que j’ai lu font parti des quatre contenus dans le deuxième volume de l’intégrale sortie en 2007, intitulé L’âge des désenchantements. Ce titre correspond tout à fait à l’idée que je peux me faire du personnage. Commencer par le désenchantement plutôt que par « l’innocence » d’Alack Sinner ne pose pas de problème en soi. Découvrir sa personnalité plutôt que ses faits d’armes m’intéresse bien plus. Car Alack est un héros qui évolue, vieillissant au fil des années et des albums (voire des cases du même album). En même temps que ses créateurs d’ailleurs qui, tel Hitchcock, n’hésitent pas à se mettre en scène à chaque épisode (à nous de les retrouver !), comme pour marquer leur présence et rendre compte de leur propre évolution (philosophique, esthétique…) à travers leur œuvre.

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Dans l’album Nicaragua, Alack Sinner trempe dans le milieu de la politique internationale. Charger par un membre de l’ONU d’enquêter sur un éventuel attentat à l’encontre du premier ministre par des rebelles Sandinistes du Nicaragua, il semble plus préoccupé par ses petits tracas de l’intime que par son enquête dans le monde diplomatique. Ayant la garde partagée de sa fille, on découvre un personnage complexe, en quête de bonheurs simples. Amours, amitiés, paternité, ses aspirations s’opposent à l’univers dans lequel il baigne. Plus passif qu’actif, il se désintéresse des affaires, se laissant ballotter par les événements, sans jamais prendre la main. Pour résumer, cet ancien flic devenu détective privé, abandonne les affaires des autres, voire politiques (donc publiques) pour revenir à ses propres « histoires privées ».

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Une tendance qui se confirmera dans les épisodes suivants. Car au fil des albums, ses enquêtes deviennent secondaires, au profit de ses états d’âmes et de ses préoccupations personnelles. Dans La fin d’un voyage, il parcours l’Amérique pour retrouver l’amour de sa vie, Sophie. Durant ce périple, il deviendra un témoin indirect d’événements dramatiques survenant aux personnes qu’il croise (dont un dessinateur de bande dessinée – au traits de Muñoz lui-même – qui veut régler ses comptes avec un plagiaire). Histoires privées porte très bien son nom, puisse que Sinner, devenu chauffeur de taxi new-yorkais, doit enquêter sur un meurtre soi-disant commis par sa fille Cheryl.

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De cette façon, Muñoz et Sampayo apportent un renouveau dans la bande dessinée policière. Plutôt que de dérouler l’intrigue du point de vue exclusif de l’enquêteur, ils parsèment des éléments importants de l’enquête de diverses manières (coupures de journaux, écrans de télévision, dialogues de second plan…), nous amenant à en prendre connaissance en même temps que Sinner (voire avant lui). Par exemple, dans Nicaragua, nous découvrons les tenants et aboutissants de l’affaire diplomatique qui se trame entre le Nicaragua et ses pays voisins (État Unis, Argentine et Honduras) alors qu’ils sont contés par les marionnettes d’un théâtre de guignols – spectacle auquel assiste Sinner et sa fille, le rendant ainsi spectateur des événements. On se demande même d’ailleurs s’il comprend bien tout ce qui se passe. Les auteurs privilégient la dimension existentialiste et intimiste de leur personnage, plutôt que d’en décrire les actes de manière opératoire.

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Sampayo a cette faculté particulière d’égarer le récit, d’aller vers d’autres personnages (les tenants de l’intrigue ou de parfaits inconnus), nous permettant de découvrir ce qu’ils pensent (parfois en espagnol, bonne idée du traducteur Dominique Grange), qui n’a souvent aucun rapport direct avec l’histoire. Ce qui pourrait parasiter la lecture sert en fait de décorum, une façon de rendre compte des mentalités de l’époque. Et toujours cette idée de confronter des événements sociaux aux préoccupations individuelles.

Muñoz donne l’impression de dessiner comme certains écrivent : à la va-vite. Il faut scruter, décrypter ses dessins pour en capter le sens, tout comme on le ferait pour comprendre une lettre mal écrite, en saisissant certains mots-clés. Au bout d’un moment, on comprend le sens sans forcément en saisir toutes les formes. Comme pour toute calligraphie, c’est dans les imperfections que l’on découvre la personnalité de l’auteur. Et Muñoz n’en manque pas, de personnalité.

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Proche d’une écriture automatique, il semble se laisser aller à ses délires graphiques pour représenter les figures. Certains de ses personnages relèvent de la cour des miracles. Il dessine l’urbanité maladive comme personne. Un trait vif générant des formes expressives, flirtant parfois vers l’abstraction. Ce qui développe un étrange rapport entre signifiant et signifié, entre ce qui est dessiné et ce que cela représente. Tout comme son maître Pratt (dont il était l’élève à la Escuela Panamericana de Arte de Buenos Aires), Muñoz est plus préoccupé par sa propre vérité que de « faire vrai ». Même si avec le temps, son trait s’est assagi, devenant plus précis dans ses intentions. Tout en conservant cette puissance du noir et blanc pur et contrasté. La solidité du découpage et de la technique narrative, jointe à la profonde humanité des personnages, en font une œuvre à part.

