Archives pour mars 2011

La fleur dans tous ses états – Bosc (Claude Tchou éditeur, 1968)

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Dans ce petit recueil, Bosc revisite le kamasoutra à l’aide de fleurs humanisées. Un des maitres de l’humour noir semble se réconcilier ici avec les choses de la vie. Sauf qu’à bien y regarder, la catastrophe n’est jamais très loin : écartèlement, pendaison, usage de fouet, certaines poses sont drôlement risquées. Il est d’ailleurs précisé en nota bene que : « l’auteur n’est pas responsable des accidents qui pourraient survenir aux lecteurs ».

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La superposition de ces formes longilignes flirte avec l’abstraction. Tout est suggéré mais pourtant très explicite. Il se dégage une belle poésie de ce trait sensible, léger, de cette économie de moyen qui permet à Bosc de toucher à l’essentiel : la fragilité de l’amour. Je découvre grâce à ce petit ouvrage de belle facture, mettant parfaitement en valeur ses dessins, que Bosc est un dessinateur de grande classe.

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j-m-bosc.com

Max Lampin – Roland Topor (Buchet Chastel, 2005)

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Topor se lâche. Il se défoule sur ce pauvre Max Lampin qu’il considère comme un clampin. Sa haine est méchamment communicative. Bien content de ne pas être l’objet de sa fougue. Cette méchanceté est d’un niveau de puérilité scatologique digne d’une cour d’école, du genre : « Max Lampin pète tout le temps » ou « Max Lampin pue des oreilles et des narines comme du cul »… Topor revisite l’anatomie du pauvre sir, en illustrant ses propos par des dessins plutôt sommaires mais très explicites, que l’on suppose réalisés sur le vif, avec la même énergie dévastatrice que ses commentaires. Lampin est un personnage banal, visage rond, dégarni et portant des lunettes, toujours représenté sous le même angle, de face, en buste. Ses expressions alternent entre joie et tristesse, façon masque commedia dell’arte. Il n’est donc pas indifférent à ce qui lui arrive et semble parfois même y trouver une certaine satisfaction. Tout comme nous…

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« Max Lampin est bien petit par rapport à ma haine. C’est un sale type, d’accord, mais pas exceptionnel. D’ailleurs, cela ne changerait rien s’il était un petit saint. Alors pourquoi m’en prendre à lui avec une telle violence, une telle hargne ? Je vais vous le dire. Lorsque, comme moi, on est vieux, pauvre, malade, humilié, bafoué, on a plus l’orgueil de ses ennemis. Le premier venu suffit. Il permet de soulager sa bile, c’est le principal. Quand celui-là aura servi, on en prendra un autre. L’important, c’est de ne pas crever de rage. » (Roland Topor)

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Lampin a fait la joie des lecteurs de Charlie dès 1972…

Buchet/Chatel

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La Présidente – Blutch & Menu (l’Association, 2010)

La Présidente - Blutch & Menu (l'Association, 2010) dans Chroniques BD lapresidente

On commence la lecture de cet album par trois pages d’une histoire dont on ne lira jamais la suite. Car Menu n’est pas satisfait de la tournure que cela prend. Il retrouve alors Blutch afin de redéfinir leur projet. Si le thème reste le même, « l’écologie au pouvoir », le traitement de l’histoire diffèrera totalement. Ils se lançaient dans une politique fiction alors que la réalité leur apportait l’histoire sur un plateau. En effet, il existe en France un exemple concret de l’écologie au pouvoir : la Présidente du conseil général Nord-Pas-De-Calais est une élue « verte ». La réalité dépasse parfois la fiction.

La Présidente est donc un reportage d’investigation sur les traces de Marie-Christine Blandin. Durant deux jours de Novembre 1994, Blutch et Menu se fondent dans le cortège officiel qui suit la présidente lors de ses déplacements officiels. Ils en arrivent à se faire oublier et peuvent donc observer de l’intérieur les us et coutumes du milieu politique.

