Bon, The King of Limbs est à peine sorti qu’il fait déjà polémique. Bon album ou attrape-couillons ? Innovant ou réchauffé ? Il est vrai qu’à la première écoute, l’album déroute. On n’y sent pas de morceau fort. On se dit même qu’ils ne se sont pas foulés. Pas de chanson, peu d’instruments organiques (où est passé Phil Selway ? Ils ont enregistré les morceaux pendant qu’il travaillait sur son album solo ou bien ?) Un album qui semble plus dans la continuité de The Eraser que de In Rainbows. Après le figuratif (du « pompier » Creap à « l’impressionniste » Nude), Radiohead œuvre pleinement dans l’abstraction. Ce qui n’est pas pour me déplaire.
J’aime être bousculé dans mes habitudes d’auditeur et cet album ne m’a pas épargné. J’y ressens ce même mélange d’impressions, entre fascination et déception, que j’avais ressenti à la première écoute de Kid A. je me rappelle même avoir été plus déçu en découvrant Hail to the Thief que ce King Of Limbs…
J’apprécie ces boucles rythmiques, ces superpositions décalés qui trouvent le sens que l’on veut bien leur donner. Il n’y a plus ces figures imposées du format chanson, mais un travail méticuleux sur la texture, les tessitures. Plus encore que sur leurs derniers albums, ils privilégient la forme. Et malgré les apparences, pas au détriment du fond. Car après plusieurs écoutes, on s’aperçoit qu’il y a des chansons derrière cet habillage sonore plutôt dépouillé et déroutant. De bonnes chansons d’ailleurs (Give up the Ghost, Lotus Flower, Codex, Morning Mr Magpie, Separator…)
Il est clair que ceux qui supportent mal les jérémiades du chanteur Yorke, ainsi que ces bidouillages de voix passerons leur chemin en courant. Les autres auront peut-être comme une impression de déjà entendu. Bien que Thom Yorke s’aventure ici vers des territoires peu visités jusqu’alors, tels que le gospel (Give up the Ghost) ou le chant classique (Feral), il ne peut non plus réinventer sa manière de chanter à chaque album. Il semble ici libéré de toute contrainte et n’avoir plus rien à prouver. Simplement chanter comme il l’entend.
Un album qui ne se laisse pas conter et qu’il faudra apprivoiser. Je me suis demandé sur le coup (comme certains sur les forums spécialisés) s’ils n’auraient pas d’abord diffusé l’album bis, composé de faces b et autres morceaux des sessions d’enregistrements (une pratique ancienne chez les gars d’Oxford, générant une riche discographie parallèle) avant de dévoiler le véritable album sur disque au mois de mars. Mais en l’état, ce dernier album me convient parfaitement et à le réécouter, je suis convaincu que c’est bien l’album principal. Un très bon album.
Reconnaissons à Radiohead ce talent (ce génie ?) de défricheur, permettant à un public rock « mainstream » de découvrir des univers musicaux très confidentiels. Un rôle de passeur que je trouve salutaire de leur part. Un immense groupe de rock se transformant en un curieux groupe d’abstract électro. Beau parcours, qui les rend à mes yeux toujours aussi intéressant et précieux.
Ton lien de l’article des Inrocks ne fonctionne pas.
D’ailleurs dans cet article, la phrase la mieux sentie est bien celle-ci :
« Le trip reste pourtant de plus en plus captivant au fil des écoutes. Il en faut sept pour un album de Radiohead, dans au moins trois lieux différents : c’est une règle immuable, n’en déplaise à ceux qui détestent cette musique en ne l’écoutant qu’en simples touristes. »
Et il en faut quelques écoutes de THE KING OF LIMBS pour bien (res)sentir sa qualité… C’est aussi la grande force de Radiohead, avoir des fans qui insistent, leur permettant ainsi d’explorer multiples facettes musicales et enrichir leur discographie de quelques pépites.
Néanmoins, des albums supérieurs à celui-ci non pas eu cette chance. N’est pas Radiohead qui veut.
J’ai rectifié le lien des inrocks, là ça fonctionne.
Pour ce qui est de ce dernier album, c’est clair qu’il faut au moins 7 écoutes avant d’en saisir toute la substantifique moelle !
Mais il fera moins l’unanimité c’est sur et comme tu le dis justement, un autre groupe sortirait ce genre d’album qu’on en parlerai pas.