Joost Swarte, le hollandais sous influences, est un artiste complet. Auteur et dessinateur, il possède une exigence éditoriale sans pareil. Il conçoit lui-même toutes les phases de la création d’un album : dessins et scénarii bien sur, mais aussi la typographie, les mises en page, les couleurs (ses tons pastels sont magnifiques).
Un théoricien, créateur des concepts de la Ligne claire, qui applique les principes de l’école de Bruxelles (Hergé et Jacob) et du Style atome, se référant à l’école de Marcinelle (Jijé et Franquin).
Un esthète, comme le qualifie très bien Florence Cestac. Il serait aussi exigeant qu’ Etienne Robial. Pas étonnant alors que Swarte ait essentiellement édité chez Futuropolis ou Les Humanoïdes Associés (pas ceux de maintenant bien sur).
Ce retour à la Ligne Claire au début des années 80 – dans les pages de Métal Hurlant avec entres autres les « modernes » Yves Chaland, Ted Benoit ou Serge Clerc – paraissait devoir vieillir trop vite (comparé à Druillet ou Moebius), mais a su se bonifier. Le temps l’a rendu intemporel et il parait maintenant beaucoup moins daté que la Ligne crasse, l’autre courant graphique du journal (cela dit, un dessinateur comme Charlie Schlingo revient en force).
L’Art Moderne est un ouvrage dont le titre parait un peu prétentieux, mais qui dans le fond ne pouvait s’appeler autrement. L’influence des Avant-gardes artistiques (entre le Cubisme, le Bauhaus ou le Pop Art) se fait bien ressentir. Joost Swarte a su renouveler un style un peu vieillot, qui évoque surtout l’age d’or des périodiques pour la jeunesse. Il utilise tous les préceptes de la Ligne claire : un trait noir régulier soulignant les formes, des couleurs pastels en aplat (sans effet de matière), pas d’ombres…
Un style plus symbolique que réaliste. Archétypal. Un style enfantin qui contraste avec des histoires d’adultes, nous racontant les déboires de zonards urbains (des camés, des malades mentaux, des suicidaires, des artistes fous…
D’une manière générale (et chacun à leur manière), les hollandais, ces flamands irrévérencieux, font dans l’humour absurde et trash, toujours provoquant, parfois dérangeant : Willem en tête (qui a scénarisé et traduit certaines histoires de cet album), Kamagurka et Herr Seele avec leur Cowboy Jean (qu’on retrouve parfois dans les pages du Psiko) ou le scatologique Léon la Terreur de Van Den Boogaard…
Joost Swarte n’échappe pas à la règle. Voir ces scènes gores sous les traits d’un Hergé ou d’un St Ogan crée un décalage plutôt hallucinant et franchement génial !
(4 de couv’ de l’édition Futuropolis)
Joost Swarte revient au premier plan avec l’ouverture du Musée Hergé (dont il est le concepteur graphique) ainsi que l’exposition « A la recherche du Style Atome », à Bruxelles. Denoel Graphic prévoit de rééditer ses albums (dont cet Art Moderne) pour 2010.
n’a de moderne que l’art