Très honnêtement, on ne saura pas grand-chose sur la manière dont s’exerce l’écologie au pouvoir, les projets, les combats et les enjeux politiques que la présidente doit mener. Entre inaugurations, vernissages, buffets, visites et discours officiels, seule l’interview accordée aux auteurs nous permet d’appréhender la lourde tache qui lui incombe, ô combien nécessaire dans une région dont le passé industriel à laissé de lourdes traces, tant au niveau du chômage (le plus fort taux du pays) que de la pollution des sols. Cependant, comme le rappelle l’intéressée en préface : « Les quelques jours captés en 1994, ici au Nord, sous la plume de Blutch et Menu semblent une suite de faits anodins, anecdotiques, parfois amusants. Pourtant tout y est, les détails des mœurs de l’époque, comme les germes de la suite de l’histoire politique locale ».

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Dans sa forme, cet album est un reportage dessiné par Blutch et scénarisé par Menu. Le tout réalisé quasiment en temps réel. Le dossier figurant en deuxième partie de l’ouvrage nous permet de voir les coulisses de la création. Blutch et Menu, carnets et crayons à la main, croquent les personnes qu’ils croisent, retranscrivent les situations, les interactions, les dialogues. Rien ou presque ne leur échappe. Ils dessinent sur le vif durant la journée et le soir, travaillent au scénario et à la mise en page. On se rend compte que Blutch respecte méticuleusement les mises en page de Menu (dont ses planches gribouillées ressemblent étrangement à celle d’Hergé pour son Alph’Art). Blutch excelle dans l’exercice du portrait. Il sait retranscrire les caractéristiques des visages qui font de ses personnages des « gueules », sans pour autant tomber dans l’exagération de la caricature.

Initialement publiée en 1996 dans le collectif Noire est la Terre aux éditions Autrement, cette bédé-reportage se rapproche dans sa conception – les auteurs assumant la subjectivité de leur point de vue en se mettant en scène – des reportages de Gébé ou de Cabu réalisés pour Charlie Hebdo, le ton satirique en moins.

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Bonheurs Mélancoliques – Ivars (Zebu éditions, 1996)

 

Bonheurs Mélancoliques - Ivars (Zebu éditions, 1996) dans Chroniques BD bonheursmelancoliques

Ivars sévit depuis de nombreuses années dans les pages du Psikopat. Son style humoristique, aux formes rondes et caricaturales lui permettent de faire passer la pilule plutôt amère des thèmes qu’il traite (la dépression, le suicide, le voyeurisme, la perversion…). Car à la question peut-on rire de tout ? Ivars y répond par la positive (sans pour autant positiver), sans tabous. Et il ne nous épargne rien. Dans ce Bonheurs mélancoliques, il prend un malin plaisir à mettre ses personnages dans des situations malsaines et honteuses. Dans son album laissez nous vivre, il invente les manières les plus débiles pour mettre fin à ses jours, à l’image du chien qui cherche à se noyer dans sa collerette…

Malgré les apparences, Ivars a beaucoup de tendresse pour ces personnages qui agissent au gré de leurs pulsions. Et on prend un malin plaisir à les voir évoluer dans des situations catastrophiques et irréversibles (mieux vaut eux que nous !). Car se laisser aller à nos instincts les plus vils n’apporte que des ennuis. Ouf, la morale est sauve… Les maux de nos sociétés individualistes sont passés au crible de son humour ravageur et tendre à la fois. Ivars possède un sens de la chute cruelle et absurde, qu’on n’avait pas vu depuis le Pervers Pépère de Gotlib…

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eric-ivars.com

La Lunette – Visions concaves & convexes du réel (revue, 2003)

