Archives pour avril 2010

Crève-Coeur – Jean-Claude Götting (Collection X Futuropolis, 1985)

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Jean Claude Götting, au même titre qu’un Jacques Loustal ou un Lorenzo Mattotti, est avant tout un plasticien, un artiste qui refuse de s’enfermer dans un médium particulier et investie, avec originalité et grande classe, plusieurs domaines. Illustration (voir ici), affiche, peinture, bande dessinée…

Un style contrasté, expressif, soutenu par un trait dynamique et des formes flirtant avec le cubisme (anguleuses ou rondes). Un superbe travail de noir et blanc, ainsi que de nombreux gris, certainement fait au fusain, ce qui créé cette impression charbonneuse, sale, qui colle parfaitement à cet univers de la nuit et des tripots de Jazz.

« A Crève-Cœur, c’est facile d’être un batteur dans la dèche. Alors le jour où un orchestre comme celui de Charlie Hawk débarque en ville, vaut mieux arriver à l’heure et connaître la mesure. Bien sûr ,c’est juste à ce moment-là que votre amie en profite pour faire ses valises… dommage ! ».

Bien que l’histoire soit plutôt anecdotique, cet album vaut surtout pour les qualités graphiques de Götting. Crève-Cœur est un premier album époustouflant de maitrise et de maturité, qui a obtenu très logiquement l’Alfred du Meilleur Premier Album à Angoulême en 1986.

Treizième volume de la géniale collection X de Futuropolis (premier du nom), des petits albums, format à l’italienne, comme on n’en fait plus depuis longtemps, tant pis (on en trouve encore facilement sur le marché de l’occasion).

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http://www.gotting.fr/

RUFUS – Si Dieu meurt je ne lui survivrai pas (L’Arganier, 2005) / Les poissons meurent de soif (Actes Sud, 2001)

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Artiste éclectique par définition, acteur (théâtre, cinéma, télévision…) auteur-interprète (avec Brigitte Fontaine et Jacques Higelin), écrivain, romancier (une petite dizaine de livres), chanteur… Rufus est un incontournable second couteau du cinéma français, connu de tous pour ces rôles dans les films de Jeunet, Mocky et bien d’autres… Je ne connais pas assez sa filmographie, mais il me semble qu’il n’a jamais obtenu de rôle à la hauteur de son talent, qu’il exprime cependant pleinement au théâtre, dans des pièces de Samuel Beckett, Woody Allen ou Eric-Emmanuel Schmitt. Je n’ai pas eu la chance de le voir sur les planches, pas encore. En fait, je m’aperçois que je connais mieux le Rufus écrivain que le Rufus acteur.

J’ai lu il y a quelques années maintenant son : Les poissons meurent de soif (ne me dites pas que…), un superbe petit ouvrage (par sa taille uniquement) dans lequel il nous raconte quelques souvenirs d’enfance, en particulier la naissance de sa vocation d’artiste.

« Mon fils plaisantait en disant « si tu m’offres un cadeau, ne m’offre jamais un livre ! » pour rigoler, j’ai écrit ce livre exprès pour lui. Il n’a pas pu refuser ce cadeau… D’autant que j’y raconte les circonstances de cette phrase essentielle livrée un jour par mon propre père : « Sois payé pour faire ce que tu aimes » en réponse à ma question : « Qu’est-ce que je vais bien pouvoir choisir comme métier ? ».(Présentation par l’auteur, tirée de son site)   

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Je suis en train de finir « Si Dieu meurt je ne lui survivrai pas »  qui, comme son nom pourrait le laisser supposer, n’est pas un traité de théologie, mais un roman méchant (comme indiqué sur la couverture).

Rufus nous dépeint le portrait de contemporains plutôt décalés, marchant au bord des sentiers balisés de la raison (légèrement fous, quoi). Si Dieu… nous narre l’histoire de Charles Tuparle, un agent d’assurance plutôt apathique (ancien soldat à Sarajevo, ca marque !), qui mène son enquête sur les dangers que provoquent les antennes émettrices de téléphones portables. Non pas pour dénoncer un odieux scandale de santé public (les ondes seraient dangereuses pour la santé des utilisateurs ?!), mais dans son propre intérêt, afin de proposer aux opérateurs téléphoniques un contrat d’assurance couvrant ces risques qui n’existent pas officiellement. S’il arrive à les convaincre, un énorme coup se prépare pour lui…

