La maison close est un projet qui réunit une trentaine d’auteurs en une seule histoire. Il faut tout le savoir faire de Ruppert et Mulot pour nous offrir un ouvrage collectif qui ne soit pas qu’une succession d’histoires courtes, mais une réelle bd chorale, dans laquelle les auteurs partagent l’affiche (et les planches) de manière équitable.
Morgan Navarro, Lucie Durbiano et Florent Ruppert
Une bande dessinée à la dimension théâtrale, avec cette unité de lieu (la maison close donc) et de temps (tout se passe durant la même journée). Avec ces changements de décors correspondant à des changements d’actes. Les personnages font leurs entrées au fur et à mesure dans le déroulement de l’histoire. Ou plutôt au fur et à mesure qu’ils inventent l’histoire. Car cette maison close n’est autre qu’une forme originale de cadavre exquis. Une bande dessinée sous contraintes, dans laquelle chaque auteur est libre de faire évoluer son personnage dans un espace qui se limite à une petite dizaine de pièces (vestiaire, bar, salon, chambres, portail, escalier…) Chacun allant et venant à sa guise, ce qui favorise les rencontres imprévues, éléments déclencheurs de situations comiques et fantasmatiques. Le lieu s’y prête à merveilles…
Boulet et Trondheim
L’histoire de cette maison close tient ses promesses. Il y a du sexe, mais aussi de la violence. Des cadavres dans une maison close, éros et thanatos sont une nouvelle fois réunis dans un album d’une richesse narrative incroyable. En particulier cette géniale mise en abime générée par ces personnages représentant les auteurs eux-mêmes, tout en étant leurs propres créatures… Richesse graphique également, dans cette confrontation de différents styles, unifiés par les décors dessinés par R&M. Un casting d’enfer dans lequel on retrouve la patte de connaissances appréciées (Zep, Killoffer, Trondheim, Boulet, Cestac, Mandel, Frédérik Peeters, Guy Delisle…) et d’auteurs moins connus qui ne mériteraient pas de l’être, moins connus (Nadja, Caroline Sury, Morgan Navarro, Sébastien Lumineau…)
Peggy Adam, Frederik Peeters et Boulet
Un concept original qui nous démontre que R&M bouscule toujours autant les limites narratives du médium et contribue une nouvelle fois à « l’érosion progressive des frontières » chère à Menu ! Le point faible de cet album se situe au niveau de l’histoire. Décousue, s’inventant au fil des rencontres entre les personnages et des fantasmes des dessinateurs, on n’en retient pas grand-chose. Cependant, on accroche de bout en bout à cette expérience particulière, avec l’envie de savoir comment se terminera cet album de dingues.
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