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Il est des revues de grandes qualités qui vivent et meurent dans l’indifférence quasi générale. C’est le cas de La Lunette. C’est au hasard de mes recherches (sur un site de vente aux enchères connus de tous) que je découvre cette revue bordelaise totalement inconnue, mais regroupant de grands dessinateurs.La Lunette n’est pas une revue de bande dessinée de reportage, mais une revue de reportages, parfois réalisés en bandes dessinées. On trouve également des reportages photos plus traditionnels, des articles illustrés, des poèmes visuels, des roman-photos, des carnets de voyage… De sensibilité humaniste et écologique, la rédaction a la volonté de proposer de nouvelles formes de reportages illustrés. Car l’image, quelle que soit sa nature, est essentielle. « Visions concaves et convexes du réel ». Un sous-titre en forme de déclaration d’intentions : la revue privilégie l’originalité des regards subjectifs sur des faits objectifs… Regardons le sommaire en détail :

La Lunette - Visions concaves & convexes du réel (revue, 2003) dans Presse et Revues lalun1

Denis Vierge

Christophe Dabitch nous raconte son voyage au pays des serbes, le long du Danube. Un reportage à la première personne, illustré par David Prudhomme, qui nous en apprend sur la situation de cette région, où les populations serbes, croates ou albanaises réapprennent à vivre ensemble, dix ans après les massacres.

Dans Made in China, Sylvain Gérard nous raconte en bd, avec son style faussement enfantin, sa vision de l’expansion économique chinoise.

Christophe Dabitch et le photographe Rodolphe Escher nous emmènent cette fois-ci à la rencontre d’un jeune clandestin marocain fraichement débarqué à Bordeaux. Son périple, son arrivée, sa nouvelle identité, Dabitch nous raconte en détail la dure réalité de la condition d’un immigré clandestin qui n’aspire qu’à vivre simplement. Déraciné d’un coté et inexistant de l’autre, ce jeune s’est vu condamné à 3 mois de prison et un an d’interdiction de territoire pour avoir volé dans un magasin. Lui qui cherchait seulement à s’intégrer, trouver un boulot, payer un loyer…

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Tombés des mains du soleil

Les 10 pages de bande dessinée de Denis Vierge nous expliquent en détail la création et l’organisation de la ZOB : la Zebu Overseas Bank. Une manière utile et originale pour les riches occidentaux de venir en aide aux paysans pauvres de Madagascar, en leur confiant « l’usufruit d’un animal tout à la fois symbolique et outil de travail qu’ils n’ont pas les moyens financier d’acquérir ».

Charges et un poème de Yohan Radomski illustré (entre photomontages et dessins) par Julien Tardieu. Une ode à la faveur des chauffeurs routiers, véritables héros méconnus de nos temps modernes.

Bernard Brisé nous propose des portraits photographiques d’albinos africains. Les textes et photos sont issus de son ouvrage intitulé tombés des mains du soleil. « Occultant légendes et croyances ancestrales, l’humble objectif de son travail consiste à montrer l’albinos tel qu’il est : un être humain à part entière pouvant être associé, pour une fois, à une image voire un concept en rapport avec la notion de Beau ».

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Nos trois carnets crétois

Jean François Hautot, David Prudhomme et Troub’s pratiquent un exercice pour le moins original. Nos trois carnet crétois est une synthèse dessinée de leur voyage commun en Crète. Un enchevêtrement des pages de leurs carnets respectifs. Les planches de ce récit sont composées de différentes manières. Certaines sont des suites de leurs dessins structurées de manière séquentielle. D’autres sont des superpositions de leurs croquis représentant les mêmes motifs, une manière de confronter leurs points de vue tout en créant des effets de mise en abime très intéressant. Sur d’autres planches, les auteurs ont pratiqué une sorte de cadavres exquis dans lequel chacun prolonge le dessin de l’autre. Il se dégage une incroyable cohérence dans ces assemblages de croquis pris sur le vif. On ne distingue pas clairement les dessinateurs, tant leurs styles respectifs et les techniques sont très proches. C’est là la grande force de ce récit dessiné. Une manière vraiment originale et réussie de pratiquer le carnet de voyage à plusieurs mains.

