Archives pour mai 2012

CRUMB, de l’underground à la Génèse (Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, 2012)

CRUMB, de l'underground à la Génèse (Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris, 2012) dans Evenements culturels 354897crumbaffiche

Crumb au Musée d’Art Moderne de la ville de Paris, y’a comme un décalage… Le pape de l’underground qui a ses entrées dans l’Antre de l’Art Moderne, c’est un peu comme si Iggy Pop devenait officier des Arts et des Lettres ! Aah ? C’est déjà fait ?! Alors, j’ai rien dit…

Bon, foin de sarcasmes. Crumb est un génie, un monstre du dessin qui mérite amplement tous les honneurs, qu’ils soient officiels ou officieux. L’intégralité de son parcours nous est présentée par étapes chronologiques. Soit plus de quarante ans de carrière, jalonnée par pas moins 700 gribouillages. Mr Natural, Fritz, Snoid, Pekar, Buk, Kafka, Zap, Weirdo, Actuel… Personne ne manque à l’appel.

Ce qui caractérise Crumb, et dont on se rend pleinement compte ici, c’est qu’il n’est pas un carriériste. Il n’a jamais cherché à être à la mode. Il a su conserver son intégrité, sans aucuns compromis… Il est libre Robert. Libre de dessiner ce qu’il veut. Même la Genèse…

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Je m’attendais à une exposition moins sage. J’aurai aimé que Crumb explose l’espace bien rangé des salles d’expo. Et à part le festival de couleurs de la grande salle, où l’on trouve une sculpture d’une de ses plantureuses créatures, des portraits d’artistes et les pochettes de disques (dont le mythique dessin original de l’album de Janis Joplin), la majeure partie de sa production nous est présenté de manière classique et linéaire. Rien de spectaculaire ni de tape-à-l’œil, sauf si on sait regarder avec la bonne focale. Car tout est question de focale chez Crumb. La sobriété n’est qu’ambiante, la folie se situe ‘dans’ ses dessins.

Cette expo n’échappe pas cet éternel problème : comment rendre attrayantes des planches de bd ? Quel intérêt de sortir une planche de son contexte ? De l’exposer tel un tableau ? Ces questions n’ont plus de sens quand on se trouve devant les planches et dessins originaux de Crumb…

Mais attention, ne tombons pas dans la sacralisation de l’Original ! Car pour lui, la version imprimée et diffusée EST l’œuvre achevée. C’est pourquoi les planches originales sont accompagnées des revues dans lesquelles elles ont été publiées. L’aspect séquentiel est respecté. On peut donc lire les histoires sur les murs. Cependant, une bande dessinée se lisant plus facilement « à plat », les organisateurs ont mis à disposition des visiteurs une version imprimée à feuilleter en dessous des planches exposées.

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Je ne me lasse pas de la folie de ses mises en pages, de son sens irréprochable de la séquence (il use de nombreuses itérations iconiques), du mouvement. De ses formes tantôt humoristiques, tantôt quasi hyperréalistes. Crumb est un moine copiste, un enlumineur névrosé qui passe les trois quart de son temps à gratter sa feuille. Un obsédé (ça on le savait déjà) du modelé hachuré, du fourmillement de traits, de l’accumulation de détails jusqu’à la saturation, tout en assurant une parfaite lisibilité. Une prouesse d’autant plus grande qu’il dessine sur les formats de publication (albums ou revues). A ce titre, ses planches de la Génèse sont admirables.

Mais ce qui nous a littéralement scotché, avec les amis Bruce et Vidocq, se sont ses portraits. Des femmes, typiquement « Crumbiennes », des artistes connus, des chanteurs inconnus, chaque portrait est une pure merveille d’intensité, de beauté.

Une exposition riche et foisonnante. Un peu trop peut-être, la saturation n’était pas loin sur la fin… Mais une overdose de Crumb, on en redemande !

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The official Crumb site

Sin City – Frank Miller (Vertige Graphic, 1994)

Sin City - Frank Miller (Vertige Graphic, 1994) dans Chroniques BD sincitycouv01

Découvert à l’époque de sa sortie (merci à l’ami Swamps) dans les pages de feu USA Magazine, Sin city a été (est encore) un choc esthétique. Une claque. Par cette manière particulière de triturer le noir et blanc jusque dans ses retranchements. De signifier les formes par le contraste et non par le trait, flirtant ainsi avec l’abstraction. Par cette hallucinante maitrise du procédé négatif-positif…

Dans l’excellent ouvrage Eisner-Miller (chez Rackham), Miller explique : « Quand je reviens sur une page, une fois que j’ai appliqué mes à-plats noirs – parce qu’il n’a pas de trait sur la planche, elle se résume à de grandes étendues noires – les à-plats ont séché et la page est toute neuve. J’ai aussi tendance à travailler plus simplement avec moins de traits, de façon à voir à quels endroits je dois procéder à des retouches. [...] Il m’arrive de laisser la moitié d’une page blanche – juste parce que j’en ai la possibilité – j’adore ça ! Je sais que ça va perturber le lecteur, parce que l’espace est exploité de façon étrange ».

