Mon Papa – Reiser (Albin Michel, 1987)

Mon Papa - Reiser (Albin Michel, 1987) dans Chroniques BD mon-papa-reiser

Initialement sorti aux éditions du Square en 1971, Mon Papa marque un tournant important dans l’œuvre de Reiser. Il abandonne le gag illustré classique (dessin et légende en dessous) pour se lancer dans une forme de bande dessinée aux traits épurés et dépouillés. Il est celui qui a été le plus loin dans le minimalisme, signifiant ses formes par une étonnante économie de trait, associée à une précision chirurgicale dans la représentation des mouvements et expressions de ses personnages. Il reviendra plus tard à un dessin plus détaillé, plus fouillé, mais Mon Papa restera son œuvre la plus ambitieuse graphiquement. Son humour bête et méchant fait encore des ravages. Reiser dénonçait comme personne les abus de pouvoir de toutes sortes, autant qu’il critiquait les comportements ‘panurgiens’ de ses contemporains.

Je viens de lire la seule biographie officielle, réalisée de son vivant (en 1975) par son pote Yves Frémion. Pudique et discret, on en apprend peu sur sa vie, mais beaucoup sur son œuvre. Ainsi que sur son engagement pour la cause écologique, à une époque où ce terme était considéré comme un gros-mot.

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En voici un large extrait dans lequel Frémion nous propose une analyse convaincante du ‘style Reiser’ : « Le dépouillement va atteindre ce degré maximum chez lui. Il ne dessine même plus un trait unique pour obtenir un bras : un vague coup de crayon pas droit suffit. Pour la tête, comme dans les dessins d’enfants, un trait concave ou convexe selon que la personne est contente ou pas, et le tour est joué. Les mains n’ont droit à des doigts que lorsque le poing se ferme, et seuls les attributs sexuels exigent un coup de crayon supplémentaire.

En fait c’est l’œil, notre œil, qui dessine les personnages de Reiser. [...] Il se contente de nous donner du sujet une vague idée, un plan mal foutu. A nous d’imaginer le reste du bonhomme, et, ma foi, c’est bien plus satisfaisant et flatteur pour cet œil. A la limite, c’est une invitation à faire nos dessins nous-mêmes, et l’on peut se demander si cette idée ne trotte pas de temps en temps dans sa tête. [...]

En dépit de cet aspect assez sommaire, son dessin est un des plus difficiles à imiter. Peut-être parce qu’il est l’aboutissement chez lui d’une démarche ; ce style ne lui est pas venu tout seul, il a dû travailler ce dépouillement, certainement de façon plus inconsciente que délibérée. Faisons cette expérience : tentons d’enlever dans une de ses planches un trait quelconque. Le dessin devient aussitôt incompréhensible, ou perd de sa signification. On ne peut gommer, on ne peut plus aller au-delà, du moins dans cette direction. Reiser est à la fin d’un mouvement graphique, son point ultime, sa phase la plus élaborée, la plus achevée.

Désormais, l’histoire du dessin d’humour (on peut trouver une expression moins prétentieuse, si certains la trouvent choquante) devra emprunter d’autres voies que celles du minimum vital.»

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Reiser

2 commentaires à “Mon Papa – Reiser (Albin Michel, 1987)”


  1. 0 Soluto 9 oct 2011 à 11:57

    Un trait et un humour fulgurants!
    Comme je l’ai aimé, et comme je l’aime encore quand je le croise ce Reiser… A une époque où les humoristes, tous plus ou moins verbeux, surjouent l’insolence et la provocation il est bon de se souvenir de ce type authentiquement libre et dévastateur…
    (meuh non je ne fais pas allusion, par exemple, aux pseudos rigolos d’un service public qui les vire, non parce qu’ils sont trop drôles, mais parce qu’ils sont souvent médiocres… Et qui, parce qu’on ne les entend plus aussi fort, pense que la démocratie vacille… Certes, elle vacille, mais parce qu’ils sont eux-mêmes complices de l’affaiblissement général de la pensée critique… Voyez! on n’a plus besoin de me lancer sur ce sujet, j’y vais tout seul. Je suis teigne…)

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  2. 1 mitchul 13 oct 2011 à 21:09

    Il est vrai que Reiser, tout comme Desproges ou Coluche, nous manquent cruellement à nous autres teigneux ! Les relire en cette période est une nécessité car, comme tu le dis très justement Soluto, la démocratie vacille parce que de nombreux médiocres rigolos : « sont eux-mêmes complices de l’affaiblissement général de la pensée critique…  »
    A bientôt, et au fait, vraiment superbes tes clins d’yeux à Mantegna !

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