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Archives pour janvier 2012

Déogratias – Stassen (Dupuis Aire Libre, 2000)

Déogratias - Stassen (Dupuis Aire Libre, 2000) dans Chroniques BD couverturebd2800129727

Stassen nous raconte le drame rwandais de l’intérieur, et nous emmène dans les dédales de la ville de Butare, avant (en usant de flashbacks) et après le génocide. Où comment les membres d’une même population (mais d’ethnies différentes) peuvent-ils revivre à nouveau ensemble et reprendre leurs habitudes comme si de rien n’était. Comment les ressortissant occidentaux se réinstallent et retrouvent facilement leurs petits privilèges…

Stassen nous plonge également dans le psychisme plutôt perturbé de son personnage principal (qui se prend pour un chien), définitivement traumatisé par ce qu’il a vu et fait. Errant sur les traces de son passé tel un zombi dans les rues de la ville, Déogratias se venge de tous ceux qui ont contribué, de près ou de loin, au massacre de sa bien-aimée.

Ces formes rondes et stylisées, ce trait « ligne claire » (les formes sont soutenues par un trait noir épais et régulier) et ces superbes couleurs pastels (magnifiques ambiances nocturnes) contrastent totalement avec les thèmes abordés (génocide, trahison, folie…) et les scènes décrites. C’est en cela que la bande dessinée est unique, dans cette faculté à pouvoir raconter et peindre l’indicible sans le transformer en un spectacle malsain. Comme l’explique Joe Sacco (dans l’excellent documentaire « la BD s’en va t-en guerre », la bande dessinée est le média le plus apte à retranscrire une réalité subjective, mais juste.

Déogratias n’est pas une bande dessinée de reportage comme celles de Joe Sacco ou Patrick Chappatte, qui vont sur le terrain pour témoigner de ce qui s’y passe. Stassen n’a pas la posture d’un journaliste cherchant à retranscrire des faits. Il ne se met pas en scène et ne parle jamais à la première personne. Sa démarche est plus sensible qu’intellectuelle. Il préfère raconter l’Histoire par la petite histoire, au plus prêt de son personnage, et touche ainsi à l’universalité des sentiments humains.

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Bio de jean-Philippe Stassen

Interview de Stassen

Quoi ! – Collectif (l’Association, 2011)

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Cet album (l’un des plus attendu et commenté de la fin d’année 2011), annoncé depuis pas mal de temps, est à prendre comme un droit de réponse des anciens fondateurs à l’ouvrage XX/MMX initié par JC Menu pour les 20 ans de l’Association.

L’Association a ouvert la voie (avec Ego comme X) à l’autobiographie en bande dessinée. Un genre qui n’en était pas un avant ces années 90 (à l’exception de quelques franc-tireurs comme Baudoin). Avec cet ouvrage, la nouvelle Association ouvre une nouvelle voie : l’autobiographie collective et structurelle.

L’Association édite un livre racontant sa propre histoire. Les tenants et aboutissants sont vrais. On a pu suivre en temps réel dans les média l’évolution de cette mésaventure : grève des salariés, stand vide à Angoulême 2011, assemblée générale déterminante, retour des 5 membres fondateurs et démission de Menu… Mais alors une question se pose : quel intérêt de lire cet album si on se contrefout royalement des querelles intestines de l’asso, ou si on en a jamais entendu parler ? « Ca intéresse qui ? » se demande Killoffer. Si ce n’est les lecteurs plus ou moins informé de ce qui s’est passé à l’association?

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Cet album vaut autant pour ce qu’il raconte (à ceux que ça intéresse) que dans sa manière de le raconter. Une succession de point de vue, comme autant de pièces d’un puzzle qu’il nous faut assembler pour cerner l’histoire dans son ensemble. Des auteurs de bande dessinée qui créent leurs propres avatars de papier pour raconter leurs ressentiments sur une histoire à laquelle ils ont activement participé. C’est la magie de ce médium, l’« iconisation » de vraies personnes n’enlève en rien la véracité, ni de leurs propos, ni des situations décrites.

Les neuf auteurs reviennent chacun leur tour sur les événements significatifs de cette aventure éditoriale. Certains témoignages se recoupent, se complètent, se contredisent parfois. C’est le jeu de la confrontation des subjectivités assumées.
David B reviens sur les tous premiers moments de l’Association, et nous rappelle que ce collectif était composé de potes venant de différents horizons, aux références diverses. Il explique qu’il est épaté par le parcours de Menu, mais pas impressionné par le bonhomme.
Trondheim s’arrête sur de courtes anecdotes concernant principalement Menu. Des « petits riens » qui en disent long sur ses rancœurs, ses satisfactions aussi…

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Berberian s’amuse à imaginer les 6 au début des années 90, dans un café de Montmartre, à qui la déesse Salomé en personne prédit l’avenir : « le succès, l’argent hélas, auront raison de votre amitié. Vous vouliez que rien ne soit pareil après vous, mais c’est surtout vous qui allez changer ».

