On commence la lecture de cet album par trois pages d’une histoire dont on ne lira jamais la suite. Car Menu n’est pas satisfait de la tournure que cela prend. Il retrouve alors Blutch afin de redéfinir leur projet. Si le thème reste le même, « l’écologie au pouvoir », le traitement de l’histoire diffèrera totalement. Ils se lançaient dans une politique fiction alors que la réalité leur apportait l’histoire sur un plateau. En effet, il existe en France un exemple concret de l’écologie au pouvoir : la Présidente du conseil général Nord-Pas-De-Calais est une élue « verte ». La réalité dépasse parfois la fiction.
La Présidente est donc un reportage d’investigation sur les traces de Marie-Christine Blandin. Durant deux jours de Novembre 1994, Blutch et Menu se fondent dans le cortège officiel qui suit la présidente lors de ses déplacements officiels. Ils en arrivent à se faire oublier et peuvent donc observer de l’intérieur les us et coutumes du milieu politique.
Très honnêtement, on ne saura pas grand-chose sur la manière dont s’exerce l’écologie au pouvoir, les projets, les combats et les enjeux politiques que la présidente doit mener. Entre inaugurations, vernissages, buffets, visites et discours officiels, seule l’interview accordée aux auteurs nous permet d’appréhender la lourde tache qui lui incombe, ô combien nécessaire dans une région dont le passé industriel à laissé de lourdes traces, tant au niveau du chômage (le plus fort taux du pays) que de la pollution des sols. Cependant, comme le rappelle l’intéressée en préface : « Les quelques jours captés en 1994, ici au Nord, sous la plume de Blutch et Menu semblent une suite de faits anodins, anecdotiques, parfois amusants. Pourtant tout y est, les détails des mœurs de l’époque, comme les germes de la suite de l’histoire politique locale ».
Dans sa forme, cet album est un reportage dessiné par Blutch et scénarisé par Menu. Le tout réalisé quasiment en temps réel. Le dossier figurant en deuxième partie de l’ouvrage nous permet de voir les coulisses de la création. Blutch et Menu, carnets et crayons à la main, croquent les personnes qu’ils croisent, retranscrivent les situations, les interactions, les dialogues. Rien ou presque ne leur échappe. Ils dessinent sur le vif durant la journée et le soir, travaillent au scénario et à la mise en page. On se rend compte que Blutch respecte méticuleusement les mises en page de Menu (dont ses planches gribouillées ressemblent étrangement à celle d’Hergé pour son Alph’Art). Blutch excelle dans l’exercice du portrait. Il sait retranscrire les caractéristiques des visages qui font de ses personnages des « gueules », sans pour autant tomber dans l’exagération de la caricature.
Initialement publiée en 1996 dans le collectif Noire est la Terre aux éditions Autrement, cette bédé-reportage se rapproche dans sa conception – les auteurs assumant la subjectivité de leur point de vue en se mettant en scène – des reportages de Gébé ou de Cabu réalisés pour Charlie Hebdo, le ton satirique en moins.
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