Apocalypse Nerd, c’est Joe Matt chez Mad Max ! Une comédie post-nuke jouant sur le décalage vécu par deux geeks, Perry et Gordo, plus habitués au monde virtuel, confrontés à une situation de survie suite à la destruction de leur ville, Seattle. Une histoire qui sombre rapidement dans le dramatique, voire le sordide, lorsque les deux protagonistes en arrivent à devoir tuer pour survivre. Une histoire sans concessions – avec un souci de réalisme quant aux situations et aux réactions des personnages – dont le point de départ s’appuie sur des événements réels : - « Début 2003, quand les gouvernants des États Unis faisaient l’impossible pour partir en guerre contre l’Iraq, j’ai entendu un diplomate nord-coréen déclarer à la radio que son pays pouvait détruire Seattle avec une frappe nucléaire. Cette déclaration n’a eu que peu de place dans les médias américains, sans parler d’une réponse officielle du gouvernement, peut-être parce qu’elle allait détourner l’attention des gens du fait que nous allions bientôt avoir Saddam Hussein. Néanmoins, j’ai trouvé cette petite info tout à fait déconcertante, peut-être parce que j’habite Seattle. Tout naturellement, j’ai commencé à spéculer… Et si… » (Extrait de la préface de Peter Bagge)
C’est la force de ce livre. Bagge nous raconte une histoire sombre et glauque, traitée cependant de manière humoristique plutôt hystérique. Artiste underground depuis plus de vingt ans, son graphisme est emprunts de cette dinguerie et cette souplesse propre au genre. On imaginerait plutôt ce type d’histoire dans un style réaliste et sombre, mais Peter Bagge ne peut s’empêcher de déconner et c’est tant mieux !
« Si le récit se fait plus linéaire et fluide, loin des retournements explosifs de la saga de Buddy Bradley, Peter Bagge reste pourtant incapable de dessiner sans nous pousser au fou rire, même dans les passages les plus dramatiques de son livre. Proche des dernières expériences de Bagge, qui s’est récemment consacré au journalisme politique en bande dessinée dans les pages de Reason ou sur suck.com, Apocalypse Nerd témoigne de l’extraordinaire vitalité créative de cet incontournable auteur, toujours aussi caustique qu’il y a vingt ans. » (source)
Ce thème de la survie post-nucléaire sert de bon prétexte à Bagge pour laisser libre cours à son « immoralité ». Il développe une vision critique de la société américaine, dans laquelle les marginaux s’adaptent mieux que la famille américaine moyenne. Une situation chaotique qui laisse les instincts les plus sauvages prendre le dessus sur le sens civique de chacun. La civilisation est fragile (le communautarisme en prend ici pour son grade) et il en faut peu pour que le règne du « chacun pour sa gueule » ne reprenne ses droits. Et à ce jeu, le geek semble le mieux préparé, dans la mesure où il n’a plus rien à perdre.
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