La romancière Irène Frain et de dessinateur André Juillard nous racontent leur périple effectué au fin fond du Madhya Pradesh, sur les traces de Phoolan Devi, la célèbre femme-bandit indienne qui terrorisa l’Inde au début des années 80.
C’est un carnet de voyage à quatre mains, dont chacun tire profit des qualités artistiques de l’autre. Sur les pages de droite, les aquarelles de Juillard, sorte de polaroïds, d’instantanés (tous de même format) apportent une sérénité qui contraste admirablement avec les écrits de Frain (pages de gauche) qui puise dans le passé, l’histoire de la région, de Devi et évoquent souvent la souffrance, la mort…
Célèbre auteur de bande dessinée, Juillard nous démontre ici qu’il est aussi un remarquable illustrateur. Ses dessins aux traits légers, vifs, sont d’une grande rigueur académique, associés à des couleurs aquarelles subtiles et intenses… Un beau livre.
La terre ici n’est qu’écorchure, plaie vive, offerte à toutes les douleurs. A se demander comment survivent les villages enserrés dans les profondes crevasses. Hormis le fleuve où roulent les germes du Mal, le paysan n’a d’autre horizon que ce maquis de fissures et d’ornières, grumeleuse pellicule entaillée de lézardes, labyrinthe au sol gercé par les mois de fournaise, gouffre de boue dès l’heure où la flagellent les premières pluies de mousson. Néant blafard où vont se perdre, depuis que le monde est monde, les chimères des vivants et les cendres des morts. (Irène Frain)
Le matin, en descendant vers les puits, vers les quelques sources encore vierges de l’Esprit de Révolte, les paysannes entonnent les chansons qui racontent l’histoire du fleuve, l’inexorable enchaînement de vengeances et de haines qui voue le pays aux forces des ténèbres. (Irène Frain)
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