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Etienne Davodeau

Laurent Bonnaterre et Manuel Lo Cascio, respectivement chargé des relations publiques et rédacteur en chef de la revue, ont interviewé Etienne Davodeau (en 2001 et 2002) à l’occasion de la sortie de son ouvrage Rural (en 2001), rare spécimen de reportage en bande dessinée. Davodeau explique : « L’idée initiale était d’utiliser la bande dessinée pour raconter une histoire vraie qui soit une vraie histoire, quitter le domaine de la fiction dans lequel la bande dessinée est traditionnellement exploitée. J’ai donc cherché un sujet de reportage, ou de documentaire – je ne sais pas ce que c’est exactement, un peu des deux à mon avis. Je suis finalement tombé sur ce sujet sans avoir l’envie à priori de parler ni de l’agriculture bio et ni des autoroutes. Il se trouve que ces mésaventures arrivent à un ami agriculteur qui m’a dit « On est passé en bio et on apprend que notre exploitation est coupée en deux par une autoroute… ». Moi ce que je cherchais, c’était un sujet qui, d’une part, soit racontable en bande dessinée et, d’autre part, dépasse ses propres péripéties et anecdotes. Dans la confrontation des deux événements je me suis dit qu’il y avait peut-être un sujet à creuser. » C’est donc volontairement que Davodeau use des potentialités originales du médium vers la voie du reportage,  et non parce que l’histoire l’y aurait amené. Un positionnement qui correspond parfaitement aux intentions de La Lunette. « Faire un reportage c’est essayer d’explorer un petit champ supplémentaire, ce n’est pas une idée révolutionnaire. Je pense que la bande dessinée a des capacités pour ça. D’abord, sa légèreté technique, et puis le fait qu’elle impose une distance d’emblée par rapport au sujet ».

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Baudoin

Baudoin se souvient de sa première visite de Paris. Après avoir essuyé deux refus auprès d’éditeurs, il erre dans le quartier Oberkampf en attendant son train pour Nice. Cette courte histoire autobiographique nous démontre une nouvelle fois que Baudoin est un dessinateur libre, qui mélange les motifs avec une maestria inégalée, son visage se confondant souvent avec les monuments qu’il découvre. Son graphisme lâché et cependant très maitrisé, ce noir et blanc charbonneux (exécuté au pinceau et fusain) conviennent à merveille pour décrire ce spleen urbain.

Sauvage est l’attente est une bande dessinée à la forme originale. Les auteurs, Church et Nicolas Global, détournent des images de diverses natures. Des photos ou des cases de bd standard (genre Elvifrance) sont ré-agencée de manière séquentielle (avec présence de phylactères) afin de dénoncer par l’absurde la pseudo-liberté apportée par la voiture.

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Church & Nicolas Global

François Ayroles nous parle lui de La végétation dans la ville, pour le moins méprisée par les urbanistes et trop souvent ignorée les citadins. Il en distingue 3 types : La végétation préhistorique, présente avant le bitume, qui si elle n’est pas encore malade, voit son espérance de vie de plus en plus réduite…  La végétation orthodoxe, conçue avec la ville. Ce sont ces allées tristes de platanes ou ces carrés de gazon en kit. Donnant l’impression que les urbanistes cherchent à se donner bonne conscience. Et enfin la végétation pirate, non désirée. Symbole d’une nature qui tente de reprendre ses droits, à l’image de ces touffes d’herbes qui poussent entre les pavés. Une analyse illustrée sensible et intelligente.

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François Ayroles

On peut constater sur le site officiel que La Lunette s’est arrêté en 2005, au numéro 6. Dommage, car ses qualités formelles sont indéniables. Cependant, même si elle n’existe plus, les thèmes abordés sont toujours d’actualité et ne sentent malheureusement pas la poussière. Le choix des sujets et leurs traitements rendent la lecture de cette revue encore pertinente, presque dix ans après sa sortie. J’ai bien l’intention de me procurer d’autres numéros…

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