Quoi ! – Collectif (l’Association, 2011)

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Cet album (l’un des plus attendu et commenté de la fin d’année 2011), annoncé depuis pas mal de temps, est à prendre comme un droit de réponse des anciens fondateurs à l’ouvrage XX/MMX initié par JC Menu pour les 20 ans de l’Association.

L’Association a ouvert la voie (avec Ego comme X) à l’autobiographie en bande dessinée. Un genre qui n’en était pas un avant ces années 90 (à l’exception de quelques franc-tireurs comme Baudoin). Avec cet ouvrage, la nouvelle Association ouvre une nouvelle voie : l’autobiographie collective et structurelle.

L’Association édite un livre racontant sa propre histoire. Les tenants et aboutissants sont vrais. On a pu suivre en temps réel dans les média l’évolution de cette mésaventure : grève des salariés, stand vide à Angoulême 2011, assemblée générale déterminante, retour des 5 membres fondateurs et démission de Menu… Mais alors une question se pose : quel intérêt de lire cet album si on se contrefout royalement des querelles intestines de l’asso, ou si on en a jamais entendu parler ? « Ca intéresse qui ? » se demande Killoffer. Si ce n’est les lecteurs plus ou moins informé de ce qui s’est passé à l’association?

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Cet album vaut autant pour ce qu’il raconte (à ceux que ça intéresse) que dans sa manière de le raconter. Une succession de point de vue, comme autant de pièces d’un puzzle qu’il nous faut assembler pour cerner l’histoire dans son ensemble. Des auteurs de bande dessinée qui créent leurs propres avatars de papier pour raconter leurs ressentiments sur une histoire à laquelle ils ont activement participé. C’est la magie de ce médium, l’« iconisation » de vraies personnes n’enlève en rien la véracité, ni de leurs propos, ni des situations décrites.

Les neuf auteurs reviennent chacun leur tour sur les événements significatifs de cette aventure éditoriale. Certains témoignages se recoupent, se complètent, se contredisent parfois. C’est le jeu de la confrontation des subjectivités assumées.
David B reviens sur les tous premiers moments de l’Association, et nous rappelle que ce collectif était composé de potes venant de différents horizons, aux références diverses. Il explique qu’il est épaté par le parcours de Menu, mais pas impressionné par le bonhomme.
Trondheim s’arrête sur de courtes anecdotes concernant principalement Menu. Des « petits riens » qui en disent long sur ses rancœurs, ses satisfactions aussi…

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Berberian s’amuse à imaginer les 6 au début des années 90, dans un café de Montmartre, à qui la déesse Salomé en personne prédit l’avenir : « le succès, l’argent hélas, auront raison de votre amitié. Vous vouliez que rien ne soit pareil après vous, mais c’est surtout vous qui allez changer ».

Sfar édite des planches réalisées en 2004 qui devait figurer dans un carnet qui ne verra jamais le jour à l’Association. Car Menu a opposé son véto au nom de leur amitié, ces planches ne le montrant pas sous un jour favorable. Sfar était présent ce jour de ‘divorce’, où l’amitié entre Menu et ses comparses n’a pas tenue face à cette volonté de tout diriger. Sfar a raison de parler de la quarantaine d’auteurs de l’asso (dont il fait parti) qui ont été un peu oublié ces derniers temps. Pourtant, bien qu’ils n’aient pas fondé la structure, ils ont fortement contribué à son essor. Leurs avis (s’ils en ont à partager) comptent tout autant.
Dans de magnifiques mise en page, Mokeit reviens sur son retour à l’Association (presque 20 ans après son départ) comme coursier. Il nous parle des événements récents, qu’il a vécus en tant que salarié, et de ses relations particulières (entre amitié et ‘patron-employé’) avec Menu.

