L’année 2011 est une année sombre pour les éditeurs de bande dessinée indépendante.
La crise de l’édition du livre est un des facteurs à prendre en compte. Car si la bande dessinée était un secteur plutôt épargné jusqu’alors, elle souffre ces dernières années des conséquences de cette crise (coût de productions en hausse, concurrence de la diffusion en ligne, etc.) Les petites et moyennes maisons d’édition sont les premières touchées (« c’est toujours le petit qui dérouille », comme on dit cheu mé) et s’en remettent plus difficilement. De plus, la politique impitoyable des grands groupes qui imposent aux libraires un turn-over infernal, ne laisse plus le temps à des ouvrages différents, confidentiels et exigeants de trouver leur public.
Le début d’année ne présageait rien de bon avec la fermeture du comptoir des indépendants. Ce diffuseur indépendant de maisons d’éditions indépendantes (et pas que de bande dessinée d’ailleurs) a du fermer boutique, n’étant plus en capacité de continuer son activité (pour des raisons économiques je suppose). Si certains indépendants se sont regroupés autour de la création de Belles Lettres Diffusion Distribution, d’autres n’ont pu trouver de diffuseur et de fait, sont devenus invisibles, voire inexistants.
La difficulté financière des Requins Marteaux qui, dans une volonté de transparence explique clairement qu’elle doit renflouer 60.000 euros (une somme pour une « petite boite ») n’est non plus une bonne nouvelle. Les Requins Marteaux, par le biais de Ferraille Illustré, est la maison d’édition qui m’a fait entrer, en tant que lecteur, dans l’univers de la « bédé indé ». C’était en 2002, j’y ai découvert des auteurs incontournables tels que Bouzard, Besseron, Winschluss, Rupert et Mulot, Cizo, Druilhe, Mathsap, Blex Bolex, Morvandieu, Guerse et Pichelin, Blanquet, Debeurme, Chaumaz, Sourdrille, Delisle, Killoffer…
De Ferraille, je me suis logiquement aventuré vers le Psikopat, Jade et les éditions 6 pieds sous terre et bien sur Lapin ou l’Eprouvette de l’Association. Sans oublier ensuite les Cornelius, Rackham, Atrabile, Groinge, Fremok et autres Ego comme X…
L’association justement, est en crise depuis ce début d’année. Je ne rentrerai pas dans le débat et ne porterai pas jugement sur des personnes et des situations que je ne connais pas. En ce qui me concerne, en tant que lecteur et amateur de leur production, je n’aimerai pas voir se terminer cette aventure éditoriale, véritable fer de lance de la production indépendante. Ce qu’a apporté l’Asso, et ce qui est pour moi la définition même de la « bédé indé », est le fait que ce soient des auteurs qui conçoivent et produisent les livres (pour eux-mêmes ou pour d’autres) et que chaque artiste intervienne de A à Z dans le processus de conception de ses ouvrages.
La démission de JC Menu n’annonce pour autant pas la fin de l’Association, mais cette dernière entre inévitablement dans une nouvelle ère. J’espère qu’elle conservera les qualités qui ont fait et font encore son succès (cohérence de son catalogue, richesse de ses collections, exploration du langage de la bande dessinée, découverte de nouveaux auteurs, réédition de grandes œuvres du patrimoine…) et que le Lapin continuera de sortir sous sa forme actuelle.
Face à cette situation, la meilleure manière de soutenir ces maisons d’éditions – et de défendre une certaine idée de la bande dessinée – est d’acheter leurs livres. Vite.
Initialement prévu dans la collection Shampooing et maintes fois repoussé, le livre L’Association paraîtra finalement en janvier 2012 dans une formule considérablement étoffée grâce à la contribution de tout le monde.
(Comix Pouf!)
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