Sfar édite des planches réalisées en 2004 qui devait figurer dans un carnet qui ne verra jamais le jour à l’Association. Car Menu a opposé son véto au nom de leur amitié, ces planches ne le montrant pas sous un jour favorable. Sfar était présent ce jour de ‘divorce’, où l’amitié entre Menu et ses comparses n’a pas tenue face à cette volonté de tout diriger. Sfar a raison de parler de la quarantaine d’auteurs de l’asso (dont il fait parti) qui ont été un peu oublié ces derniers temps. Pourtant, bien qu’ils n’aient pas fondé la structure, ils ont fortement contribué à son essor. Leurs avis (s’ils en ont à partager) comptent tout autant.
Dans de magnifiques mise en page, Mokeit reviens sur son retour à l’Association (presque 20 ans après son départ) comme coursier. Il nous parle des événements récents, qu’il a vécus en tant que salarié, et de ses relations particulières (entre amitié et ‘patron-employé’) avec Menu.

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En tant que fondateur des éditions Cornélius et ancien voisin de l’Association, JL Capron a un regard un peu plus extérieur sur les événements. Il dit ici ce qu’il a déjà dit à propos de Menu (voir sur le blog de Cornelius). On cerne cependant mieux son humour ‘à froid’ lorsqu’il dessine que lorsqu’il écrit.
Jean-Yves Duhoo et Stanislas sont plus synthétiques. Duhoo raconte en une ou deux pages les faits marquants de l’histoire de la structure plutôt que celle des fondateurs. Stanislas, l’un de ceux-là, raconte en 8 dates (de 1994 à 2011) son parcours au sein de l’Association. Stanislas est le seul des 7 à avoir participé aux deux ouvrages collectifs concurrents. Preuve que lui n’a pas de position tranchée.
Killoffer ne sait pas par quoi commencer. Il n’a pas envie de se replonger dans ces mauvais souvenirs, c’est encore trop à vif. Il nous explique tout de même que ce livre est autant une réponse adressée à JC Menu qu’un ouvrage fêtant les 20 ans de l’Association. On apprend d’ailleurs que Menu avait proposé aux 5 de participer à l’ouvrage XX/MMX, mais que ces derniers ont refusé. A l’inverse, ils auraient aimé que Menu reste à l’asso. Killoffer avoue être partagé entre la joie de retravailler à l’asso et la tristesse que Menu n’y participe pas avec eux.

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Dans l’ensemble tous s’attachent, chacun à leur manière, à parler de la genèse de l’Hydre, de leur amitié qu’ils pensaient inaltérable et de la personnalité complexe de JC Menu. Ce dernier a d’ailleurs toujours exprimé ce conflit intérieur permanent : vouloir être un éditeur et auteur libre de toute contrainte, tout en devenant un chef d’entreprise gérant une « masse salariale ». C’est le paradoxe de la gestion de l’Association, qui pour le coup porte mal son nom, difficile de gérer une entreprise de manière collective (les exemples ne manquent pas). Dans cette histoire, un chef a inévitablement émergé. Pourquoi JC Menu ? Car sa personnalité convenait bien plus à cette tache ingrate que celle des autres, dont certains reconnaissent à mi-mot que cela les arrangeaient bien. On comprend, grâce à ces témoignages, que les relations humaines ne sont jamais claires et tranchées. L’amertume de Menu, mais aussi celles de ses anciens camarades, est justifiée et malheureusement inévitable. On ne peut effacer 20 ans de passion et d’amitié d’un revers de la main.

Dommage que le principal intéressé (et personnage central de cet ouvrage) ne soit présent.  Toutefois, Menu s’est clairement exprimé sur cette histoire et sa présence n’en devient plus nécessaire. Du coup, la pièce manquante du puzzle est Mattt Konture. Cela aurait été intéressant d’avoir son point de vue sur ces événements. Mais surement n’a-t-il point voulu tomber dans le piège du règlement de compte, ou n’a-t-il simplement rien à dire sur ce sujet. Connaissant un peu son œuvre (donc sa personnalité), cela n’aurait rien d’étonnant. Il a d’autre chat à fouetter…

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C’est d’abord avec un sentiment d’ingérence que je me suis plongé dans cet album. Savoir ce que les ‘anciens-nouveaux’ fondateurs avaient à dire sur Menu. Puis le ton plutôt original de l’album et la franchise des auteurs ont modifié mon impression.
Impression d’être témoin, sans être pris à témoin. En tant que lecteur, je n’ai pas à choisir entre deux camps, seulement me faire mon avis, en ayant à disposition les versions de tous les protagonistes. Ce que cet album permet.
Pour ceux qui s’en moque, qu’ils ne boudent pas le plaisir de la lecture d’un collectif de belle facture et de retrouver des planches originales d’auteurs rares (tels que David B, Mokeit ou Killoffer… Quand aux détracteurs de JC Menu, ils y trouveront surement leur compte, s’ils ne lisent pas entre les lignes.