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En tant que fondateur des éditions Cornélius et ancien voisin de l’Association, JL Capron a un regard un peu plus extérieur sur les événements. Il dit ici ce qu’il a déjà dit à propos de Menu (voir sur le blog de Cornelius). On cerne cependant mieux son humour ‘à froid’ lorsqu’il dessine que lorsqu’il écrit.
Jean-Yves Duhoo et Stanislas sont plus synthétiques. Duhoo raconte en une ou deux pages les faits marquants de l’histoire de la structure plutôt que celle des fondateurs. Stanislas, l’un de ceux-là, raconte en 8 dates (de 1994 à 2011) son parcours au sein de l’Association. Stanislas est le seul des 7 à avoir participé aux deux ouvrages collectifs concurrents. Preuve que lui n’a pas de position tranchée.
Killoffer ne sait pas par quoi commencer. Il n’a pas envie de se replonger dans ces mauvais souvenirs, c’est encore trop à vif. Il nous explique tout de même que ce livre est autant une réponse adressée à JC Menu qu’un ouvrage fêtant les 20 ans de l’Association. On apprend d’ailleurs que Menu avait proposé aux 5 de participer à l’ouvrage XX/MMX, mais que ces derniers ont refusé. A l’inverse, ils auraient aimé que Menu reste à l’asso. Killoffer avoue être partagé entre la joie de retravailler à l’asso et la tristesse que Menu n’y participe pas avec eux.

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Dans l’ensemble tous s’attachent, chacun à leur manière, à parler de la genèse de l’Hydre, de leur amitié qu’ils pensaient inaltérable et de la personnalité complexe de JC Menu. Ce dernier a d’ailleurs toujours exprimé ce conflit intérieur permanent : vouloir être un éditeur et auteur libre de toute contrainte, tout en devenant un chef d’entreprise gérant une « masse salariale ». C’est le paradoxe de la gestion de l’Association, qui pour le coup porte mal son nom, difficile de gérer une entreprise de manière collective (les exemples ne manquent pas). Dans cette histoire, un chef a inévitablement émergé. Pourquoi JC Menu ? Car sa personnalité convenait bien plus à cette tache ingrate que celle des autres, dont certains reconnaissent à mi-mot que cela les arrangeaient bien. On comprend, grâce à ces témoignages, que les relations humaines ne sont jamais claires et tranchées. L’amertume de Menu, mais aussi celles de ses anciens camarades, est justifiée et malheureusement inévitable. On ne peut effacer 20 ans de passion et d’amitié d’un revers de la main.

Dommage que le principal intéressé (et personnage central de cet ouvrage) ne soit présent.  Toutefois, Menu s’est clairement exprimé sur cette histoire et sa présence n’en devient plus nécessaire. Du coup, la pièce manquante du puzzle est Mattt Konture. Cela aurait été intéressant d’avoir son point de vue sur ces événements. Mais surement n’a-t-il point voulu tomber dans le piège du règlement de compte, ou n’a-t-il simplement rien à dire sur ce sujet. Connaissant un peu son œuvre (donc sa personnalité), cela n’aurait rien d’étonnant. Il a d’autre chat à fouetter…

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C’est d’abord avec un sentiment d’ingérence que je me suis plongé dans cet album. Savoir ce que les ‘anciens-nouveaux’ fondateurs avaient à dire sur Menu. Puis le ton plutôt original de l’album et la franchise des auteurs ont modifié mon impression.
Impression d’être témoin, sans être pris à témoin. En tant que lecteur, je n’ai pas à choisir entre deux camps, seulement me faire mon avis, en ayant à disposition les versions de tous les protagonistes. Ce que cet album permet.
Pour ceux qui s’en moque, qu’ils ne boudent pas le plaisir de la lecture d’un collectif de belle facture et de retrouver des planches originales d’auteurs rares (tels que David B, Mokeit ou Killoffer… Quand aux détracteurs de JC Menu, ils y trouveront surement leur compte, s’ils ne lisent pas entre les lignes.

2 commentaires à “Quoi ! – Collectif (l’Association, 2011)”


  1. 0 nantua 22 jan 2012 à 23:50

    Quoiqu’il en soit, cette manière de présenter une histoire en-train-de-se-faire ou/et un droit de réponse collectif et créatif, me semble assez inédit.Je sais pas si je l’achèterai mais j’aimerai le lire !

    Dernière publication sur carnet à dessins : Voyage voyages

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  2. 1 mitchul 23 jan 2012 à 9:15

    C’est en effet plutôt inédit. Un album qui s’en rapproche, dans cette confrontation de points de vue divers sur de mêmes situations « en-train-de-se-réaliser », serait « le journal d’un album » de Dupuy et Berberian.
    Sauf qu’ici, ce sont les événements qui ont amené les auteurs à procéder ainsi, et non une volonté purement artistique.

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