Depuis son coup de maître Silence, Comès ancre ses histoires dans sa Wallonie natale. La belette ne déroge pas à la règle. Comès y confronte les mœurs et traditions séculaires à la modernité urbaine. Un couple de citadins (et leur enfant autiste) s’installent dans la campagne profonde et se confronte rapidement aux villageois qui, pour la plupart, se comportent bien étrangement. Malgré un sentiment de persécution et de nombreuses morts inexpliquées, l’héroïne trouvera sa place grâce à la belette, une jeune femme mystérieuse qui, avec son père, vouent un culte à la Déesse Déméter. S’écartant de plus en plus d’un mari égoïste et carriériste, elle décide de rester dans le village d’Amercoeur pour ainsi prendre la relève de la belette…
Le récit repose sur les oppositions : rîtes païens à la Déesse Mère contre religion catholique vouant son culte au Dieu unique (et craint). Opposition entre pulsions de vie incarnées par la mère enceinte et pulsions de mort représentées par le curé sanguinaire. Les mentalités étriqués et la précarité culturelle des uns (qui cèdent à la jalousie et la convoitise) font face au idées progressistes des autres, en particulier l’émancipation des femmes (les deux seules présentes sont des femmes fortes et indépendantes !). Le lourd héritage de la guerre est aussi présent, incarné par le Boche qui, tout comme la famille de citadins, suscite la peur chez les autochtones. Peur de l’étranger, peur de ce qui est différent (autisme, rites païens…)
Le graphisme de Comès joue de ce contraste fort du noir et blanc strict. Influencé par Pratt, Tardi ou Munoz, il possède toutefois une forte personnalité. Aucunes droites, toutes les lignes sont courbes, flottantes. Cette impression de fait à la main levée confère un charme particulier à l’esthétique de Comès. La stylisation de ses figures également (les citadins ressemblent à des elfes). Ces trognes de villageois (le voisin, le curé…), à la limite de la caricature, sont impeccables.
Ode à la nature, aux richesses insoupçonnées de la terre face aux comportements inconscients et destructeurs de l’être humain, La belette est un récit à part, envoûtant, parfois dérangeant, mais jusqu’au bout fascinant.
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