Jusseaume est un bon artisan de la bd. Un « faiseur », au sens noble du terme, un dessinateur et illustrateur consciencieux (s’appuyant sur une documentation précise), d’un classicisme appliqué. Il méritait bien d’apparaître au tableau de chasse de la collection Aficionado des éditions Petit à Petit, aux cotés de Blanc-Dumont ou Hermann.
Il se considère avant tout comme un raconteur d’histoire, pour qui le dessin doit être au service de la narration : « Aujourd’hui, je n’hésite plus à supprimer un beau dessin s’il n’apporte rien à la narration. L’ambiance globale reste la priorité, c’est pour cela que l’expression des personnages et les cadrages comptent plus que la beauté du trait. Hergé le faisait très bien. Il n’hésitait pas à consacrer une case avec une petite tête toute simple, avec une bulle de texte qui occupait les trois-quarts de la case. C’est le type même de l’image purement fonctionnelle, simple et efficace. »
Patrick Jusseaume est un dessinateur rouennais qui, après avoir été prof de dessin, se lance pleinement dans la bande dessinée, en répondant à une annonce dans le journal : « scénariste cherche dessinateur ». Il s’agissait de Barbet, avec qui Jusseaume fera ses armes sur Chronique de la maison le Quéant.
Mais c’est surtout sa série phare, Tramp, qui est ici mise en avant. Un univers portuaire et maritime des années cinquante, fleurant bon les ambiances polar de l’époque. Sur un scénario de Jean-Charles Kraehn, Tramp nous raconte l’histoire de Yann Calec, jeune capitaine du « Belle Hélène », qui se retrouve malgré lui au cœur d’une escroquerie à l’assurance montée par son armateur. Pris au piège par ce dernier et ses hommes de main, il n’aura de cesse de sauver sa peau et son bateau, heureusement pour lui avec l’aide de la belle Ester, la secrétaire de l’armateur devenue sa complice…
« Pour dessiner Chronique de la maison le Quéant, je traduisais des images et devais respecter la réalité historique, j’étais un peu prisonnier de l’Histoire avec un grand H. C’est sur cette série que j’ai appris, j’étais débutant. Pour Tramp, c’est complètement différent. La période des années 50 est bien plus proche de moi. Je me trouve plus libre et mon dessin s’en ressent. Il est moins rigide, moins maniéré, moins froid. »
Une maquette aux petits oignons, foisonnante et pourtant très claire, riche en illustrations et documents en tout genre (photos, esquisses, dessins, découpages de scénarios, etc.), des textes précis, bourrés de judicieuses citations, cette collection Aficionado est une réussite en tout point.
Illustration pour Rouen magazine (décembre 1996)
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