Ses mises en pages sont très souvent déstructurées, disloquées. Comme s’il cherchait par tous les moyens à contenir la rage de ses personnages dans le cadre étroit de la planche. De tenter de les enfermer dans une cage de papier qui s’avère bien inefficace pour canaliser leurs pulsions. Les personnages s’en échappent pour littéralement se jeter sur nous ! Et bien qu’ils soient massifs et lourds, leurs mouvements sont vifs et précis.

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La ville du pêché, qui est suggérée par ses contours plutôt que par des détails méticuleux, est un bas-fond sordide, dans lequel le freak Marv’ rencontre la sublime Goldie. Il n’est pas dupe et sait bien que ce n’est pas amour que la belle s’est jetée dans les bras de la bête, mais pour qu’il la protège. Ce qu’il n’arrivera malheureusement pas à faire. S’en suit alors pour Marv’ une quête effrénée, animée par un exclusif et dévorant sentiment de vengeance.

Rarement le fond et la forme n’auront été en si parfaite adéquation. Miller met la lumière sur la part d’ombre de ses personnages. Car à Sin City, il n’y a pas de bons ou de mauvais. Tous pourris ! Individualistes et idéalistes, les trois héros de la saga n’agissent que dans leurs propres intérêts, assouvissant leurs pulsions destructrices.

Un comics sans super-héros ni super-pouvoirs, nous racontant des histoires sombres de personnes violentes et désabusées. Miller a su remettre au gout du jour le genre hard-boiled avec une telle maestria que vingt ans après, on ne s’en remet toujours pas.

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ANARCHY / Frank Miller

Collection Sin City

Lucien se met au vert – Frank Margerin (Les Humanoïdes Associés, 1989)

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On ne présente plus l’ami Margerin, qui fait la joie des amateurs de rock et de bd depuis une bonne trentaine d’année maintenant.

D’un trait épais, massif, tout en modelé emprunté aux grands de Metal Hurlant (dont il était à l’époque le seul à faire dans l’humour.), au service d’histoires teintées de Science Fiction et d’absurde, Margerin a évolué de manière linéaire vers ce trait simple, ces formes rondes et dynamiques si caractéristiques du style humoristique à « gros nez ».

Adepte d’histoires courtes, avec une chute finale typique au genre, Margerin est petit à petit arrivé à des formats d’histoires plus longues, où l’humour, toujours présent, y est plus subtil, diffus…

Des histoires où il laisse transparaitre sa gentillesse, son affection pour ses personnages (Lucien, Ricky, Nanard, Manu, Momo…) qui se retrouvent dans des situations souvent embarrassantes, mais jamais dramatiques. Observateur pertinent de la Comédie Humaine, Margerin ne tombe jamais dans le cynisme, et arrive à nous faire rire sans une once de méchanceté (excepté peut-être dans l’album Ya plus de jeunesse)

Impossible de déterminer quel serai son meilleur album, il en a fait tellement de bon (Ricky banlieue, Bananes métalliques, Votez Rocky…). Cependant, Lucien se met au vert a cette particularité d’être un album de transition. Le premier album dans lequel on trouve, suite à une succession de quelques courts récits, une histoire longue de plus de vingt pages, dans laquelle il démontre un savoir faire évident dans l’art de l’ellipse. On le sent encore pris dans ses habitudes d’histoires courtes, et même si cela ressemble à une succession de sketch (comme dans Lulu s’maque), l’histoire demeure cohérente de bout en bout. Une manière de faire qui préfigure ses albums actuels.

Ce qu’il conserve avec le temps, c’est ce génie du détail, du gag visuel caché à l’arrière plan. Ce qui fait la richesse de ses albums et nous incite à les relire à satiété.

Toujours sincère et authentique, Margerin évolue plutôt bien. Depuis son arrivé à Fluide Glacial, il a su renouveler son héros fétiche, Lucien, en le faisant vieillir avec lui. Ce qui lui permet de rester connecté avec les préoccupations de son personnage, et de ses contemporains.

