J’ai commencé la lecture de cet album avec je l’avoue, une certaine appréhension, due en particulier à cette couverture digne d’un mauvais roman de gare. Définir Las Rosas comme un « Western tortilla à l’eau de rose » n’a à priori rien d’heureux. Mais faisons confiance à Thierry Groensteen, qui assure que « Las Rosas est un récit touffu qui se déguste lentement, un roman graphique choral et fascinant ; assurément l’œuvre d’un grand auteur désormais en pleine possession de ses moyens. »
En effet, Anthony Pastor nous raconte un ensemble de petites histoires qui s’entrecroisent et se complètent. Bien que nous commençons par faire la connaissance de la jeune Rosa – une fille de la ville, protégée du bon flic Flecha, qui doit se cacher d’un mec violent – on se rend vite compte que le personnage principal est Las Rosas, un village en bordure du désert, constitué exclusivement de femmes paumées et laissées pour compte. Un lieu de transite pour certaines, un pied à terre pour d’autres. Toutes sous la protection du bienveillant Florentino Flecha.
Le scénario n’a rien de véritablement attrayant. On n’imagine même pas ce que cela pourrait donner en film, ou pire, en série télé. Cependant, c’est avec ce type d’ouvrage qu’on se rend compte de la richesse du médium bande dessinée. A savoir rendre passionnant un récit très plan-plan (voire cul-cul) par un découpage alternant longueurs et ellipses, un développement narratif générant un rythme linéaire et soutenu à la fois. L’implication du lecteur est ici plus que favorisée. A nous d’imaginer les voix des personnages, leurs dynamismes, leurs failles, leurs secrets… Ce qui génère une complicité particulière et favorise une identification forte. On se reconnaît un peu dans tous ces personnages : le placide Flecha, la rebelle Rosa, la mystérieuse Marisol, la naïve yoli, le salaud Pedro Cuervo…
Le graphisme de Pastor est un régal. Par ce trait vif, direct et précis, ce travail des volumes jouant du clair-obscur, il arrive à donner une ampleur à ses personnages, un charisme qui les rend immédiatement identifiable. On se prend d’affection pour ces personnages aux gueules burinées, tannées par le soleil et les coups durs de la vie. On a envie de partager du temps avec eux. C’est la force de cet album : une virtuosité graphique au service d’une histoire à forte teneur émotionnelle, abordant l’air de rien les thèmes de la filiation, de la quête identitaire, de la rédemption…
Anthony Pastor vient de sortir un nouvel album, Castilla Drive, qui s’annonce aussi bon. Un auteur à suivre.
Je l’ai emprunté à la bibliothèque peu de temps après être passé chez toi. inutile de te dire que j’étais content de tomber dessus.Je te trouve sévère sur le scénario, mais j’adhère à ce que tu dis sur le graphisme, spontané et parfaitement maitrisé, on peut signaler aussi à quel point cette bd est un pavé. J’admire ces auteurs capables de tenir la distance devant de tel projet.
Dernière publication sur carnet à dessins : Une séance
Heureux de voir que tu ais apprécié mon ami !
Je ne suis pas si sévère que ça vis à vis du scénario, juste précisé que l’histoire est digne d’une fotonovela « à l’eau de rose »… Ce qui n’enlève rien à ses qualités !