Ce « roman méchant », certes roman, sert bien sûr d’outil à Rufus pour alerter. Sensibilisé depuis toujours aux problèmes de santé publique et d’écologie, il y mêle, pour dépeindre un monde qu’il aime « moi non plus », la férocité de l’écriture et la tendresse d’une mise en garde aux humains qui le peuplent. Car enfin, écrire… n’est-ce pas déranger ? (site de l’artiste)

Son univers flirte avec le surréalisme, saupoudré d’une pincée de situations absurdes, mais reste bien ancré dans le réel. Ce roman est une fiction (je l’espère) qui dénonce de nombreux éléments de notre réalité (les dangers des ondes téléphoniques, la veulerie des assureurs, l’hypocrisie des opérateurs, la manipulation des experts scientifiques…)

Proche de l’écriture d’un Roland Topor (ils excellent tous deux dans l’invention de noms à tiroir pour leurs personnages), en moins cruel mais usant tout aussi subtilement d’un humour noir qu’on ne distingue pas forcement au premier abord (cependant, en lisant les titres de ces deux livres, on y retrouve le verbe mourir !).

C’est un vrai régal de lire cette prose franche, jamais vulgaire, fluide, rythmée, et jamais plombante…

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http://www.rufus.fr/

Topor, Panic & Cie – Christophe Hubert (éditions Orbis Pictus Club, 2010)

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Avec jaquette…

Très bonne initiative du toporologue Christophe Hubert et des éditions Orbis Pictus Club que d’avoir confectionné (en collaboration avec Les cahier de l’Humoir et les éditions Hermaphrodite) cette monographie de Roland, comprenant de nombreux documents, textes et dessins inédits… Un bel ouvrage de presque 500 pages. Il faut au moins ça pour cerner son oeuvre protéiforme…

« D’aucuns conservent encore la niaiserie de cataloguer Roland Topor comme un gentil humoriste touche à tout, pratiquant un art mineur, le dessin. Ses amis Robert Filliou, Daniel Spoerri ou Erik Dietman, eux, ont été raccrochés à des mouvements artistiques. Topor, même s’il a lancé avec ses amis Olivier O. Olivier, Zeimert, Arrabal et Jodorowsky le mouvement Panique, n’a jamais été pris au sérieux. Trublion sympathique. C’est un tort, car s’il est un personnage qui a transformé sa vie en happening permanent, c’est bien Topor, artiste Fluxus par essence.

Cette édition, anthologique autant que monographique, conçue comme le premier volume des Cahiers Roland Topor par le toporologue Christophe Hubert, réunit un important ensemble d’archives, textes, photographies, documents inédits, témoignages, hommages graphiques et études, qui permettent de mesurer la prodigalité de son oeuvre. Et il entre dans les écrits de Topor davantage de philosophie sur la condition humaine que chez beaucoup d’écrivains. Il existe dans son oeuvre graphique une réflexion puissante sur le corps, la mort, le désir, la violence, l’étrangeté et la singularité de l’individu dans son animalité/humanité.

A l’heure où tant de créations parcellaires sont portées au pinacle, il est étonnant qu’un artiste aussi universel que Roland Topor, parlant à l’universel des terreurs universelles et de la connerie universelle, n’ait pas une place plus importante. » (présentation de l’éditeur)

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Sans jaquette…

Roland Topor, l’artiste erroriste

Missionnaire – Les carnets de Joann Sfar (Delcourt Shampooing, 2007)

Missionnaire - Les carnets de Joann Sfar (Delcourt Shampooing, 2007) dans Chroniques BD missionnaire-210x300

Joann Sfar est un auteur complet (dessinateur, scénariste, réalisateur, illustrateur…), multiforme, prolifique et plutôt inclassable. Roman graphique avec Pascin, conte spirituel avec Le chat du Rabbin, bandes pour enfants de tous âges avec Le petit vampire, scénario pour Donjon Monsters, Carnets de voyages, etc.

Un dessinateur qui ne peut se passer de dessiner. Prendre le crayon est pour lui aussi vital que de respirer. C’est une nécessité. C’est ce qu’on peut constater à la lecture de ce Missionnaire (septième volume de ses carnets). Proche d’une écriture, son graphisme est lâché, « brouillon », fait à la va-vite. Sfar pratique un dessin et une calligraphie en temps réel. Il retranscrit en direct ce qu’il est en train de voir ou de vivre.

