Pour voir Choron dernière, il ne fallait pas perdre de temps. Il n’est resté qu’une semaine à l’affiche du cinéma d’art et d’essai de ma ville…
Ce film est à la fois un documentaire, avec sa part d’images d’archives, et un reportage, dans lequel les réalisateurs ont suivi Bernier à la fin de sa vie, nous présentant son village natal. Ces deux aspects du film illustrent en fait les deux aspects du personnage. Mister Bernier et Professeur Choron ! Les extraits d’émissions de télé nous montrent un provocateur extrême, abusant du mauvais goût car ne supportant pas le politiquement correct (le fameux droit de réponse où il traite de « merde » des jeunes présents qui considèrent Charlie Hebdo comme un journal de vieux, ou alors sur le plateau de Mireille Dumas quand il parle des malades du sida en disant : « qu’ils crèvent ! », etc.) Puis, on voit un Bernier plus intime (il ne nous épargne rien de son anatomie, ni de ses souvenirs croustillants), d’une extrême gentillesse, nous présentant une amie d’enfance, la maison où il est né, son premier boulot à la fromagerie…
Derrière ce personnage public immoral et sans cœur se cache un être sensible et profondément humain. Et bien que ses grandes heures de gloire soient passées (hara-kiri n’étant plus, Charlie Hebdo qui repart sans lui), on ne ressent pas d’amertume chez lui. Je pense qu’il continuait à avancer (en créant Grodada ou La Mouise) même s’il devait savoir que le succès ne sera plus le même. Le recherchait–il d’ailleurs ? Non, bien sur ! Il me semble que l’essentiel pour lui était d’être entouré de ses amis (Charlie Schlingo, Vuillemin, Berroyer, Marc Edouard Nabe…) et de faire un bon journal avec eux. Peu importe le tirage et la couverture médiatique.
Un des défauts de ce film est que les réalisateurs laisse un peu trop la parole à l’équipe actuelle de Charlie Hebdo. Cette position « à charge » est plutôt gratuite car, bien entendu (on le sait depuis le procès pour le nom de Charlie Hebdo), ils n’estiment ne rien devoir à Choron. Je reconnais l’honnêteté de Cabu ou même Wolinski qui l’ont bien connu, disant qu’ils n’ont pas vécus que des bonnes choses à ses cotés. Mais que Val le descende en disant qu’il n’est rien et n’a rien fait, que c’était Cavanna qui faisait tout dans Hara-kiri relève d’une grande malhonnêteté ! Comme le dit très bien Jackie Berroyer dans son billet (in Siné Hebdo n°20) : « Des gens ont de lui une image qui n’est pas la meilleure. Je ne parle pas de son coté ravageur. Je trouve le film un peu bâclé puisqu’on ne m’a pas consulté. On y a mis des gens qui regrettent d’y être, il faut dire que ça ne les montre pas non plus sous leur meilleur jour ».
D’ailleurs, l’interview de Cavanna est touchante à plus d’un titre, quand il repense à son ami la larme à l’œil. Lui n’oubli pas de rappeler que sans Choron, il n’y aurai jamais eu de Hara-kiri, ni de Charlie. Berroyer toujours : « Choron est un de ces personnages uniques, un de ceux dont on dit qu’il n’y en a plus parce que en fait, il n’y en a jamais eu beaucoup. Et parce qu’on les regroupe, qu’on fait des listes, qu’on a l’impression qu’il y en avait plus dans le passé ».
Au delà de ces polémiques, Choron dernière nous rappelle que Bernier était surtout un humoriste, noir et trash certes, mais qui savait nous faire rire ! « Il n’y a qu’une seule forme d’humour, celle qui fait rire » disait-il. Et les éclats fusaient de partout durant la projection. Mais ce film m’a surtout permis de découvrir un homme touchant et attachant. Vive Choron !
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