Indispensable second couteau de la presse bédé, Solé a laissé sa marque dans toutes les grandes revues de l’époque : Pilote, l’Echo des savanes, Fluide Glacial (dès sa création), Métal Hurlant, (A Suivre) ou Pif Gadget. Bon nombre de ses couvertures sont devenues cultes. Fan absolu de Pop Music (les Beatles surtout), il fut illustrateur à Rock and Folk et a pondu de nombreuses pochettes de disque, pour Marcel Dadi, Richard Gotainer, Guy Béart, Brassens ou Marcel et son Orchestre… mais aussi Hendrix ou Zappa. Des affiches de film aussi (le Père Noêl est une ordure, Et vive la Liberté des Charlots). Il apporte toujours sa contribution à Fluide, avec le retour de Superdupont.
Solé est à l’aise dans tous les genres, se trouvant dans son élément aussi bien du coté des « science-fictionneux » Moebius, Nicollet ou Caza, que des humoristes Gotlib, Mandryka ou Loup. Malgré une forte diversité de techniques et de styles, les dessins de Solé se reconnaissent immédiatement. Par ce trait souple et épais, servant des formes rondes, charnelles. Un graphisme riche et maitrisé dont les principales influences revendiquées sont Crumb, Franquin et Norman Rockwell.
Sorti en 1979, cet album de Solé compile des histoires et illustrations fantastico-loufoques parues à l’époque dans les pages de Pilote. A l’exception d’un gag scénarisé par son ami Gotlib, ce Dérapages ne comprend que ses propres histoires. Tel un Alexis, qui a essentiellement œuvré avec des scénaristes, Solé a collaboré avec du beau monde (Dionnet, Dister, Gotlib, Lob, Vidal…). Cependant, l’un et l’autre (Alexis avec son Avatars et Coquecigrues ou Solé avec ce Dérapages) nous démontrent leur capacité à créer leurs propres univers, partageant cet amour pour un humour absurde et surréaliste.
Un album qui reflète parfaitement l’esprit de son époque : entre réalisme sombre (les pâtes) et psychédélisme hérité des folles sixties (Deux pages (sans sens), comme ça, en passant), humour crétin (la cigarette), chronique sociale (Une vie comme ça…) ou récit autobiographique (L’angoisse de la feuille blanche). Certaines histoires son teintées d’un humour noir digne de Serre ou Franquin (Vol à la tire d’ailes, Drames de la route), quand d’autres allient délires autobiographiques et surnaturels, proches des Scènes de la vie de banlieue de Caza (La tache). Sans oublier son obsession pour les robinets qui goutent, véritable leitmotiv de cet album, à voir comme le symbole de ses nuits blanches… Ses références vont de la culture populaire made in US (Maidine youaissait) à Toulouse Lautrec (A la manière de Lautrec), en passant par Lewis Carroll (Une facétie au poil de Jano Kapluduntour).
« A la question : « Comment te définirais-tu ? », Jean Solé répond simplement : « Comme un fantaisiste ! ». Presque sans hésitation. « Je me rends compte que, depuis le temps, ajoute-t-il, le mot Fantaisiste est ce qui me caractérise le mieux, par son aspect ludique, parce que ça part dans tous les sens. Et que je n’ai jamais eu de plan de carrière vachement sérieux. » (Christian Marmonnier in 33tours/minute avec Jean Solé, My Way n°3, Janvier 2002)
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