Lucien se met au vert - Frank Margerin (Les Humanoïdes Associés, 1989) dans Chroniques BD lucien5plan

Frank Margerin

Vues et revues…

Vues et revues... dans Presse et Revues jade877u350

Jade garde le cap et conserve son rythme de croisière. La revue de bande dessinée moderne, semestrielle, ne perd pas en qualité et en originalité depuis son retour avec cette troisième version, uniquement orientée sur la bande dessinée. On y trouve toujours de bons dessinateurs, fédérés autour de sympathiques thématiques. La diversité des approches et des styles me font apprécier cette revue depuis longtemps. Ainsi que son esprit indépendant

Jade a 20 ans cette année ! Et pour marquer le coup, la rédaction propose aux participants de revenir sur leurs 20 ans. Entre nostalgie, amertumes, joies et déceptions, les auteurs jouent le jeu de l’introspection et n’hésitent pas, pour certains, à dévoiler des souvenirs de jeunesse plutôt désabusés. Mais tous partageaient déjà cette passion démesurée pour la neuvième chose…

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Evariste Blanchet continue, sur un rythme annuel, à nous fournir son Bananas. Un par an,  c’est peu. Mais prendre son temps pour confectionner une bonne revue, qui ne cède pas aux sirènes de l’actualité, est un luxe qui doit s’apprécier à sa juste valeur.

L’artiste à l’honneur de ce numéro 4 (donc en couverture) est Jimmy Beaulieu. Auteur-dessinateur-éditeur indépendant québécois, qui fait parler de lui en ce moment avec son dernier ouvrage Comédie sentimentale pornographique. J’avoue ne pas connaître cet auteur. Cependant, l’interview de Blanchet est intéressante à plus d’un titre. Elle permet de découvrir la démarche d’un auteur complet, tout en rendant compte de la réalité de l’édition indépendante, québécoise et française. Beaulieu n’est pas avide de réflexions pertinentes. Par exemple : « J’ai été atterré quand Menu a donné sa démission. Je me suis plus identifie à lui qu’à tous les autres parce que j’ai également été éditeur et démissionnaire. A travers ses erreurs et ses vanités, j’ai reconnu mes propres comportements. cette guerre lancinante m’a beaucoup touché. Un éditeur comme Ego comme x a surmonté la crise en faisant de l’impression sur demande. l’Association n’a pas vraiment rebondi, même s’il est un peu tôt pour en juger. Ces événements sont un symptôme vraiment tragique. »

Bananas est une revue classique, tant dans son format que dans son approche du neuvième art. Blanchet et ses camarades prennent le temps de s’arrêter, par le biais de dossiers complets (critiques, analyses, interviews, historiques…), sur des auteurs d’hier (Pichard, Reding, Pratt…) ou d’aujourd’hui (Neaud, Beaulieu, Winschluss…), mainstream ou « indébandants ». Bananas tend à éviter tout clivage, et c’est tant mieux.

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Jade

Torch Song – Ptoma & James Ellroy (éditions Emmanuel Proust, 2004)

Torch Song - Ptoma & James Ellroy (éditions Emmanuel Proust, 2004) dans Chroniques BD 9782848100630

Spade Hearns, un ancien flic du LAPD, qui se défini comme fort, idéaliste et violent, ne supporte plus d’enquêter sur des meurtres ignobles de jeunes et belles femmes. Il se recycle alors comme détective privé, engagé pour surveiller une certaine Maggie Cordova, chanteuse de cabaret de seconde zone, témoin important d’un braquage.

Une chanson va alors tout changer et faire remonter à sa mémoire le souvenir de son ancien amour Lorna, disparu sans laisser de trace. Comment se fait –il que cette Maggie Cordova interprète cette chanson spécialement écrite pour lui par son ancien amour ? Commence alors pour Spade un voyage dans son passé, qui mettra en exergue sa violence refoulée, détruisant tous ceux qui s’interposeront sur son passage, tant son obsession le rend incapable de toute maitrise…

En adaptant James Ellroy, Ptoma se trouve dans son élément. Ambiance polar hard-boiled des années 50, des personnages torturés, déchainés, en quête constante de rédemption, enquêtant autant sur des meurtres sanglants de belles femmes, que sur les traces d’un passé révolu, qu’il serait préférable de ne jamais déterrer…

Ptoma est cette fois-ci passé à la couleur. Ce qui, comparativement à son Réminiscences, donne un rendu moins contrasté, sans atténuer pour autant la puissance de son trait, ni la violence des scènes décrites. Au contraire, le sang est plus visible… On retrouve ici son graphisme charnel, tout en rondeur, d’un réalisme parfois excessif dans les proportions mais jamais outrancier. Sa mise en page est des plus classiques, enchainant les séquences sans effets inutiles ou trop cinématographiques, comme aurait pu l’imposer une adaptation de ce genre. Au final, la rencontre organisée par l’éditeur Emmanuel Proust est plutôt réussie, l’esthétique de Ptoma collant plutôt bien à l’univers dérangé d’Ellroy.

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