La nuit des rapaces (Jeremiah) – Hermann (Dupuis, 1979)

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J’ai longtemps entretenu un mal entendu avec Hermann. Persuadé qu’il n’œuvrait que dans une bande dessinée franco-belge réaliste traditionnelle (étant édité chez Dupuis ou le Lombard, et rapidement devenu un pilier du journal Tintin avec les séries Bernard Prince, Jugurtha ou Comanche), je ne l’avais jamais perçu comme un auteur de bd « adulte ». Je me fourvoyais bien sur, et ai compris mon erreur bien plus tard, quand j’ai découvert qu’il apparaissait dans les pages de Metal Hurlant avec La nuit des rapaces, premier acte de la série Jeremiah. Car au delà du récit d’aventure, se cache un discours politique très proche des préoccupations sociales de son époque, difficiles à cerner lorsqu’on est trop jeune, mais qui nous saute aux yeux à la relecture.

C’est d’ailleurs pour s’émanciper de cette bd traditionnelle (souvent scénarisé par Greg) qu’Hermann crée Jeremiah. Dans ce premier épisode, Hermann pose les jalons d’une saga qui perdure encore, dans la quelle il abordera des thèmes qui lui tiennent à cœur : la violence des hommes, la critique des institutions politiques, religieuses ou scientifiques, l’amour et la sexualité… Car Hermann est un révolté, qui ne supporte ni l’injustice, ni la violence gratuite.

Une première page qui présente de manière magistrale les tensions sociales et raciales qui conduiront à la fin du monde moderne. De manière très synthétique, Hermann raconte l’apocalypse à l’échelle mondiale, pour recentrer son récit dès la deuxième page sur un groupe de survivant. Un travelling temporel qui passe de l’universel à l’anecdotique, en seulement cinq cases.

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Hermann décide de nous raconter l’après fin du monde du point de vue du jeune Jeremiah (lui-même ?), un ingénu qui apprendra à ses dépends (et ceux de sa famille) que l’homme est un loup pour l’homme. Que lorsque la civilisation disparaît, la bête humaine reprend le dessus. Une nouvelle humanité qui vit sur les trace de l’ancien monde, régit par la loi du plus fort. De fait, on retrouve une ambiance et un décorum très Western : contrées désertiques, cow-boys armés, loi du talion… Le graphisme puissant d’Hermann (soutenu par l’usage de la couleur directe) fait des merveilles. Les corps sont physiques, charnels, dynamiques, les visages expressifs. Il n’a pas son pareil pour dresser des ambiances crépusculaires.

Seul survivant du massacre de son village, le jeune Jeremiah est aveuglé par un unique et obsessionnel sentiment de vengeance. Heureusement pour lui, il croisera la route de Kurdy qui l’aidera dans sa quête (retrouver Mr Birmingham, le responsable de la tuerie). Ce premier épisode est surtout l’histoire de la rencontre des deux acolytes, qui passerons le reste de leur temps (et de la série) à se sauver mutuellement la vie. Malgré les apparences, Hermann n’est pas un pessimiste, persuadé que certaines valeurs humaines demeurerons toujours plus fortes que la barbarie. L’amitié en est une, fondamentale.

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Hermann Huppen

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