Artiste éclectique par définition, acteur (théâtre, cinéma, télévision…) auteur-interprète (avec Brigitte Fontaine et Jacques Higelin), écrivain, romancier (une petite dizaine de livres), chanteur… Rufus est un incontournable second couteau du cinéma français, connu de tous pour ces rôles dans les films de Jeunet, Mocky et bien d’autres… Je ne connais pas assez sa filmographie, mais il me semble qu’il n’a jamais obtenu de rôle à la hauteur de son talent, qu’il exprime cependant pleinement au théâtre, dans des pièces de Samuel Beckett, Woody Allen ou Eric-Emmanuel Schmitt. Je n’ai pas eu la chance de le voir sur les planches, pas encore. En fait, je m’aperçois que je connais mieux le Rufus écrivain que le Rufus acteur.
J’ai lu il y a quelques années maintenant son : Les poissons meurent de soif (ne me dites pas que…), un superbe petit ouvrage (par sa taille uniquement) dans lequel il nous raconte quelques souvenirs d’enfance, en particulier la naissance de sa vocation d’artiste.
« Mon fils plaisantait en disant « si tu m’offres un cadeau, ne m’offre jamais un livre ! » pour rigoler, j’ai écrit ce livre exprès pour lui. Il n’a pas pu refuser ce cadeau… D’autant que j’y raconte les circonstances de cette phrase essentielle livrée un jour par mon propre père : « Sois payé pour faire ce que tu aimes » en réponse à ma question : « Qu’est-ce que je vais bien pouvoir choisir comme métier ? ».(Présentation par l’auteur, tirée de son site)
Je suis en train de finir « Si Dieu meurt je ne lui survivrai pas » qui, comme son nom pourrait le laisser supposer, n’est pas un traité de théologie, mais un roman méchant (comme indiqué sur la couverture).
Rufus nous dépeint le portrait de contemporains plutôt décalés, marchant au bord des sentiers balisés de la raison (légèrement fous, quoi). Si Dieu… nous narre l’histoire de Charles Tuparle, un agent d’assurance plutôt apathique (ancien soldat à Sarajevo, ca marque !), qui mène son enquête sur les dangers que provoquent les antennes émettrices de téléphones portables. Non pas pour dénoncer un odieux scandale de santé public (les ondes seraient dangereuses pour la santé des utilisateurs ?!), mais dans son propre intérêt, afin de proposer aux opérateurs téléphoniques un contrat d’assurance couvrant ces risques qui n’existent pas officiellement. S’il arrive à les convaincre, un énorme coup se prépare pour lui…
Ce « roman méchant », certes roman, sert bien sûr d’outil à Rufus pour alerter. Sensibilisé depuis toujours aux problèmes de santé publique et d’écologie, il y mêle, pour dépeindre un monde qu’il aime « moi non plus », la férocité de l’écriture et la tendresse d’une mise en garde aux humains qui le peuplent. Car enfin, écrire… n’est-ce pas déranger ? (site de l’artiste)
Son univers flirte avec le surréalisme, saupoudré d’une pincée de situations absurdes, mais reste bien ancré dans le réel. Ce roman est une fiction (je l’espère) qui dénonce de nombreux éléments de notre réalité (les dangers des ondes téléphoniques, la veulerie des assureurs, l’hypocrisie des opérateurs, la manipulation des experts scientifiques…)
Proche de l’écriture d’un Roland Topor (ils excellent tous deux dans l’invention de noms à tiroir pour leurs personnages), en moins cruel mais usant tout aussi subtilement d’un humour noir qu’on ne distingue pas forcement au premier abord (cependant, en lisant les titres de ces deux livres, on y retrouve le verbe mourir !).
C’est un vrai régal de lire cette prose franche, jamais vulgaire, fluide, rythmée, et jamais plombante…
http://www.rufus.fr/
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