Se représentant la plupart du temps sous les traits d’un ours, parfois d’un crocodile, il nous raconte ses impressions, ses joies de découvrir de nouveaux artistes ou de manger au restaurant avec des amis, ses peines quand il a le blues et veut rentrer chez lui, sa fascinante découverte du Monte Cristo de Dumas…

Dans cet ouvrage, Sfar nous raconte ses périples touristiques vécus lors de voyages organisés au Japon et aux Etats Unis. En fait, il n’est pas un touriste, mais un « missionnaire » de l’Institut Français. Comme il nous le raconte :  » Je ne suis pas un artiste invité ou un gros couillon qui va signer ses livres pendant trois semaines en Amérique, non, je suis « MISSIONNAIRE » et c’est très intéressant. Ma mission ? Coloniser les… Heu… Eduquer les populations de… Faire rayonner le prestige de… Mon cul. »

Il croque quelques paysages, mais privilégie surtout les portraits de gens qu’il rencontre ou d’anonymes qu’il croise dans la rue. Usant de son trait inimitable (tremblant et précis à la fois) et d’une palette de couleurs aquarelles chaudes, il nous fait part de ses émotions, ses ressentis, ses découvertes… Une visite intimiste de deux pays qu’on croit connaître, mais qui nous sont en fait bien étranger.

Une fois encore, Sfar nous propose un ouvrage hybride, entre bande dessinée classique, carnet de voyage et roman illustré. Surtout, il renvoi cette impression de liberté, de maitrise totale et décomplexée de son art, dessinant ce qu’il veut, comme il le veut.

Ce carnet de voyage lui permet de fixer ses émotions, comme une suite d’instantanés bruts de ce qu’il a vécu. Cela nous permet par la même occasion, de voyager avec lui, de nous dépayser, de découvrir des coutumes, des traditions, des gens, des paysages de ces deux pays dont on ne connaît que le coté « carte postale ». Une vraie vision d’Artiste, à partager…

 

Le petit monde de Joann Sfar

Le vaste monde de Joann Sfar

Halloween 2 – Rob Zombie (2009)

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J’aime bien le cinéma déjanté de Rob Zombie. Un cinéma déviant, amoral, qui nous met face aux dérives psychopathologiques de notre société occidentale et nous confronte à nos propres démons. Il développe une esthétique de la violence particulière, sans concessions, qui fait autant référence aux classiques du genre horreur seventies (entre Tobe Hopper, John McNaughton et Wes Craven) qu’aux films de Peckinpah ou Boorman. Un cinéma certes très référencé, mais parfaitement de son temps. A ce titre, son Devil’s Reject est un petit bijou…

Pour ses deux derniers métrages, Zombie s’est attaqué à LA figure emblématique du fantastique des seventies. Même si son Halloween 2 m’a déçu sur la fin, il reste une assez bonne suite, plutôt cohérente par rapport à ce qu’il avait développé dans le premier opus.

Je cite le billet de Cédric Janet, tiré du dernier numéro de Brazil2 (n°28), avec lequel je suis bien d’accord, à propos de ce film en particulier (auquel il met 3 étoiles sur 5) et le cinéma de Zombie en général :

« Avec Halloween 2, Rob Zombie remet le couvert après un reboot (refais-le moi depuis le début) réussi de la célèbre franchise créée au milieu des années 70 par John Carpenter. Je sais que dans nos murs résident des détracteurs du bonhomme, qui le jugent aussi mauvais scénariste que mauvais directeur d’acteurs, et plus encore, mauvais musicien. Pour ce qui est de la zic, j’admets, mais ce n’est ni l’endroit ni le moment.

Le cinéma de Zombie, je le trouve efficace et jubilatoire. Voilà, c’est dit. Seulement, il y a un hic, voir même des hics. Ses histoires et ses personnages sentent le réchauffé. Vous me direz que là, c’est un peu normal !! Mais cette impression perdure tout le long de son diptyque fou animé par le Capitaine Spaulding. Nous sommes en droit de préférer la cuisine traditionnelle de tonton Carpenter plutôt que celle plus actuelle de cousin Rob. C’est un art d’accommoder les restes. 

Rob Zombie modernise, met au goût du jour, mais n’améliore pas. Après coup, le côté craspec « métal industriel » qu’il propose fait plus figure d’effet de style que de véritable coup de pouce au genre. Je crois que Zombie attache plus d’importance à la forme qu’au fond, et que les quelques séquences oniriques (assez comiques et grandiloquentes) entre maman et fiston Myers cachent de graves lacunes scénaristiques. En fin de compte, nous n’apprenons pas grand-chose de cette folie qui habite le tueur et de cette peur qui étreint sa sœur. Quid de la famille. Comme si Rob Zombie n’avait en tête que de faire mal. Mais le fait-il bien ? Pas sûr. Halloween 2 se laisse regarder avec plaisir. Le film est généreux. Zombie devrait s’attacher à faire progresser ses intentions d’auteur ». CQFD.



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