Ciboire de criss ! – Julie Doucet (L’Association, 1996)

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Julie Doucet se met en scène pour nous raconter des histoires perturbées, et pour le moins perturbantes. Des anecdotes vécues, des souvenirs, des rêves débiles, expressions de ses angoisses, de ses phantasmes. Sans honte ni tabous, Doucet se met à nu et dévoile des éléments très personnels, ce qui peut parfois nous mettre mal à l’aise. Cette forme d’autobiographie intime, proche de la ‘confidence psy’ est assez rare dans le monde de la BD. Et à ce titre, ses alter-égos seraient Mattt Konture et Joe Matt.

Trash et sans concessions, Ciboire de Criss (que l’on peut traduire par « put… de bor… de mer… ») ne nous épargne pas et nous balance en pleine face toute la virtuosité graphique de Doucet. Son trait d’une efficacité redoutable n’appartient à aucun genre précis. Un graphisme possédant ses propres codes, qu’aucun autre auteur ne peut utiliser. C’est ce que j’aime chez les dessinateurs dit alternatifs : ils n’appartiennent à aucune école et développent leur propre vocabulaire pictural. Doucet est une référence incontournable en la matière.

Une esthétique punk ‘humoristico-expressionniste’ qui relève d’une grande maitrise (du noir et blanc hachuré en particulier). Des miniatures dans lesquels foisonnent une multitude de détails. Il nous faut scruter chaque case dans les moindres recoins pour en saisir toute la richesse graphique, mais aussi narrative, tant chaque dessin raconte à lui seul beaucoup de chose.

« Les thématiques liées à certaines de ses histoires autobiographiques sont bien loin du socialement correct. Elles nous changent de l’éternel garçon obsédé sexuel type Robert Crumb, par ailleurs sa principale influence graphique. Julie Doucet rêve régulièrement de voir pousser un pénis entre ses jambes, ou bien que ses règles deviennent si abondantes qu’elles engloutissent la ville toute entière sous un gigantesque flot de sang noir. Les rêves sont annotés, datés, et représentés le plus fidèlement possible, comme une sorte d’auto-analyse. Même en littérature, on avait rarement vu ça. » (Vincent barrière in Qu’est-ce que la BD aujourd’hui ? Hors-série Beaux Art Magazine, 2003)

Véritable cour des miracles, Doucet représente comme personne la monstruosité de ses contemporains, dressant des portraits tous plus hideux les uns les autres. Ce qui en dit long sur sa considération envers ses semblables, et elle-même… Heureusement, même si elle nous raconte crûment des choses vraies, elle y incère une fine couche d’humour noir salutaire, qui permet de nous distancier. Ciboire de Criss n’est pas qu’une « bonne bédé », c’est une expérience de lecture unique en son genre…

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L’encyclopédie du mauvais goût – Hervé Depoil, François Quenouille et Gilles Verlant (Editions Hors Collection, 2007)

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Pour commencer cette nouvelle année 2012, quoi de mieux que l’encyclopédie du mauvais goût. Mais attention, le bon mauvais goût ! L’indispensable et nécessaire mauvais goût qui bouscule les canons officiels du beau et du bon. Les auteurs (aux noms parfaits) n’ont pas l’ambition d’établir la liste exhaustive du mauvais goût en matière d’art, de mode et de phénomènes de société. Seulement présenter les perles du genre, issues des cinq continents, réparties en une quarantaine de thèmes (d’Architecture à Zombies, en passant par Bondieuseries, Cuisine, Hard-Rock, Mode, Presse, Records, etc. C’est pourquoi des artistes tels que Duchamp, Dali ou Orlan y côtoient les Yvette Horner, Michou et autres nains de jardin…

On l’aura compris, cette encyclopédie est un ouvrage de divertissement, qu’il ne faut surtout pas prendre au premier degré. Le thème abordé ne le permet pas !

L'encyclopédie du mauvais goût - Hervé Depoil, François Quenouille et Gilles Verlant (Editions Hors Collection, 2007) lescrados

Cette lecture confirme ce que je savais déjà : j’aime le mauvais goût ! Mais seulement le mauvais goût volontaire, assumé. Je retrouve dans cet ouvrage des références incontournables que j’ai déjà eu le loisir d’aborder dans les pages de ce blog : Duchamp et son urinoir, Jan Bucquoy et ses parodies salaces de Tintin (ainsi que la fameuse couverture de Goossens pour Fluide Glacial), Charb, Willem ou Vuillemin, Choron et Hara Kiri, John Waters et Divine avec leur Pink Flamingos, Groland, le Braindead de Peter jackson ou les Zombies de Romero… Bref, que du lourd !

Un ouvrage parfaitement illustré, avec une maquette claire et dynamique (aux couleurs de pur mauvais goût !) et des chroniques concises et complètes. Le tout chapoté par le sieur Gilles Verlant, c’est dire si l’on évite la faute de goût !

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Gilles Verlant


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