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Fanzine zone #2

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Le sympathique et généreux Mael Rannou est un fervent défenseur de la small press. Aussi bien conservateur que créateur de fanzines, on retrouve sa plume, tout aussi affutée que son œil, dans les pages des webzines 1 fanzine par jour ou Du9. C’est après s’être découvert un intérêt commun pour Imagex, que j’ai fait la connaissance de ce passionné d’auteurs « à la marge », un érudit en matière de bandes dessinées autres, non formatées, sortant des carcans du « mainstream ». Faisant volontiers tribune à des auteurs, séries ou périodiques qui souffrent d’un flagrant déficit d’image et d’intérêt (et pourtant !). Chroniqueur, scénariste, éditeur, rédacteur en chef mais également dessinateur, Maël cumule les casquettes sans pour autant perdre en cohérence. Je lui commande sur son site deux numéros de son chouette fanzine Gorgonzola (nominé mais malheureusement pas primé cette année à Angoulême !) dont le dernier en date comporte un dossier complet (au moins un tiers du fanzine) sur un auteur rare et singulier : Jean Beguin, alias Poirier, le créateur d’Horace et Supermatou, qui a fait la joie des lecteurs de Pif gadget, dont je fait parti (autre point commun avec Maël). Un dossier fait d’interviews (de collaborateurs et amis de Poirier), de fragments d’une étude stylistiques, d’une biographie complète, de dessins inédits et d’hommages rendus à ce grand artiste qui aura influencé un très grand nombre d’auteurs contemporains. Le reste de ce Gorgonzola 19 est essentiellement composé de bandes d’auteurs de grandes qualités (Vincent Lefebvre, LL de Mars, Marko Turunen, Victor Hussenot…) dont quatre planches inédites d’Imagex. On retrouve dans le numéro 14 les excellents Fafé, Simon Hureau, Benoît Guillaume, Lionel Richerand, Gilles Rochier, Thiriet, Emmanuel Reuzé, jean Bourguignon, Marko Turunen… Tout de bon !

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En bonus, Maël m’offre les deux premiers numéros de Ceci est mon corps (le troisième vient de sortir). Je découvre grâce à lui une catégorie de fanzine toute personnelle, que l’on nomme les égozines (pas étonnant qu’il dédie ses deux numéros respectivement à Mattt Konture et Julie Doucet, auteurs de l’égo devant l’éternel). Un fanzine non pas exclusivement réalisée par la même personne (on peut trouver plusieurs auteurs au sommaire) mais possédant un unique et exclusif sujet : l’auteur-créateur du fanzine lui-même. D’où ce titre on-ne-peut plus explicite et justifié. Car loin de se prendre pour le nouveau messie du Do It Yourself, il n’hésite pas à inviter des collègues et amis pour enrichir les points de vue et ainsi apporter une certaine objectivité sur le sujet. Maël se raconte sous toutes les coutures avec une authentique sincérité, à l’image de ses dessins maladroits et pourtant parfaitement maitrisés.

L’impression d’un projet inintéressant et stérile disparait rapidement face à cette authentique démarche d’auteur. Bernard Joubert l’explique parfaitement en préface du deuxième volet : « La BD comme une écriture, ni art ni littérature ni industrie […] Un égozine produit sur moi l’effet d’une rencontre amicale. Un ami me raconte les derniers événements de sa vie. Si je connais l’auteur, ça fonctionne sans coup férir. Si je ne le connais pas, ça m’en donne malgré tout l’illusion. Cette impression de proximité ne se produit pas quand la même chose est imprimée pour un large public ».

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Preuve s’il en est que la découverte d’un fanzine se fait souvent par la rencontre avec l’un de ses créateurs. C’est en discutant avec Patrick Grée (libraire vraiment sympathique de la librairie Polis de Rouen), autour d’une exposition des planches d’Anthony Pastor (Las Rosas et Castilla Drive), que j’apprends l’existence de ce fanzine seino-marin qui a connu son heure de gloire à la fin des années 80 (ayant reçu l’Alph’Art Fanzine en 1989). Sorti peu de temps après le remarquable BDétritus, Café Noir possède un aspect bien plus pro. Papier glacé, maquette maitrisée, invités de premier ordre, articles érudits, auteurs maisons de grande qualité, Café Noir est donc ce que l’on nomme un prozine, spécialisé dans le polar et la bédé, qui aurait mérité une plus grande longévité. Ce troisième numéro comprend des chroniques régulières d’albums ou de romans de genre (rédigées par Patrick), des interviews (pour ce troisième numéro : Pierre Christin, Jacques Ferrandez ou Jean Vautrin), un dossier sur les scénaristes et bien entendu, des histoires par la bande (noires et parfois fantastiques). Si certaines fleurent bon l’amateurisme, la plupart font preuve d’une grande maitrise et n’ont pas à rougir face à la production de l’époque (mentions spéciales à Pinelli dont le style se situe entre Duveaux et Schultheiss ou JP Réguer, qui évoque un croisement entre Goossens et Alexis).

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Quand je trouve des numéros de BDétritus, je les prends. Même si je les ai déjà. Car ce fanzine m’a ouvert à cette autre bande dessinée, faite par passion et non pour le pognon. Découvert lors de mon premier festival bd (à Yainville en 1987), dont la mascotte était Smurgle le furoncle, l’un des personnages loufoques du dessinateur Ol, BDétritus possède la forme classique d’une revue de bande dessinée : alternance de chroniques d’albums (et de disques), gazette d’informations, interviews (de Druillet, Delporte ou Vatine & Cailleteau) et planches d’auteurs maisons (le génial Turlan, Covello et Fred Duval avec leurs histoires expressionnistes dignes des contes de la crypte, le style destroy de Girard ou les planches sous forte influence « muñozienne » de Izquierdo). Si certains, dont Fred Duval ou Christophe Dépinay dans une moindre mesure, font toujours parti du paysage bédé actuel, bon nombres de ces dessinateurs ont disparu de la circulation. Dommage car certains (Turlan ou Ol, entre autres) possédaient d’indéniables qualités.

 


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